Cameron : Une magnifique victoire… proche du précipice ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/05/2015
La victoire de Cameron est d’autant plus belle que tout le monde, bien préparé par les sondages, se préparait à un match dans un mouchoir, avec le poisseux jeu des coalitions. Quoiqu’il en soit, le résultat a été inespéré : les Conservateurs trouvent aux Communes une majorité absolue, leur permettant de se délester des Libéraux, de fervents pro-européens. Cameron a organisé un cabinet monocolore – une première depuis 1992 – et s’est dépêché dans les médias pour dire qu’il avait, enfin, les mains libres pour appliquer son programme, à commencer par le référendum sur l’Europe pour 2016. Dans le même temps, démissionne, laissant les Travaillistes dans la tourmente.
Belle victoire…, incontestable grande victoire pour Cameron, mais où va le pays ? Et quel pays ? Et que va faire Cameron ?
L’Ecosse vers l’indépendance ?
Le fait majeur du scrutin s’est joué en Ecosse. Ce pays du Nord, traditionnellement terre travailliste, a basculé pour l’indépendance. Le Parti National Ecossais (SNP) a laminé les Travaillistes, avec 55% des voix, et du fait du mode de scrutin – majoritaire à un tour – le SNP passe de 6 sièges à 56, sur les 59 de députés écossais. En Ecosse, Cameron n’a aucun poids : à peine 15% des électeurs. Fin de partie… Ce vote écossais change tout, car il marque une volonté nette, signe la défaite des Travaillistes, et crée une grande ambiguïté sur la victoire de Cameron. Et oui, une victoire qui ouvre sur l’éclatement du Royaume Uni ?... Cameron, le Premier ministre qui a permis la ruine de la maison royale ?
Regardez l’évolution. L’idée d’une indépendance de l’Ecosse n’est pas une lubie. L’Ecosse a une très forte identité – géographique, historique économique, sociale – et maintenant politique. Il y a quelques mois, en septembre, Cameron avait dû organiser le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, qui avait été rejeté avec 55% de contre. Quelques mois plus tard, le résultat est inversé : 55 % pour le SNP. Un miracle ? Non, le prix des salades de Cameron… Pour éviter l’indépendance, il avait tout promis pour une vraie autonomie, mais ne sont venues que des mesurettes, de quoi mécontenter tout le monde : les Ecossais n’ont pas trouvé leur compte, et les tenants du pouvoir central – ses principaux soutiens – se sont raidis, obligeant Cameron à dire qu’il ferait tout contre l’indépendance. Aussi, la victoire du SNP, qui a zigouillé les Travaillistes, est un défi pour Cameron, mais surtout pour le Royaume. Avec 56 députés sur 59, et une mandature devant soi, on a passé un cap sans doute irréversible. Cameron a-t-il les forces suffisantes, alors qu’il n’a plus de prise sur les élus écossais ? Et pour présenter quel projet ? Peut-on satisfaire les Ecossais, et les centralisateurs ? Après les belles paroles de l’automne 2014, quelle crédibilité pour Cameron ?
Cassure sociale et politique
Si le grand Nord, l’Ecosse, a abandonné les Travaillistes, ceux-ci gardent leurs bastions dans le Nord de l’Angleterre – Newcastle, Liverpool, Manchester, Leeds, Nottingham Birmingham, Cardiff – et dans les grandes zones urbaines de l’agglomération londonienne Le pouvoir politique libéral butte sur la réindustrialisation. Un clivage social et politique net, et qui montre deux Angleterre. Ce constat lui aussi est inquiétant pour le pays, et Cameron l’occulte, comme si cette cassure sociale n’était pas son problème, et devait se résoudre par la magie de l’économie des services. Or, sur ce terreau, s’enracine le FN du coin, l’UKIP, xénophobe et anti-européen : 12,6% des voix, dans ce régime électoral à un tour, qui lamine les petits partis. 12,6% et un seul siège, mais dans un référendum sur l’Europe, ces votes compteront comme les autres, et prendront de l’ampleur…
Et ce référendum sur l’Europe ?
Là, c’est l’ambigüité suprême de Cameron, qui a surfé sur le sentiment anti-européen, et s’est engagé à tenir ce référendum, ce alors que les forces dirigeantes du Royaume-Uni, qui tiennent l’économie, sont hostiles à la cassure européenne – le Brexit – qui les ruinerait. Et Cameron lui-même souhaite discuter d’aménagements avec l’Europe, ce fait le peu europhile Royaume-Uni depuis toujours, mais il n’envisage pas de sortie de l’Europe. C’est dire qu’il va devoir faire campagne contre le référendum qu’il organise, avec un risque XXL de crash collision. Son jeu est un bel exercice de conduite sur le verglas par une nuit de brouillard. Il espère en un an obtenir suffisamment d’aménagements de l’Union Européenne pour pouvoir expliquer aux électeurs anti-européens qu’il a chauffé à blanc : « voilà les amis, j’ai obtenu tellement de concessions, qu’il faut rejeter le référendum que j’ai organisé ».
- Tu veux dire que Cameron le glorieux politique sera sans doute dans une paire d’années une main devant, et une main derrière, avec un Royaume éclaté, et une Angleterre rompant avec l’Europe ?
- Oui, c’est exactement ça.
Pour le ministère de la Justice, Cameron a nommé Michael Gove, un semi dingue partisan du retour de la peine de mort, et par pendaison. Gove est chargé de faire voter une loi qui refusera l’autorité des arrêts de la CEDH. Une manœuvre de héros de bac-à-sable, destinée à enfumer l’opinion, alors que, restant signataire de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, le Royaume-(dés)uni a pris l’engagement de respecter les arrêts de la CEDH. La franchise serait donc simple : retirer sa signature de la Convention européenne, et prendre ainsi un statut genre Corée-du-Nord : maître chez soi, et pas de garantie internationale des droits. Mais ce fourbe de Cameron préfère faire joujou avec ce dindon europhobe, pour berner l’opinion. Jusqu’à quand ?
Finalement, la grande chance de Cameron est qu’il a pour « opposition » une fausse Gauche de luxe, incapable de rompre le système. Cameron peut dire merci au père intellectuel de cette Gauche des reniements, pleine d’avenir en Europe, Tony Blair.
Deux sauvages, qui ont tué la politique
Vu les ravages causés, leur place est devant un tribunal, puis en prison