Personnages dont l’aspect est lié aux produits, 4ème partie : mascottes américaines
Le petit Musée des Marques - Frédéric Glaize, 4/08/2019
Les États-Unis sont le royaume des mascottes publicitaires. L’usage répandu des mascottes n’y est pas seulement lié à leur grande popularité auprès des enfants (et de leurs parents). Les annonceurs et les publicitaires sont également sensibles au fait que ces personnages fictifs ne réclament pas de salaires mirobolants, ne risquent pas de faire les gros titres de la presse à scandale pour avoir transgressé la loi ou s’être drogués et on peut les employer très longtemps (selon cet article de Kimberley Ketcham, qui cite dans le même sens Carol Phillips).
Ces personnages qui prennent vie à la télévision, au cinéma, dans les comics, sont entrés dans la culture populaire américaine. Certaines des mascottes publicitaires sont ainsi des héros consacrés par des figurines ou par une apparition dans le court métrage Logorama.
Nous restons focalisés sur une sous-catégorie spéciale de mascottes : celles pour lesquelles le produit identifié est anthropomorphisé, ou plus clairement les mascottes mi-produit, mi-bonhomme. La sélection opérée pour cet opus porte, pour la majorité d’entre elles, sur quelques célèbres mascottes américaines de l’après-guerre (1950-70), autant dire un véritable âge d’or au royaume des marques.
Le Doughboy de Pillsbury a été créé en 1965 par Rudy Perz, de l’agence Leo Burnett. Nommé à l’origine “Jonathan Pillsbury” et également connu sous le nom de Poppin’ Fresh, il porte une écharpe, une toque, et possède deux grands yeux bleus.
Les juristes pourront noter que l’une des préoccupations de départ, révélée sur le site de Pillsbury, était de ne pas trop ressembler à l’allure du fantôme Casper.
Dans les premiers films publicitaires, Milt Schaffer donne vie au personnage en utilisant le procédé de stop motion. Depuis 1992 les images de synthèse ont pris le relai.
Doughboy est apparu dans plus de 600 publicités pour plus de 50 produits de Pillsbury. Il a également fait des caméos dans des publicités pour d’autres annonceurs, tels que Mastercard, la campagne Got Milk?, Sprint Phone Company ou GEICO. Il apparait aussi dans le film The Puppetoon Movie (1987) puis dans Logorama.
Mr Peanut a vu le jour en 1916. Planters, qui avait lancé un concours pour la création de sa mascotte, a couronné Antonio Gentile, âgé de 14 ans. Son dessin représentait une cacahouète avec des bras et des jambes et surnommée “Mr Peanut”.
A ce personnage, un artiste professionnel, Andrew S. Wallach, ajouta un haut de forme, une cane et le monocle qui confère à Mr Peanut son allure distinguée. Selon la légende, le prix du concours remporté par le jeune Antonio Agile était de 5 dollars, mais le fondateur de la société Planters a ensuite financé les études de médecine d’Antonio et de ses quatre frères et sœurs.
L’aspect de la mascotte n’a pratiquement pas varié. En 2006, un sondage en ligne avait testé auprès des consommateurs la possibilité d’en faire évoluer l’apparence, via l’ajout d’un nœud papillon, de poignets mousquetaires et d’une montre à gousset. Mais il est rare que le public apprécie ouvertement que l’on change ce qu’il connait depuis longtemps, aussi ces accessoires restèrent au placard.
Charlie the Tuna est, depuis 1961, l’ambassadeur de la société StarKist brand. Il a été créé par Tom Rogers de l’agence Leo Burnett.
En pure créature des années 60, Charlie est un beatnik à la cool : il porte un béret et des lunettes, lit des poèmes et, dans ses aventures publicitaires, il cherche à persuader StarKist qu’il a bon goût.
Mais ses espoirs de se faire mettre en boite sont systématiquement déçus au motif que ce sont les thons bons au goût qui sont sélectionnés.
Twinkie The Kid est un cowboy dont le corps est une sorte de gâteau fourré à la crème, une des pâtisseries de la société Hostess Brands.
Il a fait son apparition en 1971.
Son accoutrement de cow-boy est constitué d’une paire de bottes, de gants, d’un foulard à motifs et d’un chapeau de cow-boy (le ten-gallon hat).
