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Sahara Occidental : Un colonialisme royal

Actualités du droit - Gilles Devers, 20/05/2012

Le roi du Maroc se fâche avec l’ONU ! Ce jeudi 17, le...

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Le roi du Maroc se fâche avec l’ONU ! Ce jeudi 17, le Maroc a retiré sa confiance à l'émissaire des Nations unies au Sahara occidental, Christopher Ross. Ban Ki-moon dénonce cette manip, mettant en cause ce Maroc qui fait tout pour bloquer la situation, laissant s’éterniser ce conflit depuis 1970… En réalité, la question est simple : Le Maroc veut annexer ce territoire, et utilise le temps, la force armée et la puissance de l’argent pour modifier la structure de la population.

Retour sur ce conflit grave, et qui pèse sur tout le monde arabe.

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L’histoire ancienne

512px-Number_1_in_green_rounded_square_svg.pngL’Espagne était présente au Sahara Occidental depuis le XIX° Siècle, mais elle contrôlait alors essentiellement les places commerciales.

Après la Deuxième Guerre Mondiale, l’occupation a été totale : le Sahara Occidental est devenu une province espagnole, placée sous l’autorité d’un gouverneur doté de tous les pouvoirs étatiques.

L’un des legs de cette histoire est le caractère artificiel des frontières, tracées en ligne droite sans tenir des réalités géographiques ou socio-économiques.

La décolonisation

imagesCAF50TLC.jpgLa question du Sahara occidental s’inscrit dans le grand mouvement de décolonisation. Depuis 1945, l’ONU a accueilli plus de 80 nations nées de la décolonisation.

L’acte juridique de référence est la résolution 1514 du 14 décembre 1960 de l’Assemblée Générale de l’ONU, dite « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples colonisés ».

Le fondement juridique résulte de la Charte des Nations Unies, à savoir l'article 1, paragraphe 2, définissant comme l’un des buts des Nations Unies de  « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes ».

La résolution 1514 pose ainsi les principes généraux, qui sont opératoires pour le Sahara Occidental :  

1. La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères  constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales.

2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel.

3. Le manque de préparation dans les domaines politique, économique ou social ou dans celui de l'enseignement ne doit jamais être pris comme prétexte pour retarder l'indépendance.

L’indépendance du Maroc en 1956 et la revendication sur le Sahara Occidental

560PX-~1.PNGLe Maroc est devenu indépendant de la France en 1956.

Il a alors revendiqué de libérer le Sahara Occidental de l’occupant espagnol, considérant cette province comme marocaine. Le Maroc a multiplié les démarches en ce sens auprès de l’ONU.

L’ONU a listé les territoires non autonomes (TNA), et le Sahara Occidental a été répertorié comme en 1963.

L’Espagne n’a pu ignorer ce mouvement général et en 1966, elle a pris position en faveur de la décolonisation du Sahara occidental.  

La même année, l’AG ONU a adopté sa première résolution sur le territoire sahraoui, posant clairement la nécessité du référendum et invitant l’Espagne, puissance occupante :

« à arrêter le plus tôt possible, en conformité avec les aspirations de la population autochtone du Sahara espagnol et en consultation avec les Gouvernements marocain et mauritanien et toute autre partie intéressée, les modalités de l'organisation d'un référendum qui sera tenu sous les auspices de l'organisation des Nations Unies afin de permettre à la population autochtone du territoire d'exercer librement son droit à l'autodétermination ... »

En réalité, nous en sommes rester là : un référendum d’autodétermination.

L’avis de la Cour Internationale de Justice de 1975

4-points--writing-hardship-letter-for-loan-modification.jpgLa tension est montée entre l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie… et le Front Polisario, mouvement regroupant les nationalistes sahraouis, créé en 1973.

Les positions des uns et des autres reposant toutes sur des revendications de souveraineté, l’AG de l’ONU a choisi de  saisir la Cour Internationale de Justice pour recueillir un avis consultatif.

La CIJ a rendu son avis en 1975, concluant, que s’il y avait eu des liens précoloniaux entre le Maroc et certaines tribus dans le territoire du Sahara Occidental, sur certains points avec la Mauritanie, ces liens étaient très insuffisants pour établir une souveraineté autre que celle du peuple sahraoui. Pour la Cour, les données de fait ne remettent rien en cause de l’application de la résolution 1514 (XV) sur la décolonisation et en particulier « l’application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire.»

Pour la CIJ, le processus de décolonisation du Sahara Occidental doit se poursuivre « sans que le Maroc ne puisse évoquer une remise en cause de son intégrité territoriale ».

