Ne m’appelez plus Titeuf!
Chroniques judiciaires - prdchroniques, 15/02/2012
Le 7 novembre 2009, Dominique, heureux père d'un garçon, va reconnaître son enfant devant l'officier d'état-civil. Il lui donne trois prénoms: Titeuf, Grégory, Léo.
Le fonctionnaire fronce les sourcils et informe derechef le procureur de la République de cette affaire au motif que le prénom du fameux personnage de BD à la mèche blonde du dessinateur Zep, lui semble "contraire à l'intérêt de l'enfant".
Le procureur partage son avis et assigne les parents devant le juge aux affaires familiales de Pontoise qui leur ordonne de supprimer Titeuf de l'état-civil de leur fils.
Les parents contestent, en invoquant la liberté de choix des parents et le droit à la création et font appel de la décision du juge devant la cour d'appel de Versailles qui confirme le jugement du tribunal.
Dans son arrêt, la cour relève que le héros de bande dessinée est "un personnage présenté comme un garnement pas très malin", "caricatural bien que plutôt sympathique, destiné à faire rire le public en raison de sa naïveté et des situations ridicules dans lesquelles il se trouve".
Les juges d'appel observent en conséquence que ce prénom "de nature à attirer les moqueries, risque de constituer un réel handicap pour l'enfant devenu adolescent, puis adulte, tant dans ses relations personnelles que professionnelles".
Les parents décident de poursuivre leur combat et se pourvoient en cassation. Ils font valoir qu'en se référant uniquement au personnage de la bande dessinée "dont la notoriété est nécessairement éphémère et limitée", les juges se sont livrés à une "appréciation subjective" de l'intérêt de l'enfant et qu'ils ont donc, à ce titre, violé l'article 3 de la Convention de la New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans un arrêt rendu le 15 février, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi.
Grégory, Léo a trois ans et demi. Sur son blog, le sociologue Baptiste Coulmont, auteur d'une Sociologie des prénoms (La Découverte, 2011), qui a mené l'enquête, relevait que dans les mois précédents, l'état-civil de la même commune s'était enrichi de Kara, Logan, Skyla, ou, encore un peu plus tôt, Séphyr-Bonnie. De quoi nourrir les discussions de récré. "C'est pô juste" ou "Tcheu la honte" ?
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