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François Hollande existe : je l'ai rencontré

Justice au singulier - philippe.bilger, 24/09/2012

J'ai rencontré François Hollande et je m'en suis trouvé bien. Que les grincheux m'excusent.

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Les médias font tout ce qu'ils peuvent pour créer un événement à partir de rien. Je ne suis pas persuadé que Ségolène Royal et Valérie Trierweiler ensemble à New-York mais pas pour les mêmes raisons constituent une information digne d'être rapportée. On est en train de tomber, avec elles deux, à force d'exploiter jusqu'à la corde ce sujet, dans le degré zéro du journalisme (20 minutes).

Je crains d'encourir le même reproche sauf que je ne suis pas journaliste et que j'ai le droit de faire mon miel de tout et de n'importe quoi.

Chaque année, une réception est organisée par la Presse Quotidienne Régionale (PQR) et on y trouve la plus forte densité de ministres, de politiques et de personnalités de droite et de gauche rassemblés dans un oecuménisme gustatif et intellectuel avec des journalistes à l'écoute. J'y avais vu le président Sarkozy, j'avais échangé avec le président Chirac rapidement et sans risque puisqu'il m'avait dit qu'il faisait chaud et que je l'avais approuvé, j'avais plus sérieusement pu converser un trait de temps avec le Premier ministre François Fillon et je l'avais remercié de nous permettre de manifester, grâce à lui, un antisarkozysme décent et honorable.

Il y a quelques jours, accompagné par le remarquable président de la PQR, Jean Viansson-Ponté, alors que le président Hollande avec beaucoup d'urbanité allait de groupe en groupe, j'ai eu l'honneur de lui être présenté et il serait indélicat de décrire son attitude à mon égard, ma propre réaction et de relater le peu que j'ai exprimé grâce à cette opportunité. Je ne crois pas, cependant, manquer à cette retenue en mentionnant seulement qu'à la fin de ce dialogue de quelques secondes je lui ai rappelé que nous étions 60% à avoir voté pour lui sans être socialistes et qu'il ne devrait pas l'oublier. Il a eu un sourire, une réplique puis il a continué son chemin de courtoisie.

Cet épisode n'aurait eu d'intérêt que pour moi si ses suites n'avaient pas sollicité mon esprit sur plusieurs points.

D'abord, je le concède, avoir constaté physiquement, dans un rapport direct et immédiat, que la normalité tant désirée, tant décriée par certains, n'était pas qu'un concept, une tactique, un expédient mais qu'elle avait sa traduction aimable et chaleureuse, avec de l'écoute et de la disponibilité dans le quotidien, m'a comblé. C'était en quelque sorte la preuve par le vif de la sincérité d'une personnalité qui avait eu raison de plaider pour la normalité puisqu'elle savait sereinement l'incarner et que ce n'était pas rien à mes yeux de citoyen exaspéré trop souvent par les abus subtils de pouvoir, même dans le familier d'une réception de ce type.

Ensuite, j'ai éprouvé l'envie de rédiger un tweet à partir de cette réflexion qui n'est certes pas bouleversante mais rassurante. Ce que ce président veut et dit être, il l'est. Que n'avais-je pas formulé là !

A l'exception de deux ou trois tweets de soutien qui me comprenaient, l'essentiel consistait en une volée de bois vert très révélatrice de notre atmosphère politique de ces dernières années.

Je laisse évidemment de côté les insultes du genre "Fayot !" auxquelles il m'était aisé de répondre parce que le propre du courtisan est de l'être toujours et on ne peut pas me reprocher d'avoir usé de flagornerie à l'égard des conduites politiques et personnelles du président Sarkozy. Je choisis mes enthousiasmes, mes adhésions, mes respects et mes sympathies, aucun rite ne me les impose.

Plus sérieusement - il s'agissait du fond du problème -, j'étais qualifié de dupe, de naïf parce que je me laissais prendre aux apparences, que mon point de vue était superficiel, que François Hollande était un président incompétent et qu'on ne lui demandait pas d'être gentil mais efficace.

Je n'imaginais pas à quel point le facteur humain comptait peu pour la plupart et comme la détestation ou le soutien partisans dénaturaient, gangrenaient tout. Je ne suis pas sûr d'avoir convaincu, loin de là, en répliquant que mon approche subjective et favorable de quelques instants avait évidemment ses limites, qu'elle ne prétendait évidemment pas garantir la validité et la qualité de la politique ni même celle de la personne du président mais seulement attester la réalité d'une attitude polie et aimable, d'une écoute sans indifférence ni ennui. Croiser le président Mitterrand - cela m'est arrivé une fois lorsqu'il est venu inaugurer au Sénat une exposition de Médecins sans frontières que j'avais facilitée - était une expérience inoubliable tant le regard profond qu'il portait sur vous ne vous laissait pas bêtement indemne après son passage. Sans comparer, la séquence avec le président Hollande m'avait marqué. Elle était ce que j'ai énoncé même si elle n'était que cela.

Le fait que ce comportement - il suffit de le voir à la télévision, qu'il se manifeste en France ou à l'étranger - ne soit pas réservé à un champ spécifique de la vie publique mais se rapporte à toutes les séquences de celle-ci justifie que j'aie fait un sort à cet épisode fragmentaire.

Je serais aussi enclin à sauver François Hollande grâce à sa personne et à sa manière d'être que j'étais disposé hier à tout faire sombrer, la politique de Nicolas Sarkozy avec son irritante et insupportable personnalité. Qu'on ne vienne pas protester en évoquant mon immaturité : je le sais mais c'est comme cela. Comme plus aucune politique n'est libre de s'inventer sans entrave, que nous sommes dans un étau européen, voire mondial, qu'on nous laisse au moins le bonheur d'attacher du prix à l'être de ceux qui nous gouvernent. Les différences, en dépit des beaux discours savants, ne se font-elles pas d'abord à partir de cet humus de vie, de l'allure, du lien avec autrui ?

J'ai honte de l'avouer face aux sectaires, aux doctrinaires, aux idéologues, aux secs. La politique aujourd'hui, pour moi, c'est d'abord l'homme. Et la femme. Puisqu'il convient de préciser aujourd'hui les règles oubliées de la grammaire.

J'ai rencontré François Hollande et je m'en suis trouvé bien. Que les grincheux m'excusent.


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