D’autres mascottes d’Hostess Brands peuvent apparaitre à ses côtés, telles que Captain Cupcake et Fruit Pie the Magician. Sa popularité lui vaut d’être édité sous forme divers produits dérivés, dont des figurines (comme par exemple dans la série de jouets Funko Pop ! Vinyl).
L’épisode 31 du podcast Amazing Advertising est consacré à Twinkie The Kid.
Reddy Kilowatt a une longue histoire, largement documenté par Wikipedia.
Sa première apparition publique remonte au 14 mars 1926 dans une publicité pour l’Alabama Power Company (APC). L’intiative de la création du personnage revient à Ashton B. Collins Sr, directeur commercial de la société.
La légende veut qu’Ashton Collins ait été inspiré lors d’un orage violent en Alabama au cours duquel il a pu voir un éclair frapper le sol. Ashton Collins a demandé à son collègue Dan Clinton de dessiner Reddy Kilowatt, un “serviteur électrique” dont l’aspect est caractérisé par un corps et des membres sous forme d’éclairs, une ampoule à la place du nez, des prises électriques pour oreilles et portant des gants ainsi que des chaussures de sécurité.
Après la crise de 1929, Reddy a été un ambassadeur des IOUs (Investor-Owned Utility companies), c’est-à-dire des sociétés privées remplissant en quelque sorte une mission de service public, notamment dans le domaine de l’énergie. Ces IOU se sont regroupées en 1933 pour former l’Edison Electric Institute (EEI), qu’Ashton Collins rejoint, avec Reddy Kilowwat, dont il a obtenu la cession des droit et a déposé la marque.
Dès 1934, un programme de licences mis en place par la société Reddy Kilowatt Service (RKS -qui diviendra ensuite Reddy Kilowatt Inc., soit RKI-) pour promouvoir le «programme Reddy Kilowatt». Des accords sont ainsi conclus avec la Philadelphia Electric Company, Ohio Edison Company, Pennsylvania Power and Light, Duke Power, South Carolina Power Company et Tennessee Electric Power Company. Le contrat de licence impose de représenter Reddy Kilowatt comme « génial, sympathique, bien élevé [et] d’un tempérament égal » et respecter les « normes généralement acceptées de bon goût ». Assez rapidement, la protection de la marque est étendue dans d’autres pays.
Après guerre, Walter Lantz, animateur à qui l’on doit notamment Woody Woodpecker, améliore le design du personnage et l’humanise un peu plus. Les différences entre les deux enregistrements ci-dessus sont assez éloquentes sur ce plan : le design (à droite) date de 1934 alors que la marque (à gauche) correspond à une version de 1963 (au passage on peut noter, sur le certificat d’enregistrement, la mention de “présentations différentes” antérieurement à cette date).
Considérant que la National Rural Electric Cooperative Association utilisait un personnage à l’aspect un peu trop proche de Reddy Kilowatt, RKI l’a assignée en 1956. RCA avait en effet, elle aussi, une mascotte anthropomorphe, dénommée Willie Wiredhand. Le corps de ce personnage était constitué de câbles et de prises électrique. Mais l’arrêt du 7 janvier 1957 a considéré que les personnages étaient d’aspects suffisamment différents pour qu’il n’y ait pas contrefaçon de la marque de RKI.
Le programme de licence a continué de se développer : en 1957 on compte 222 bénéficiaire de licence à travers le monde, puis 300 à la fin des années 1960. les produits dérivés sont variés et les supports de communications en font toujours un héros du courant électrique. Mais, malgré les efforts pour faire évoluer le discours du personnage, il reste difficilement dans l’air du temps, alors que les préoccupations environnementales émergent à la fin des années 1960 et que le coût de l’énergie augmente sensiblement à la fin du XXème siècle. En 1979, on ne dénombrait plus que 140 licenciés, puis une poignée à la fin des années 1990.
Deux petits livres richement illustrés, signés Warren Dotz & Masud Husain, sont consacrés aux mascottes publicitaires. Parmi elles figurent diverses créatures anthropomorphes de l’âge d’or américain, dont les héros ci-dessus.
Les autres articles de cette série sur les marques constituées de personnages dont l’aspect est lié aux produits :
[1] Logotypes constitués par des personnages dont l’aspect est lié aux produits identifiés (première partie)
[2] Logotypes constitués par des personnages dont l’aspect est lié aux produits identifiés (deuxième partie)
[3] Mi-marchandises, mi-personnages: ces mascottes dont l’aspect est lié aux produits désignés (troisième partie)