Le TA de Saint-Denis pilote la chasse aux requins
Actualités du droit - Gilles Devers, 19/07/2013
Chacun a pu suivre l’histoire des requins à la Réunion, et l’attitude de l’Etat qui regarde passer les squales comme les vaches regardent passer les trains. Le tribunal administratif de la Réunion s’est fâché, et vient de condamner sous astreinte le préfet à présenter un plan efficace sous quinze jours, faute de quoi ça sera la chasse aux requins.
Le problème n’est pas d’hier. Le maire de Saint-Leu répond en demandant de vraies mesures, et en prenant des arrêtés invitant à zigouiller des requins sur le littoral, y compris dans la réserve marine. Et aussi régulièrement, ses arrêtés sont suspendus par le tribunal administratif au motif que la compétence revient au préfet et que l’état de danger n’est pas établi.
Après l’attaque mortelle par un requin survenue le 8 mai sur la plage des Brisants à Saint-Paul, le maire avait pris un nouvel arrêté, aussitôt attaqué par les associations de défense des animaux, et par ordonnance de référé du 7 juin 2013, le président du tribunal administratif avait suspendu l’arrêté : cette question relève du préfet, et il n’était pas démontré que «les usagers de la mer jusqu’à la limite de 300 mètres seraient exposés, du seul fait de la non-exécution de l’arrêté du maire, à un risque accentué d’agression ».
Problème : le préfet a continué d’étudier le dossier, mais n’a pas pris de décision.
Et là vient le drame du 15 juillet : une jeune fille agressée par un requin alors qu’elle était à proximité de la côte. Le danger de mort était bien établi, ce qui représente une atteinte grave et manifestement illégale au droit fondamental qu’est le droit à la vie.
D’où l’engagement par la commune d’une nouvelle procédure, dite du référé-liberté, définie par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Le maire vise le droit au respect de la vie de la population locale, et explique que le préfet, en charge de la police de la pêche a porté « par sa carence et dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». La protection de la vie est l’un devoir majeur de l’Etat, et oui…
Aussi, la commune demandait qu’il soit fait injonction au préfet de la Réunion « d’autoriser sans délai la pêche de requins bouledogues adultes à la Réunion, ou, à tout le moins, sur tout le territoire maritime de la commune de Saint-Leu du rivage jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux, et ce, y compris dans le périmètre de la réserve naturelle marine de la Réunion ».
La commune demandait aussi que l’injonction concerne toutes les mesures complémentaires qui s’imposent et notamment « l’installation de filets et de dispositifs de pêche à la palangre adaptés aux requins bouledogues tels que des drum lines ».
La mairie a fait un carton plein.
Le juge, reconnait qu'il existe un « danger réel et imminent pour la vie humaine, qui implique la mise en œuvre par l'autorité préfectorale d'actions de plus grande envergure que celles entreprises jusqu'à ce jour », prononce une injonction de « procéder dans un délai de 15 jours à la détermination des mesures nécessaires devant être incessamment mises en œuvre pour lutter plus efficacement contre les attaques de requins ». Le juge ajoute qu’« il ne peut être exclu par principe la possibilité de prélèvements conséquents et plus massifs de requins bouledogues, ciblés et localisés, de spécimen adultes, y compris dans la réserve marine ».
Il ne va être facile au préfet d’engager dans les quinze jours un plan convaincant de stages de citoyenneté pour les requins de la Réunion. Aussi, et même s’il n’y a pas de doute sur tout ce qu’apportent les requins aux équilibres de l’Océan, ceux qui s’aventureront sur le secteur dans quinze jours risquent d’avoir chaud aux fesses.