Actions sur le document

Fin de la période de glaciation pour les droits de l’enfant ?

Planète Juridique - admin, 20/11/2014

En ce 20 novembre 2014, date du vingt-cinquième anniversaire de l’adoption par l‘assemblée générale de l’ONU de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) ceux qui militent en France pour une meilleure prise en compte des droits en … Continuer la lecture

Lire l'article...

avocats006_17_1En ce 20 novembre 2014, date du vingt-cinquième anniversaire de l’adoption par l‘assemblée générale de l’ONU de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) ceux qui militent en France pour une meilleure prise en compte des droits en enfants, et plus largement des droits humains , peuvent retrouver quelques couleurs et raison d’espérer et  de … militer.

Très concrètement, en ce jour symbolique, Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargé de la famille va (enfin) signer au nom de la France le Troisième protocole additionnel à la CIDE.

Jour symbolique, mais acte symbolique aussi.  Comme l’était la résistance de ceux qui ne voulaient pas que la France s’engage dans ce processus juridique qui ouvre un recours devant le Comité des experts de l’ONU aux enfants qui se plaindraient de ne pas voir leur droit pris en compte en France.  Ce texte ouvre également la possibilité au Comité des experts de s’autosaisir sans attendre qu’on lui  fasse rapport. Mais en outre ce protocole additionnel prévoit qu’un Etat-membre pourra interpeler  un autre Etat sur ce qu’il estimera être un non prise en compte des droits de l’enfant.

Certes ce Comité onusien n’est pas une juridiction comme la Cour européenne des droits de l’homme, mais nul doute qu’une condamnation demain de la France aurait un écho médiatique d’une grande portée et serait mal supportée par les pouvoirs publics du moment.

Reste qu’interpellé par le réseau associatif, par les experts, par le Défenseur des droits lui même, le président de la République François Hollande, contrairement à son prédécesseur, s’était engagé sur cette signature. Il a tenu sa promesse comme François Mitterrand en son temps parlant de la ratification de la CIDE disait " Je sais que cela sera dur, mais on le fera"  en donnant le feu vert au gouvernement et au parlement.

Reste aux parlementaires dès le retour de Mme Rossignol en  France de ratifier ce Troisième protocole pour qu’il nous soit applicable.

Certes nous n’aurons pas été parmi les 10 premiers pays signataires et ratifiant qui pourront s’enorgueillir d’avoir contribué à faire franchir cette étape majeure aux droits de l'enfant du fait de ce processus de contrôle de l’application de la CIDE, mais il serait désormais gravissime de trainer et a fortiori de ne pas ratifier. C’est notre parole qui serait en cause.

En tous cas nous entrons dan une nouvelle ère de la surveillance de la prise en compte des droits des enfants consacrés par la communauté internationale. Faire progresser le droit est un combat ; veiller son application. Le droit international  n’échappe à cet axiome. La France en sera.  Dont acte et bravo.

 PetitjugeJe conçois que tout cela ne « parle » pas à l’immensité de nos compatriotes quand les difficultés économiques du pays et de beaucoup sont tellement prégnantes.  Pourtant alors qu’où nous recherchons collectivement du sens et des repères la vie, la CIDE nous les offre.

Je ne reviendrai pas ici sur  l’originalité et la portée de ct instrument juridique. Je renvoie aux nombreux posts placés sur ce blog.

On doit retenir que ce traité ratifié par quasi tous pays du monde (1) est un texte contraignant pour les Etats-membres. Par rapport à une simple Déclaration les Etats s’engagent les uns à l égard des autres, mais encore il crée des droits directs aux enfants (2).

Mieux il est porteur d’une représentation délibérément moderne de l’enfant : l’enfant n’est plus présenté comme un être fragile qu’il faut protéger contre autrui ou contre lui-même, c’est une personne : certes elle doit être respectée dans son corps et son intimité physique et psychique, mais personne l’enfant a une sensibilité, une conscience : il doit se voir reconnaitre la liberté dépensée, de d’opinion, de religion, la liberté d’expression individuelle et collective (art. 12 à 15 CIDE).

Mieux encore en touchant à l’ensemble des droits civils, civiques et politiques, sociaux, culturels et économiques - fait unique dans l’histoire de l’humanité -, cette convention dessine un projet démocratique pour le monde. Certes on en est loin d’être rendu quand on sait ce qui se passe pas très loin de nos frontières, parfois chez nous, mais cette utopie va guider l’humanité pendant des décennies et des décennies. La CIDE est appelée à avoir une influence tout aussi et même bien plus grande que la Déclaration des droits de l’Homme de 1989.

 

µ

 Symbolique le geste du gouvernement l’est aussi car il semble bien inverser une logique et nous sortir d’une période de glaciation où l’idée politique que l’enfant ait des droits était déniée.

On se souviendra que tous les 20 novembre, jour anniversaire devenu jour des droits de l’enfant le président Sarkozy qui dénonçait le droit de l’hommisme se refusait de recevoir le Défenseur des enfants qui avait pourtant l’obligation légale de lui  remettre son rapport annuel sur l’état des droits de l’enfant en France.