La manip’ d’Hassan II et la « Marche Verte »

imagesCAO63KR2.jpgAlors que l’avis était extrêmement clair, condamnant les prétentions du Maroc, le roi Hassan II a soutenu une interprétation ouvertement contraire, concluant qu’il revenait au Maroc « d’occuper son territoire », et il a donné le signal de la grande « Marche Verte », marquant la prise de possession du territoire.

Le Conseil de Sécurité a immédiatement réagi par sa résolution 377/1975 du 22 octobre 1975. Visant l’article 34 de la Charte, relatif aux menaces sur la paix internationales, a alors réaffirmé les principes de la résolution 1514 (XV) de l’AG ONU, ce qui revient à condamner l’action du Maroc, et toute forme d’annexion par la force armée.

Le Maroc passant outre, ont suivi deux résolutions 379 du 3 novembre 1975 et 380 du 6 novembre 1975, et dans cette dernière le Conseil de sécurité dénonce clairement une occupation étrangère injustifiée, demandant au Maroc « de retirer immédiatement du territoire du Sahara Occidental tous les participants de la marche ».

Toutefois, cette marche a été sur le terrain une réussite et elle a conduit l’Espagne à rejoindre le point de vue marocain, pour conclure un accord à Madrid, le 14 novembre 1975. En application de cet accord, l´Espagne s´est retirée du territoire en 1976, au profit de l’administration marocaine. L’ONU a toujours refusé de reconnaitre la moindre valeur à cet accord, dès lors que ni l’Espagne ni le Maroc ne peuvent faire valoir de souveraineté sur le Sahara Occidental.

Le conflit armé (1975/1979) et la construction du mur en 1980

6mois.jpgImmédiatement, a éclaté un conflit armé entre le Maroc, la Mauritanie et le Front Polisario, soutenu par l´Algérie. Affaiblie sur le terrain, la Mauritanie en 1979 a renoncé à toute prétention.

L’AG ONU a défini le Maroc comme puissance occupante.

Résolution 34/38 du 21 novembre 1979

L’Assemblée générale

(…)

 1. Réaffirme le droit inaliénable du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément à la Charte de l’Organisation des Nations Unies, à la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine et aux objectifs de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, ainsi que la légitimité de la lutte qu’il mène pour obtenir la jouissance de ce droit comme le prévoient les résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation de l’Unité Africaine ;

5. Déplore vivement l’aggravation de la situation découlant de la persistance de l’occupation du Sahara occidental par le Maroc et l’extension de cette occupation au territoire récemment évacué par la Mauritanie.

Au cours des années 1980, le Maroc a érigé un mur de défense qui découpe le territoire en deux, les trois quarts Ouest étant placés sous occupation marocaine et le quart Est restant sous le contrôle du Front Polisario. Plus de 150 000 Sahraouis ont dû fuir et des camps ont été édifiés dans le Sud-ouest algérien (Tindouf).

La procédure de négociation de l’ONU depuis 1988

7.gifEn lien avec l’OUA, le Secrétaire général des Nations Unies est parvenu à établir un plan de règlement, accepté par le Maroc et le Front Polisario en 1988.

Le Conseil de Sécurité a approuvé ce plan en 1990 et a créé la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINORSO) en 1991.

Le Plan de règlement reposait sur un cessez-le-feu et une période transitoire permettant l’organisation du référendum d’autodétermination sous le contrôle de l’ONU, avec une option entre l'indépendance ou l'intégration au Maroc. Le cessez-le feu a été globalement respecté après le déploiement de la MINURSO en septembre 1991, mais l’organisation du référendum est restée en plan, malgré une relance des négociations en 2007.

En janvier 2009, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a nommé Christopher Ross comme Envoyé personnel au Sahara occidental.

Aucun pays n’accrédite le coup de force du Maroc

8ball1.jpgAucun pays du monde n’a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

Tous les actes émanant des Nations Unies se référent à la décolonisation de tout le territoire du Sahara occidental, et spécialement les résolutions du Conseil de sécurité approuvant le Plan de paix de 1991, les accords de Houston de 1997, le « Plan Baker II » de 2003 et encore la dernière résolution de l'OG ONU de 2011.

Le Maroc s’est retiré de l’Union Africaine après l’entrée des représentants de la République Arabe Sahraouie Démocratique.

Tout projet de coopération politique dans le grand Maghreb est bloqué par cette question.

