Me Daoud: DSK, « Sardanapale des temps modernes »
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 16/02/2015
Le véritable réquisitoire contre Dominique Strauss-Kahn a été prononcé, lundi 16 février, par Me Emmanuel Daoud, l'avocat de l'association le Nid, partie civile au procès. Au procureur de la République dans ses réquisitions, au tribunal dans son jugement, il reviendra de faire du droit. De la place qui est la sienne, Me Daoud revendique et assume le devoir de parler de morale.
« Il y a aura un avant et un après procès du Carlton. Procès hors norme par son casting, terriblement ordinaire par son sujet. Nous ne sommes pas là dans la fiction ou dans le fantasme. Nous ne ricanerons plus à l'évocation des “parties fines”. Nous disserterons moins sur la prostitution plus ou moins choisie », veut croire l'avocat.
A l'adresse du président qui, le premier jour, a rappelé que le tribunal « n'est pas le gardien de l'ordre moral », Me Daoud a répliqué : « Il faudrait donc conserver le silence ? Ne rien dire sous peine de vouloir instaurer l'ordre moral ? S'abstenir de juger le comportement sexuel des prévenus ? Je ne vais pas suivre ces injonctions, je vais parler de certains d'entre eux. »
Alors il cogne, Me Daoud. Sur René Kojfer, le « triste sire », sur Dodo la Saumure – « Je vais l'appeler comme ça », dit-il –, le « marchand de viande, le souteneur », et surtout sur Dominique Strauss-Kahn, qu'il exécute d'une formule destinée à se ficher dans la mémoire des phrases de ce procès, « Sardanapale des temps modernes avec sa cour de serviteurs dévoués ».
« Est-ce si inconcevable d'imaginer que lui, le professeur agrégé d'économie, le directeur général du FMI savait que certaines femmes étaient des prostituées ? Etait-il si naïf, si crédule ? Il ne prenait aucune précaution particulière, tout tourné qu'il était sur son obsession du sexe. Sur l'éventuelle relaxe des faits de proxénétisme qui lui sont reprochés, vous ferez votre office de juge, poursuit l'avocat, mais beaucoup d'entre nous ne seront pas dupes. »
Aux femmes qui se sont constituées partie civile, et surtout à deux d'entre elles, Jade et Mounia, Me Daoud choisit d'offrir l'hommage de ces vers de Baudelaire, extraits de La Muse vénale :
« II te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
Comme un enfant de chœur, jouer de l’encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,
Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas,
Pour faire épanouir la rate du vulgaire. »