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François Hollande et les enfants étrangers (460)

Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 16/03/2012

Le sujet est délicat : il ne supporte pas de réponses simplistes ou linéaires  et de quelque manière qu’on le saisisse il nous prend tous dans des contradictions majeures. Quel sort réserver aux enfants étrangers qui arrivent régulièrement à nos frontières … Continuer la lecture

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Le sujet est délicat : il ne supporte pas de réponses simplistes ou linéaires  et de quelque manière qu’on le saisisse il nous prend tous dans des contradictions majeures. Quel sort réserver aux enfants étrangers qui arrivent régulièrement à nos frontières où ils sont interpellés, quand ils ne vont pas d’eux-mêmes se présenter aux policiers ? Que faire de ces enfants qui sont tout aussi régulièrement trouvés sur le territoire national ? Certains sont isolés ou se présentent comme tels ; d’autres sont avec des adultes, le plus souvent leurs parents, eux aussi en situation irrégulière.

Sollicité par les associations qui se mobilisent pour ces enfants et ces familles pour dénoncer et combattre la rétention administrative qui leur est imposée par l’Etat, François Hollande vient de prendre une position rendue publique hier qui n’était pas évidente à adopter et qui ne sera pas aussi aisée qu’on le pense à décliner. Elle a au moins le mérite d’exister et d’être claire quand les actuelles autorités publiques jouent profil bas et se font oublier.

«Je veux prendre l'engagement, si je suis élu à la présidence de la République, à mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants» écrit le candidat socialiste. «Des alternatives existent, comme l'assignation à résidence. De nouvelles solutions pourraient être imaginées, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés (magistrats, associations, avocats) afin de déterminer les choix les plus adaptés aux situations réelles», suggère François Hollande.

Selon lui, «la protection de l'intérêt supérieur des enfants doit primer, comme nous le rappellent de nombreuses conventions internationales que la France a signées, et en particulier la Convention européenne des droits de l'homme et la convention internationale de l'enfant».

Signataire, après mure réflexion, de l’appel contre l’enfermement des enfants étrangers lancé par le Syndicat de la magistrature je ne peux que me réjouir globalement de cette position. Il m’apparaît cependant nécessaire de revenir sur les termes des questions à trancher dans les meilleurs délais, celle de l’enfermement, pour essentielle, n’étant pas la seule posée.

***

Le fait de ne pas recourir à la rétention administrative des familles c’est-à-dire des adultes et des enfants qui les accompagnent me semble ne pas souffrir aujourd’hui trop de difficultés.

En tout cas on ne doit pas y voir le risque que j’ai entendu exposé aujourd’hui  par tel sous-fifre UMP qui dénonçait le danger de voir demain des étrangers adultes venir en France avec des enfants qui ne seraient pas les leurs en les utilisant comme viatique pour pouvoir s’installer sur notre territoire et y percevoir je ne sais quelle prestation. Il va de soi que si le lien de parenté ne peut pas être établi entre eux, enfants et adultes supporteront un sort séparé. Les adultes seront expulsés.

Il fallait à François Hollande, comme il faudrait à tout candidat sérieux à la présidentielle, tenir compte de la décision de la cour européenne des droits de l’homme qui le 19 janvier 2012 a condamné la France pour traitements dégradants et inhumains s’agissant de la rétention d’une famille kazakhe avec deux enfants en bas âge (voir mon dernier blog sur le sujet signé Jean-Luc Rongé). Difficile à supporter pour la patrie des droits de l’homme qui prétend prendre en compte les droits des enfants !

D’autres solutions que la rétention administrative dans des structures fermées, pour ne pas parler de camps, sont possibles. Effectivement l’assignation à résidence en est. Ces familles ne sont pas irresponsables, elles ne mettront pas leurs enfants en danger après avoir tant fait pour venir chercher refuge dans nos contrées. D’ailleurs d’autres pays d’Europe confrontés au même problème ont trouvé des réponses qui concilient la recherche d’un  cadre de vie adapté à la présence d’enfants et les considérations administratives.

Il me semble que, comme sur la question de l’asile, la vraie préoccupation doit être d’apporter une réponse rapide à la question posée : accorder ou pas un titre de séjour sur le territoire français, sachant qu’il est impossible d’escamoter les hypothèses où les autorités françaises tous recours épuisés peuvent être amenées à des raccompagnements à la frontière. Se l’interdire reviendrait à créer à l’échelle nationale cet effet Sangatte qui veut que nombre d’étrangers se massent en bordure de la Manche avec l’espoir secret de toucher un jour la terre anglaise dont ils ne pourront pas être expulsés.

La France a les moyens comme les pays du nord de l’Europe de mettre en place une réponse digne et ferme à l’égard des familles avec le souci du sort fait aux enfants qui déjà peuvent vivre très mal la situation dans laquelle ils ont été précipités. Elle peut respecter ses engagements internationaux de ne pas les séparer de leurs parents tout en ayant la préoccupation de la gestion administrative du dossier.

Reste qu’une grande partie des enfants interpellés à nos frontières ne sont pas accompagnés.

