Pour Mélenchon, l'élève Marine Le Pen progresse !

On se demande bien pourquoi Mélenchon a fait polémique en saluant "le progrès" du Rassemblement national (RN).

Il s'est contenté de déclarer à Marseille que la présidente du RN, en soutenant la mobilisation, "est en train de faire un progrès, en quelque sorte, en direction de l'humanisme... Je ne vais quand même me plaindre de ça... D'habitude elle passe son temps à chercher pouilles aux Arabes et aux musulmans... Pour les adhérents du RN sur le terrain, ils sont les bienvenus... Ils viennent dans la tenue de cheminots, de gaziers... profession vaut noblesse" (Le Figaro).

Je n'ai pas à m'excuser de m'intéresser à ce sujet qui est moins dérisoire qu'on ne le pense. D'ailleurs, quand on ne comprend plus rien à la réforme annoncée sur les retraites, éclatée entre un désir d'universalité et la volonté, pour amadouer, de ne pas faire trop mal aux particularismes, on a tous les droits. Notamment celui de s'interroger sur cette gracieuseté verbale et politique de Jean-Luc Mélenchon.

Si on laisse de côté le ton légèrement condescendant du maître Mélenchon à l'égard de l'élève Marine Le Pen, l'appréciation favorable du premier mérite d'être questionnée.

Il n'est pas si loin le temps où JLM, face à un soutien qui aurait été apporté à un mouvement social par MLP, l'aurait moqué, qualifié de simulacre et de comédie et mis en garde "les travailleurs" contre cette supercherie.

Pourquoi a-t-il changé de ton ?

Il me semble que LFI étant dans une sorte de creux malgré le talent et la conviction de certains de ses responsables, JLM a décidé de changer d'attitude. Puisque l'hostilité systématique et même violente à l'encontre du RN n'a rien donné et que les citoyens modestes et délaissés préfèrent s'abriter sous son aile que sous celle de LFI, il tente de regagner par l'empathie, une forme de bienveillance tactique, ce que l'aigreur constante lui a fait perdre.

Je ne sais pas si ce calcul va s'avérer judicieux mais je suis persuadé que parmi les adhérents du RN, en quelque sorte à contre-parti, il en est certains qui pourraient se laisser séduire par cette apparence toute nouvelle d'objectivité.

On ne peut pas oublier non plus que dans son livre "L'Ere du peuple" - cela m'a été rappelé par Eric Revel (Sud Radio) - JLM avait défendu le populisme en arguant qu'il s'agissait du peuple. Ce qui plaidait en faveur de tous ceux qu'on imaginait accabler avec ce terme.

Pour MLP, cet épisode qu'elle n'a évidemment pas sollicité ni pressenti, offre l'avantage de rendre plausible la part sociale de son projet et de ne pas frapper de caducité sa solidarité affichée avec les grévistes et tous les laissés-pour-compte de notre pays. L'onction même fugace d'un JLM la légitime et lui permet d'amplifier son processus de dédiabolisation. Elle peut se camper, telle une partenaire fiable, dans un espace où elle vient boire à des sources contrastées de gauche comme de droite. Son programme à la fois populiste et classique (pour l'ordre, la sécurité et la Justice) reçoit une touche supplémentaire de validation.

Cette déclaration de JLM, en définitive, ne fait-elle pas polémique parce qu'on a peur, derrière cette connivence ponctuelle et cette notation positive, d'imaginer ce qui résulterait d'une alliance entre les deux faces de la France qui vit mal, qui souffre et se sent en révolte permanente contre les possesseurs du pouvoir, où qu'il se situe, avec une droite se qualifiant de républicaine renvoyée à ses pudeurs et une République moins en marche qu'en surplace ?

Mélenchon et Marine Le Pen, comme un cauchemar pour le faux nouveau monde ?