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Turquie : La Cour constitutionnelle impose l’Etat de droit

Actualités du droit - Gilles Devers, 11/04/2014

Erdogan a la cote en Turquie, et après 12 ans au pouvoir, son parti l’AKP,...

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Erdogan a la cote en Turquie, et après 12 ans au pouvoir, son parti l’AKP, malgré le grave sandale de corruption qui a éclaté en décembre 2013, a encore confortablement gagné les dernières municipales de ce mois d’avril : 45% des voix, soit 7% de plus qu’au précédent scrutin. L’opposition a perdu mais s’est renforcée, et la vie politique est désormais marquée par un véritable clivage. Dans le même temps, Erdogan, fort cette victoire, a annoncé qu’il allait régler les comptes avec la confrérie Gülen, ce réseau très présent dans l’appareil d’Etat, hier allié, et aujourd’hui ennemi.

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Erdogan, qui achève un troisième mandat de premier ministre, et doit donc quitter le poste, est à la manœuvre pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle en août 2014. La partie est loin d’être gagnée, car il doit convaincre son parti – qui est sous tension – et trouver des alliés. Et puis, la fonction présidentielle a pris du galon lors de la dernière réforme constitutionnelle – avec une élection au suffrage universel direct – mais le centre de gravité du pouvoir reste au premier ministre. Alors, qui sera investi sur ce poste par l’AKP ?

La société turque ne craint pas un pouvoir fort – les dernières municipales l’attestent – mais la Turquie est devenue un grand Etat de droit. Dans sa volonté de s’imposer, Erdogan gagne : il tient à distance l’opposition et veut briser le réseau Gülen,… mais il se heure à plus fort que lui, avec la Cour constitutionnelle.

Il y a neuf jours, la Cour avait ordonné déjà la levée du blocage de Twitter, avec une excellente motivation sur la défense des supports de l’information.

Hier, elle a annulé l’essentiel de la réforme du Haut Conseil de la magistrature (HSYK), qui donnait au ministre de la Justice des pouvoirs élargis sur les nominations et les poursuites contre des juges et des procureurs. Le but affiché était clairement de mettre la justice dans la main du pouvoir… La Cour a mis à bas cette tentative d’asservissement : les juges et les procureurs doivent bénéficier de garanties d’indépendance.

Edogan et l’AKP vont devoir compter avec une Cour constitutionnelle qui défend les principes universels du droit, et ça, c’est bon pour la Turquie. Pour ce qui est de la procédure, je note que la Cour avait été saisie par le recours d’un parlementaire. Parfait, la conviction et le courage, ça paie… En France, il faut 60 parlementaires pour accéder au Conseil constitutionnel. Et que l'affaire a été jugée en moins de deux mois. Bravo. 

On attend pour très bientôt, une nouvelle décision de la Cour sur une autre décision liberticide du gouvernement, le blocage de Youtube. Nous verrons… Mais la Cour vient d’illustrer ce que doit être l’indépendance de la justice, en ouvrant un compte Twitter au nom de la liberté d'expression. Résultat : 25 000 adhérents en quelques heures.

Si seulement ces décisions pouvaient ouvrir les yeux de nos dirigeants sur les réalités de la Turquie…  et permettre aussi de nous dispenser des discours débiles sur la compatibilité entre l’Islam et le droit. 

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L'air est bon à Ankara 


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