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En politique, l'âge ne fait rien à l'affaire !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 23/12/2015

Aucun doute. Jeunes ou vieux, rien à faire. En politique comme ailleurs, "quand on est con, on est con".

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Georges Brassens a déjà tout dit et tout chanté : "quand on est con, on est con, l'âge ne fait rien à l'affaire" !

Pour la magistrature, j'ai toujours considéré que la jeunesse des juges d'instruction ne devenait un problème que s'il y avait, en plus, un défaut d'intelligence et de sensibilité. Ce n'est pas l'âge du juge Burgaud qui créait la difficulté mais le reste qui était l'essentiel. Ce dernier peut aussi bien gangrener l'aurore que le midi ou le crépuscule.

A intervalles réguliers, quand des élections ont suscité un bouleversement, voire un séisme, on se penche sur l'âge des gouvernants et sur celui de la classe politique, gauche et droite confondues, en s'esclaffant sur les "vieilles barbes".

Et on s'étonne, et on aspire au renouvellement mais en même temps force est de constater, comme après le 13 décembre, que "les papys, en politique, font de la résistance" (Le Parisien).

L'illusion est de croire qu'au sein de l'univers politique - on peut admettre le constat de Michel Wieviorka pour qui le "système politique est congelé" -, avec sa logique, ses contraintes, son rituel, ses ambitions, son langage spécifique et son autarcie malgré le fait qu'il doit convaincre au-delà de lui, l'âge aurait une importance décisive alors que tout démontre le contraire.

Les jeunes pousses affichent certes une volonté de renouveau et tentent de nous persuader qu'avec elles, on ferait de la politique autrement. Mais quel citoyen croit à ces billevesées obligatoires dans des discours formatés, mais absolument pas plausibles ?
Il y a une fatalité des structures partisanes qui impose une technique, des comportements, des réflexes et des perversions indépendants de l'âge mais ayant tout à voir avec la pesanteur du politique.

Le débat sur les "papys" et les plus jeunes n'a donc aucun sens parce que l'exercice du pouvoir, des responsabilités à quelque niveau qu'elles se situent et l'affirmation des ambitions réduisent tous les intéressés à une sorte de dénominateur commun à peine subverti par la nature de gauche ou de droite des projets. La substance idéologique des programmes est sans incidence sur le noyau dur et le coeur inaltérable de la machine politique : les postures similaires de ceux qui, de tous âges, vivent dans ou de celle-ci.

La politique impose sa loi à laquelle personne ne se soustrait en dépit des promesses de façade ou d'un volontarisme vite inopérant. Les aînés défendent leurs positions tandis que les cadets protègent les leurs ou s'échinent à en conquérir d'autres en cherchant à nous persuader que de ce jeu vieux comme le monde et aux inévitables redites, ils sauront faire autre chose. En réalité ils répètent ce qui a toujours été le socle de la politique à la fois intelligente et cynique : ils promettent, ne tiennent pas et restent les mêmes.

Jeunes et moins jeunes inévitablement mêlés dans une même course qui les confronte aux aléas, aux obstacles, aux élections, aux victoires et aux échecs et les constitue, dans tous les cas, comme les membres à part entière d'une communauté solidaire et corporatiste. Ils passent en premier : avant le peuple.

Il y a des exceptions, des ruptures, des étonnements. Il y a des personnalités à la fois atypiques et à ce point déconnectées des circuits traditionnels, tentées par l'absence mais encore militantes dans l'âme, qu'elles peuvent laisser croire à des arrachements, à des surprises possibles, à l'incroyable apparition d'une nouveauté véritable. A un certain moment, quoi qu'on pense de son obsession révolutionnaire dans un pays aux antipodes de cette fièvre, quelqu'un comme Olivier Besancenot semblait inventer une autre façon de faire et cultiver une autre manière d'être.

Il y a aussi les tremblements de politique comme des tremblements de terre. Où soudain des personnalités saisies par je ne sais quelle intuition, possédées par une audace presque divinatoire se jettent par-dessus bord pour endosser un habit neuf. Xavier Bertrand par exemple, à la suite d'un discours et apparemment de la mise en adéquation de ses actes et de des rejets avec lui, est monté haut dans les sondages, parce que soudain le citoyen lui a prêté une crédibilité dans son envie de sortir de la politique classique. Presque de la politique tout court.

Alors que François Hollande, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy, eux, baissaient sensiblement parce qu'ils continuaient à interpréter une même musique malgré des paroles différentes. Si peu, d'ailleurs.

Comme il n'existe pas de parole authentique et convaincante qui ne surgisse d'un capital humain, de vertus indivises - on les a ou on y aspire -, d'une personnalité à la fois libre, sincère, spontanée, comptant sur elle pour penser et pour parler, la politique ne pourra être demain décloisonnée qu'à condition de répudier rôles et postures, vivifiée que si hommes et femmes prennent le pas sur les conventions et les stéréotypes. La singularité sur la masse. Ce qu'on est sur la discipline. La vérité, quoi qu'il en coûte, sur le catéchisme. Le parti de soi contre les partis.

Sinon les recettes, les trucs, les procédés, les connivences continueront à dégoûter et à force on ne trouvera plus d'air pur et la démocratie deviendra irrespirable.

Il vaut mieux arrêter cette controverse sur l'âge. Les papys n'ont pas à faire de résistance puisque les jeunes quand ils prendront la relève feront tout exactement comme eux. La politique est bien plus vigoureuse et sa chape, égalisant les générations dans une identique comédie jouant à prendre l'air sérieux, est de plus en plus dévastatrice. Pour un qui tente de s'en échapper, combien stagnent !

Aucun doute. Jeunes ou vieux, rien à faire.

En politique comme ailleurs, "quand on est con, on est con".


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