L’annexion par la transformation de l’identité du territoire

imagesCA3ULRX3.jpgLe Maroc n’a jamais remis en cause sa volonté affichée d’annexer le Sahara occidental. C’est une donnée jugée essentielle pour le Royaume. Cette politique a été engagée sous Hassan II, avec une répression brutale, et elle se poursuit sur des bases inchangées.

Le régime marocain joue sur le temps pour modifier l’identité du territoire et discréditer le Front Polisario, représentant du peuple sahraoui.  

Le régime marocain a aboli la frontière entre les territoires du Maroc et du Sahara occidental et a créé en 1997 une administration par  province dont le but est de détruire les structurations locales de la société.

Le Roi Mohammed VI a créé des structures publiques idoines : le Conseil du Sud, l’Agence pour la Promotion et le Développement Economique et Social des Provinces du Sud du Royaume (APDS) et le Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes (CORCAS).

Sur place, sont lancés de grands plans reposant sur des équipements structurants et des régimes d’exonérations fiscales pour les investisseurs.

Le Maroc encourage la venue de Marocains, le but étant de modifier l’identité sahraouie.  

L’exploitation économique

imagesCAJ7O8B6.jpgPour le Maroc, le Sahara Occidental est un secteur économique privilégié, et il ne s’en cache pas. L’économie du Sahara Occidental présente pour le Maroc trois volets principaux : l’exploitation du sous-sol – qu’il s’agisse du phosphate ou des  possibles gisements pétroliers et gaziers –, la pêche et l’agriculture.

Le sous-sol du Sahara Occidental est riche en minerais : fer, titane, manganèse, uranium et surtout phosphate, sans doute l’une des réserves les plus importantes du monde. La documentation fait état d’une exploitation par le gouvernement marocain pour 3 millions de tonnes par an, avec des profits considérables.  Il est acquis qu’il existe d’importantes réserves de pétrole et de gaz au large des côtes, dans la zone de contrôle dépendant du territoire.

Le Sahara Occidental possède des eaux très poissonneuses, avec des espèces recherchées, et cette richesse halieutique a suscité la convoitise des armateurs européens, voyant la une possibilité de compenser la diminution des ressources dans l'Union européenne, les droits de pêche accordés trouvant des contreparties financières versées au Maroc.

Le Sahara Occidental est en totalité en milieu désertique, mais le Maroc y a développé une agriculture très rentable reposant sur d’importants investissements et l’extraction d’eau de bassins non renouvelables situés en profondeur. La production agricole des exploitations a augmenté de 2800% entre 2002 et 2009. Le nombre de personnes travaillant dans l’agriculture dans cette région est appelé à tripler d’ici à 2020.

La responsabilité de l’Union européenne

11.pngL’Union Européenne est le premier marché pour les exportations du Maroc. Elle est aussi le premier investisseur extérieur du Royaume. Dans le même temps, le Maroc contribue à la sécurité d’approvisionnement de l’énergie de l’UE en tant que pays de transit pour le gaz algérien et exportateur d’électricité vers l’Espagne.

L’Union Européenne et le Maroc ont signé un accord d’association entré en vigueur en 2000, et qui vient de connaitre une extension en février 2012.

S’agissant du territoire du Maroc, l’accord est critiquable en ce qu’il encourage les exportations, alors qu’il faudrait renforcer les structures agricoles sur place, dans le cadre des grands projets onusiens d’agriculture nourricière. L’Europe investit au Maroc et cherche un retour sur investissement, et que la société réelle se débrouille…

Mais surtout, cet accord a été conclu sans réserves vis-à-vis du Sahara Occidental, avec une magnifique hypocrisie : les Etats européens ne reconnaissent pas la souveraineté du Maric sur le Sahara Occidental,… mais lui accorde une souveraineté économique, et participent ainsi directement à la politique d’annexion. Le Front Polisario a fait connaitre son désaccord auprès de l'ONU, mais l'Union Européenne ne s'arrête pas à ça...

Un seul point est à souligner. Le Maroc est la puissance administrante du Sahara Occidental, reconnue comme telle par l’ONU, et à ce titre c’est à lui de prouver qu’il administre le territoire dans l’intérêt de ses habitants, selon  l’article 73 de la Chartre. Le Maroc s’est toujours refusé, malgré les demandes insistantes de l’ONU, à rendre compte de son administration. Ce refus devrait suffire à l’Union européenne pour suspendre ses accords.    

*   *   *

Ci-dessous quelques photos du mur construit après la Marche Verte... Ce mur est totalement illégal car il a été édifié sur un territoire pour lequel le Maroc n'a pas de souveraineté, et il a pour a but l'annexion des territoires par la force armée et la puissance économique.

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