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Application de l’article l. 761-1 du code de justice administrative aux frais engagés par l’administration : mise au point du Conseil d’Etat

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc de Monsembernard, Benjamin Touzanne, 21/01/2013

Par un arrêt du 3 octobre 2012, le Conseil d’Etat a clarifié l’état du droit pour ce qui est des modalités d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative à l’administration lorsque celle-ci n’a pas recours à un avocat pour la représenter.
A l’instar de l’article 700 du code de procédure civile, applicable aux procédures contentieuses pendantes devant les juridictions judiciaires, l’article L. 761-1 du code de justice administrative permet d’indemniser la partie qui a subi la procédure contentieuse – c’est-à-dire celle qui a été obligée de saisir un juge ou celle qui a été contrainte de se défendre et qui n’est pas partie perdante –, des frais engagés tels que les frais d’avocat, les frais d’huissier de justice, de timbre fiscal ou autres.

L’arrêt du 3 octobre 2012 du Conseil d’Etat, publié au recueil Lebon (req. n° 357248), rappelle les conditions dans lesquelles l’administration ayant assuré sa défense par ses propres moyens peut obtenir la condamnation de la partie perdante sur le fondement de l’article L. 761-1 :

- une personne publique peut demander l’application de l’article L. 761-1 pour les frais spécifiques exposés par elle à l'occasion d’une instance, y compris si elle n’a pas eu recours à un avocat,

- elle doit, à cette fin, faire état précisément des frais qu’elle a exposés pour se défendre,

- cette possibilité ne lui est pas ouverte lorsqu’elle se borne à faire état d’un surcroît de travail pour les services chargés de préparer la défense.


L’arrêt répond à beaucoup de questions. Mais il est susceptible d’en poser d’autres.

Il est aisé d’imaginer ce que sont les frais qui pourront indiscutablement être intégrés dans le champ de l’article. Le rapporteur public cite par exemple les frais de déplacement, les consultations auprès de personnes extérieures à l’administration et les frais de reprographie (Conclusions B. Dacosta, AJDA 2012, p. 2178).

En revanche, il nous semble que la question reste posée s’agissant du surcroît de travail d’agents publics qui serait justifié (par des justificatifs de surcoût). En effet, l’arrêt, lu à la lumière des conclusions du rapporteur public, ne nous semble pas exclure de manière automatique les frais supportés par l’administration résultant d’une augmentation momentanée de la charge de travail.

Bertrand Dacosta ne regarde pas, « par principe », un surcroît de travail « comme insusceptible d’entrer dans le champ de cet article, même lorsqu’il est malaisé de lui rattacher des frais spécifiques » et invite à faire confiance au juge administratif pour utiliser avec sagesse la faculté d’en tenir compte.

La seconde partie du considérant de principe conforte cette approche puisque le Conseil d’Etat, conforte le juge du fond dans sa position en jugeant que le rejet des conclusions fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative : était fondé dès lors que l’Etat n’avait pas fait état précisément de frais spécifiques exposés par elle pour se défendre.

La question de savoir si le surcroît de travail peut entrer dans le champ de la notion de « frais spécifiques » reste donc entière. Si, dans la plupart des cas, une procédure contentieuse n’a pas d’impact en matière de rémunérations des agents publics, il pourrait en être autrement si, pour les besoins de la procédure, l’administration devait s’acquitter d’heures supplémentaires. Dans ce dernier cas, il est clair qu’elle aurait à justifier les coûts supplémentaires que lui a causés le procès fait à l’acte administratif dont elle est l’auteur.

Il est ainsi attendu des personnes publiques qu’elles « fassent état précisément » des frais qu’elles exposent là où les personnes privées ont juste à faire état de la présence d’un avocat pour être dédommagées. Rappelons pourtant que le montant de l’indemnisation accordée par le juge est laissé à son appréciation et n’est pas subordonnée à la production de justificatifs (CE, 13 mars 1991, Ministre des affaires sociales et de la solidarité, req. n° 121636).


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