Portable et cancer : La Cour de cassation italienne retient le lien de causalité
Actualités du droit - Gilles Devers, 23/10/2012
L’usage du téléphone portable peut-il causer des tumeurs ? Les scientifiques ne sont pas d’accord, mais la Cour de cassation italienne a tranché… et elle a dit oui ! Avis de gros temps à prévoir chez les opérateurs…
Innocente Marcolini, cadre supérieur, aujourd’hui âgé de 60 ans souffrait d’une tumeur au cerveau, qui s'était développée près de son oreille gauche. Il a été opéré avec succès, mais restent des effets secondaires handicapants, comme des maux de tête intenses et répétés. Devant cet état séquellaire imputable au cancer, il a demandé que le cancer soit reconnu imputable au travail, comme maladie professionnelle.
Sur le plan factuel, il soulignait l’importance de l’exposition au risque : son travail de manager commercial l’avait obligé à une utilisation intensive du portable, soit 30 heures par semaine pendant douze ans.
Sur le plan médical, il se fondait sur les travaux du Pr Levis, oncologue à l’Université de Padoue et co-fondateur de l’association italienne pour la prévention contre les nuisances des ondes électromagnétiques A.P.P.L.E.
Sa demande a été rejetée par l'INAIL, l'agence d'assurance italienne pour les maladies liées au travail. Motif simple : la preuve n’est pas rapportée d’un lien de cause à effet entre les conditions de travail et l'apparition de cette tumeur.
L’INAIL avait pris pour référence l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui avait conclu en mai 2010 qu’« à ce jour, aucun lien ne peut être établi entre les tumeurs au cerveau et l'utilisation du téléphone portable ». Les experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’OMS, avaient procédé à une étude conduite pendant 10 ans et sur 17 pays, à partir de cas de tumeurs diagnostiquées, et ils concluaient à une simple probabilité : « Un risque accru de tumeur cérébrale n'a pas été mis en évidence de manière définitive, mais en même temps, on ne peut pas conclure qu'il n'y a pas de risque ».
Une simple probabilité qui avait été balayée quelques mois plus tard par une étude danoise pratiquée sur 300 000 Danois pendant dix-huit ans, publiée par le British Medical Journal.
Innocente Marcolini a formé un recours, et il a réussi à convaincre la Cour d'Appel de Brescia qui a reconnu l’imputabilité au travail.
La Cour s’est fondée notamment sur les conclusions du Groupe Lennart Hardell de l'Université Örebro en Suède, qu'elle a jugée plus fiable et indépendant que les autres études concluant à l’absence de lien de causalité. Pour ces scientifiques suedois, l'utilisation du portable présente un risque pour le ganglion situé dans l'appareil auditif. Et Innocente Marcolini faisait aussi état des scientifiques qui avaient pointé les insuffisances de l’étude de l’OMS et critiqué la méthode de l’étude danoise.
Recours des organismes sociaux, et la Cour de Cassation ce 18 octobre… a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel, contre l’avis des autorités sanitaires et judiciaires du pays. Pour la Cour de cassation, il n’y a pas de certitude absolue, mais une certitude raisonnable, qui est le critère en droit social italien pour les maladies professionnelles.
1876, le premier téléphone d'Alexander Graham Bell