On se souvient que l’image renvoyée des enfants était celle d’une source d’ insécurité. On tenait les enfants (des banlieues) pour collectivement responsables des violences sociales. Il fallait les mater. Dès lors on parlait plus de devoirs que de droits. On envisageait d’abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans. A défaut d’y parvenir devant la résistance du Conseil constitutionnel et … la parole donnée par  la France en signant la CIDE, on n’a eu de cesse que de vider de son contenu le statut pénal des 16-18 ans.   (conf. les multiples reforment de l’ordonnance du 2 février 1945).

Force est donc de constater que sur 10 ou 15 ans la dynamique issue de l’entrée en vigueur de la CIDE s’était estompée. Et constatons que la position de la Cour de cassation de 1991 n’y était pas pour rien qui contestait que e texte « mi juridique, mi politique, mi philosophique «  (3) puisse créer des droits directs

 avocat_jeuneUne nouvelle page semble prête à être écrite

 On sait que la question du statut de l’ enfant est centrale à la résolution des problèmes sociétaux qui nous sont posés aujourd’hui. Il peut même nous offrir un point de repère majeur pour articuler nos réponses. Mme Bertinotti ministre de la famille du gouvernement Ayrault l’avait bien compris qui, au final, devait faire des droits de l’enfant la colonne vertébrale de la loi famille qu’elle projetait.

C’est en effet l’enfant qui fait famille et non plus le mariage. C’est autour des responsabilités sur l’enfant qu’il faut réfléchir les statuts des membres de la famille. Et l’enfant n’est pas qu’un être familial, mais une personne sociale, son point de vie n’est pas indifférent.

C’est bien autour de l’enfant que doit se réfléchir les réponses aux questions posées par les développements des sciences de la vie qui permettent aujourd’hui de fabriquer un être humain à la demande. L’enfant, hier imposé ou subi, est aujourd’hui désiré, y compris par ceux qui pour telle ou telle raison ne peuvent être parents naturellement. La PMA, et bien sûr encore plus la GPA, recoupent la question fondamentale de l‘enfant personne ou de l’enfant objet de désir. Plus que jamais la question est bien avoir un enfant ou être parents.

Encore faut-il  ne pas utiliser la référence au droit de l’enfant pour satisfaire des désirs d’adultes. Ce sont ces français qui vont à l'étranger délibérément violer la loi française pour une GPA qui, à leur retour, mettent l’enfant en avant pour qu’on lui garantisse sa filiation. (4)

Ce sont ceux qui manifestent  (enfin) pour les droits des enfants (en l'espèce droit à un père et une mère)  et qui sont hostiles ce que l’enfant ait droit à la connaissance de ces origines et qui hier encore estimaient qu’il y avait des enfants illégitimes pour ne pas être nés dans le mariage ! Pourquoi n’avoir toujours pas avoir rendu l’établissement de la filiation biologique obligatoire ? Peut-on se satisfaire que 70 000 enfants naissent chaque année sans père légal. Dans l’intérêt des adultes !

Plus que jamais il faut donc assumer qu’il y a plusieurs filiations : biologique, gestatrice  - s’agissant de la filiation maternelle -  affective, sociale et juridique. Chacun d’entre nous est un millefeuille dont toutes les strates sont légitimes. Toute ses affiliations sont respectables et doivent être respectées. On en est loin dans la pensée de gauche comme de droite.

Toutes ces questions ne sont pas aisées et il faut bien sur se garder des anathèmes et de la réflexion simpliste.

Il  faut déjà d’admettre que l’enfant est une personne, sujet de droit, voire acteur de ses droits.

Il faut est aussi admettre que si l’intérêt de l’enfant doit être pris en compte – y compris son intérêt supérieur au sens de l’article 3 de la CIDE –,   ce n’est pas l’intérêt de l’enfant qui commande les décisions qui le concerne, mais ses droits. Ainsi tel adulte pense qu’il n’est pas de l’intérêt de l’enfant d'être en justice en fonction de sa grille d’analyse, un enfant est en droit d’exiger de l’être (loi du 5 mars 2007) car c’est un droit humain de base que toute personne soit entendue par son juge

Combien de mauvais coups commet-on tous les jours au nom de ce prétendu intérêt de l’enfant. Et ceux qui pensent qu’on pourra un jour  définir ce qu’est l’intérêt de l’enfant se trompent. Comme nous l’avons montré à DEI-France c‘est une attitude et démarche à tenir que la prise en compte de l‘intérêt de l’enfant. Rien ne peut être décidé à l’avance et a fortiori dans une loi.

On reste donc loin du compte même en France du respect des droits des enfants. Le blocage est déjà dans les têtes.

Aussi on peut qu’approuver Mme Rossignol quand elle engage au nom de l’Etat le débat symbolique là encore sur les châtiments corporels.  Il ne s’agit pas de voter une loi qui interdise la fessée ou la gifle, mais à ce qu’un débat - auquel d'ailleurs incité le Conseil de l'Europe quand 27 Etats ont déjà fait le nécessaire pour les condamner - soit mené dans ce pays sur l’éducation sans violence. (4) On peut faire autorité à l’égard de son enfant sans le gifler ou sans le battre. Et on sait que pour certains les limites n’existent plus.

