Aide juridictionnelle : Un devoir pour l’avocat
Actualités du droit - Gilles Devers, 24/01/2013
La Cour de cassation administre une piqûre de rappel à un juge de proximité qui avait oublié les bases de l’aide juridictionnelle. Une telle désignation est une mission, et l’avocat est tenu d’accomplir les actes nécessaires, quoiqu’il en pense (Cour de cassation, 16 janvier 2013, n° 12-12.647, publié).
Les faits sont simples. Un avocat est désigné au titre de l’aide juridictionnelle pour assister un particulier à l’occasion d’une procédure d’opposition à injonction de payer. En droit, c’est une désignation par le bâtonnier de l’ordre.
Notre ami avocat a visiblement démarré l’affaire avec un mauvais diesel, et l’affaire ne semble pas le passionner. Le dossier est renvoyé plusieurs fois, et le tribunal finit par radier l’affaire. Une radiation est une mesure administrative, et l’on peut faire réinscrire l’affaire au rôle. Ce que l’avocat finit par faire, mais on imagine que les relations étaient devenues bien mauvaises, et l’avocat accompagne cette démarche d’une lettre au tribunal indiquant, qu'en l’absence d’une relation de confiance, il n’assure plus la défense de son client, invité à faire désigner un autre avocat.
Le particulier ne fait rien. L’affaire finit donc par venir à l’audience, le juge constate qu’il n’y a pas d’arguments en défense, et il condamne le particulier.
Pas de problème : celui-ci attaque son avocat en responsabilité civile. L’avocat répond qu’il lui avait adressé une lettre lui disant que les conditions ne lui permettait plus d’assurer sa défense, de sorte que c’était au particulier de faire désigner un avocat, et que s’étant abstenu, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Et le juge de proximité acquiesce à ce raisonnement : pour engager la responsabilité de l’avocat, le particulier devait d’abord prouver que l’avocat était alors toujours son conseil, et cette preuve n’était pas rapportée.
Pourvoi en cassation du plaideur, et la Cour lui donne raison : « L’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle est tenu de prêter son concours tant qu’il ne justifie pas avoir été valablement déchargé de sa mission ».
C’est l’application de l’article 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et celui-ci est tenu d’assurer cette mission. Il ne peut en être déchargé qu'exceptionnellement et dans les conditions fixées par le bâtonnier.
Sans décision du bâtonnier, l’avocat est tenu d’assurer la défense. S’il l’affaire ne lui va pas, il peut tenter de trouver un confrère, acceptant de prendre la suite, démarche qui doit être soumise au bâtonnier. Si les relations sont devenues impossibles, l’avocat peut demander à être déchargé de la mission, et le bâtonnier appréciera. Mais tant que le bâtonnier ne s’est pas prononcé, l’avocat doit accomplir la mission pour laquelle il a été désigné.
Maintenant, le plaideur abandonné n’a pas encore gagné la partie. Pour obtenir une condamnation, il doit convaincre le tribunal que l’avocat aurait pu présenter des arguments lui permettant de gagner le procès. L’avocat soutiendra ce que les arguments étaient mauvais, et que la condamnation était inéluctable, de telle sorte que sa faute n’a rien changé.
Si tel est le cas, il restera au plaideur à saisir le bâtonnier d’une plainte disciplinaire, car abandonner une commise est une faute disciplinaire, c’est certain.