On cite le chiffre de 356 enfants accompagnés, mais ce sont plusieurs centaines qui arrivent seuls ou prétendument isolés. Sans compter tous ceux découverts sur le territoire français et qui y séjournent depuis des semaines, des mois, voire des années, auxquels il faudrait ajouter ceux qui ne seront pas découverts car ils savent se débrouiller pour survivre et  se loger dans des conditions certes épiques mais en échappant au regard des autorités publiques. Nous sommes quelques uns à estimer qu’environ 5 à 6000 enfants isolés arriveraient ainsi chaque année en France  sachant, autre difficulté de l’exercice, que peuvent aussi se poser des problèmes de preuve de l’âge. Nombre de jeunes adultes – un tiers ? – tentent de se faire passer pour mineurs afin de ne pas être expulsés.

Il faut préciser ici que seuls les enfants contrôlés à nos frontières peuvent être placés en zone d’attente avec pour objectif de préparer un réacheminement vers le pays dont ils sont venus. En revanche, un mineur trouvé sur le territoire ne peut pas être placé en rétention. S’il est accueilli – j’y reviendrai – ce sera dans une structure éducative ouverte.

De longue date nombreux sont ceux qui souhaitent que les personnes se présentant comme mineures à nos frontières soient immédiatement admises sur territoire, accueillies dans des structures de la protection de l’enfance pour être en situation de faire valoir leurs droits. Certains de ces jeunes – très peu - vont demander le droit d’asile et d’autres tout simplement souhaiter demeurer en France pour y étudier et y travailler afin d’échapper à la pauvreté dans leur pays.

Notre droit est ainsi fait que les personnes mineures qui pénètrent sur notre territoire sont inexpulsables.

Cette même législation française ne reconnaît pas à toute personne se présentant à nos frontières, serait-elle mineure, le droit de pénétrer en France et ajoutons sur l’espace commun européen. Imagine-t-on que la France n’exerce pas son droit d’admettre ou de ne pas admettre sur le territoire national ? Un pays a-t-il jamais abdiqué le contrôle de l’accès à son territoire ?

Si l’on renonce à la rétention administrative qui, quelle que le soit la qualité des personnels de la PAF et leur bonne volonté, se déroule dans des conditions contestables et en tous cas difficiles pour les adolescents – les enfants étant accueillis dans un hôtel -  il faudra trouver des structures d’accueil adaptées. Par définition ces structures seront ouvertes et permettront aux jeunes d’en partir aisément s’ils le veulent ou pour répondre aux ordres des filières qui les ont fait venir. Même si ces situations sont rares, on voit de très jeunes filles venir en Europe pour y être prostituées, conscientes ou non de l’avenir auquel elles sont vouées par les passeurs et parfois leurs proches qui ont négocié leur passage. Pour les garçons il peut s’agir d’aller dans des ateliers clandestins déjà pour payer la dette. Il faudra donc prendre des dispositions spécifiques pour protéger ces jeunes contre ces dangers bien réels.

Un temps - le début des années 2000 - nous pensions que quelques jours de privation de liberté dans une structure somme toute placée sous l’égide de la République pouvaient être le prix à payer pour garantir cette protection. Force est de reconnaître que peu de choses se sont améliorées dans ces zones d’attente.

On peut donc aujourd’hui condamner la rétention administrative, mais il faudra assumer la quasi-impossibilité de réacheminer une personne tenue pour mineure en n’oubliant pas que toute personne y compris mineure qui arrive en France doit disposer d’un jour franc pour préparer sa demande de séjour en France.

Il y a par ailleurs probable qu’un mineur entré en France auquel on laisserait à penser qu’il a peu de chances d’obtenir à terme un titre de séjour fugue très vite.

Au delà de la position de principe adoptée par François Hollande il va falloir répondre enfin au problème sur table depuis des mois et même des années d’un dispositif digne de ce nom de prise en compte des mineurs non accompagnés. Le rapport de force engagé et gagné par le conseil général de la Seine Saint-Denis au dernier trimestre 2011 a eu un effet dévastateur. L’Etat s’était engagé à avancer des préconisations plus pérennes pour articuler ses responsabilités et celles des collectivités locales et veiller à une péréquation entre elles. On attend toujours ces propositions.

On sait que finalement ordre a été donné qu’il était urgent d’attendre. En vérité on a mis en place une machine à fabriquer des clandestins. Les conseils généraux sont de plus en plus sur des positions très rigides, pour ne pas dire plus, de refus d’intervention en faveur de ces enfants étrangers isolés. De leur côté les parquets et les juges sont très stricts en cas d’âge mal prouvé : la présomption de minorité ne fonctionne plus. Placés de force dans des foyers ces jeunes ne verront pas leur situation administrative traitée : ils ne seront pas régularisés. Ils ne bénéficieront pas d’une mesure de protection jeune majeur qui leur permettrait de parachever leur formation.

Un plan national  s’impose avec quelques pôles inter-régionaux d’accueil pour l'évaluation des enfants sortant de rétention ou trouvés sur le territoire, qui ensuite s’appuieront sur le dispositif de droit commun. Le ministère de la justice doit piloter nationalement ce dispositif en s’appuyant sur les conseils généraux.

Le gouvernement sortant n’a pas pu le proposer. On le regrettera. Un autre gouvernement devra traiter ce sujet complexe sans démagogie. On le voit, pour importante qu'elle soit la position prise par François Hollande sur la rétention administrative ne règle pas tout. Mais elle peut débloquer un dossier qui reste délicat


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