C’est comme l’alcool au volant. Entre boire et conduire il faut choisir … La véritable position à tenir est 0 gramme d’alcool dans le sang..

Mme Rossignol a raison en avançant que somme toute le seul être vivant que l’on admet aujourd'hui de pouvoir frapper avec la caution de la société. Quel foin pour faire reconnaitre à juste titre il y a quelques semaines que l’animal n'est pas une chose ! Les  millions de nos compatriotes qui sont prêts à se mobiliser pour des animaux devraient le faire pour des enfants frappés, pas nécessairement maltraités.

Il faut au passage rassurer ceux qui venus d’ailleurs d’une autre culture sont convaincus que sans violence on ne peut se faire obéir comme parents.

Il ne s’agit pas de fustiger mais de réfléchir. Comment se fait-il qu’une classe chahute tel prof et pas tel autre : l’un ne lui inspire pas respect quand l’autre fait autorité par sa compétence et son comportement ! Arrêtons l’approche goguenarde sur cette question comme un temps – on nous pardonnera la comparaison – les mêmes affirmaient qu’il suffisait aux femmes violentées de prendre une bonne douche pour tout effacer !

 

jugeenfants6Quelques voyants lumineux qui passent aujourd’hui au vert ne font pas une politique. (6)

Dans les mois à venir il sera intéressant d’observer ce qu’il advient de la proposition de loi Chapdelaine-Binet sur intérêt de l‘enfant et autorité (5)  votée le 27 juin dernier par l’Assemble nationale. Osera-t-on la présenter au sénat avec ses énormes lacunes et incongruités, mais quelque petites avancées (7) ?

Parviendra-t-on à décider enfin de lieux et de temps où se réfléchit, s’évalue et se décide  une politique de la protection de  protection de l'enfance quitte ensuite aux conseils génaux pour ce qui leur revient et aux services déconcentrés de l’Etat,  les deux avec l’appui du réseau associatif comme le proposent Mme Dini et Meunier au Sénat ? Adoptera-t-on, enfin une politique de l’enfance au plan national et social ?

Admettra-t-on que tout texte de loi ou tout dispositif doit notamment faire l’objet d’une étude d’impact en fonction de la prise en compte des droits des enfants ?

On veut réécrire l’ordonnance du 2 février 1945 mais la priorité n’est-elle pas avant de changer la loi de mettre en place les mécanismes qui garantisse que tout enfant «  en conflit avec la loi » bénéfice d’un soutien éducatif réel  quand trop de mesures judiciaires aujourd’hui sont formelles et réellement exécutées ?

Quid de la politique de prévention de la délinquance et pas seulement de prévention de la récidive ? On retombe là encore sur une politique de l’enfance, une politique familiale, une politique d’insertion sociale, par des démarches citoyennes associant enfants et jeunes.

Tout  simplement soutenu par des adultes responsables qui le cadrent mais le protègent,  reconnu dans sa parole – ce qui ne veut pas dire qu’il décide de tout, inscrit dans un projet de vie, cet enfant là n’est pas délinquant car la loi lui paraitra légitime, juste et protectrice. Il ne s’agit nullement de démissionner de notre responsabilité d’adultes. On peut demander aux enfants ce qu’ils pensent sur nombre de point et en intégrant leur position dans la famille ou dans la cité, il nous revient de décider.

Il ne s’agit pas d’entrer dans un univers ou l’enfant serait roi mais simplement de tirer les conséquences de nos discours ; et être pragmatique :il y va de notre intérêt collectif.

Soyons cyniques : militer pour les droits des enfants c'est militer, à notre niveau pour une société plus harmonieuse. Très concrètement et c’était le cœur de la réflexion du rapport remis à Mme Bertinotti en janvier 2014 en prenant en compte les droits des enfants on permettra à nombre d’entre eux de trouver une place dans cette société, d’avoir un avenir, et donc de ne pas se sentir rejetés par leur famille, par leur cité, par la société. « De nouveaux droits aux enfants ? Oui,  dans l’intérêt des adultes et de la société ? » (8)

 

1          Sauf les USA et la Somalie

2          Ma Cour de cassation l’a enfin a admis en 2005 après évident

3          M. Massip, président de Chambre

4          Mme Taubira a eu raison de leur reconnaitre la nationalité française sans toucher à la filiation

5          Mme Morano, ministre européen de a famille avait signé devant la reine de Suède et 17 chefs de gouvernement l’Appel du Conseil de l’Europe à en terminer avec les châtiments en septembre 2008 à Stockholm avant de démentir l’avoir fait en arrivant à Paris

6          Dès le titre les parlementaires avaient déjà tout faux quand parlent de l’intérêt de l’enfant et non pas de ses  droits de l’enfant et qu’ils négligent que l’autorité est au service des responsabilités parentales

7          Voir post Oser l’enfance

8          Rapport disponible in extenso avec ses 120 propositions sur www.rosenczveig.com


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...