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Le grand message des Clarisses de Malonne

Actualités du droit - Gilles Devers, 31/08/2012

Michelle Martin, l’ex-de Marc Dutroux, était en cette année 2012 libérable...

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Michelle Martin, l’ex-de Marc Dutroux, était en cette année 2012 libérable au titre de la libération conditionnelle. Les Sœurs Clarisses du Couvent de Malonne, près de Namur, ont su se placer dans une démarche de compréhension de cette femme criminelle, et faisant face aux bruyantes hostilités, elles ont accepté d’ouvrir leur porte à la condamnée, pour lui redonner une place dans la société. Un grand message.

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Le jugement : complicité de crime, trente ans

Michelle Martin, alors institutrice, a été arrêtée pendant l'été 1996, en même temps que Marc Dutroux, dont elle était l’épouse. L’affaire, bien connue, ce sont six jeunes filles séquestrées et violées en 1995 et 1996. Quatre en sont mortes, dont deux de faim après avoir été emmurées dans la cave de la maison du couple. Marc Dutroux a été reconnu coupable pour l’ensemble des faits et condamné à perpétuité, et Michelle Martin à trente ans de prison, notamment pour complicité dans l'assassinat de Melissa Russo et Julie Lejeune, mortes de faim.

Le divorce entre eux deux a été prononcé en 2003.

La libération conditionnelle

Ce mois d’août, Michelle Marin, âgée de 52 ans, qui avait dépassé mi-peine – 16 ans sur 30 –  a demandé, conformément à la loi, de bénéficier d’une libération conditionnelle car elle présentait un projet sérieux de réinsertion.

En prison, elle est devenue pieuse. Les contacts se sont créés avec les Sœurs Clarisses, et un projet de réinsertion a été mis au point.

Le projet est très encadré :

-          Michelle Martin, qui n’intègre pas la communauté, y résidera et doit le justifier ;

-          elle doit participer aux tâches communes comme l'entretien du potager ou la cuisine ;  

-          elle peut sortir du couvent, mais elle a interdiction de se rendre dans les deux régions où elle a vécu avec son ex-mari ;

-          elle doit répondre à toute convocation de la justice ;

-          elle doit poursuivre la thérapie entamée en prison ;

-          elle ne peut établir de contacts avec les médias ;

-          elle est obligée d’indemniser ses victimes.

Tout manquement est susceptible de conduire à la réincarcération.

Le 31 juillet, le Tribunal d'application des peines de Mons a octroyé cette libération conditionnelle,  les conditions légales étant remplies. L’avocat des victimes, Georges-Henri Beauthier, manifestement dépassé par les évènements, a saisi la Cour de cassation, pour recevoir dans les jours qui ont suivi un arrêt d’irrecevabilité.

Michelle Martin a alors pu quitter la prison de Berkendael à Bruxelles, pour rejoindre le couvent. La vie se poursuit.

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Haro contre les juges… (qui appliquent la loi)

Les critiques fusent de tout part contre ces juges laxistes, ce qui, objectivement, n’est pas très original, et alors que les juges n’ont fait qu’appliquer la loi. Air connu.

Du coté de la haine et de la perdition, voici un reportage de L’Avenir

http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&NR;=1&v;=XY58Xor351s

Un autre de BFM lors de l’annonce de la décision de justice :

http://www.youtube.com/watch?v=Qs-z_8XLldw

Et un autre d’I-Télé, repris par Le Figaro, pour l’arrivée de Michelle Martin au couvent :

http://www.lefigaro.fr/international/2012/08/29/01003-20120829ARTFIG00394-les-belges-hurlent-leur-haine-a-michelle-martin.php

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Le grand message des Sœurs

Sœur Christine, l’abbesse du couvent a expliqué : « Madame Martin est un être humain capable, comme pour nous tous, du pire et du meilleur. Nous croyons donc que tabler sur le meilleur d'elle-même n'est pas de l'inconscience de notre part ».

La hiérarchie catholique, par la voix de l’Evêque de Liège, Monseigneur Aloys Jousten, a soutenu cette démarche : « Un être humain reste un être humain », et il  a salué « le témoignage de miséricorde » transmis par les Sœurs.

Philippe Portier, historien et sociologue des religions, rappelle que les sources sont profondes : « Cette tradition d’hospitalité est profondément inscrite dans l’ADN monastique. Conformément à la règle de saint Benoît, l’hôte doit être reçu comme s’il était le Christ, surtout s’il s’agit d’un exclu de la société civile. À cela s’ajoute la notion de miséricorde, essentielle aux yeux de l’Église : celui qui a fauté doit être objet de compassion. S’il est en règle vis-à-vis de la justice des hommes, bien sûr ».

Dans la population, les soutiens sont nombreux, comme le montre ce reportage de Canal C :

http://www.canalc.be/index.php?option=com_content&view;=article&id;=100002164&Itemid;=75

Surtout, je souhaite vous livrer cette magnifique lettre que Joël Van Cauter, philosophe et économiste, dont la femme a été assassinée voici 20 ans, a adressé aux Clarisses.

« Que le fleuve aille à la mer

« Mesdames,

« Ce mot pour vous faire part d’affection, de compréhension et d’encouragement.

« La décision d’accueillir Michelle Martin est la vôtre.

« Elle est cohérente avec votre engagement spirituel et humain.

« Les réactions auxquelles vous devez faire face sont, je crois, aussi déraisonnables et myopes que l’était, en son temps, la vague blanche.

« Philosophe, père de trois enfants, originaire de la campagne hesbignonne, vivant en Inde depuis plusieurs années, je suis agnostique.

« Je crois que l’Eglise catholique romaine est, comme l’histoire le montre, une machine de pouvoir qui a plus souvent été du côté des puissants que des misérables.

« Je crois que l’Eglise, en particulier en Belgique, a des positions souvent rétrogrades, fermées et imbéciles, notamment sur les questions de mœurs. La manière dont elle "gère" aujourd’hui en son sein les questions de pédophilie me paraît affligeante et indigne.

« Je ne suis donc pas grand buveur d’eau bénite.

« Pourtant.

« Il y a près de 20 ans, ma première femme a été assassinée. Je n’ai jamais pardonné à l’assassin. Je ne compte pas le faire. Mais si je ne lui pardonne pas à titre personnel, je ne crois pas qu’un être qui a tué puisse être réduit à un seul de ses gestes, même si ce geste relève du pire.

« Au contraire, je crois que celui qui a fait mal doit pouvoir grandir, par la confrontation au négatif qu’il a incarné, engendré, à un moment.

« Je crois que l’assassin est ainsi confronté au même mouvement que les proches de la victime, victimes elles-mêmes. On parlera de rédemption d’un côté, de deuil de l’autre. Ce ne sont que des mots. Figés, ils ne disent pas le cheminement, le tâtonnement, l’incertain, le doute. Ils ne disent pas la douleur. Ils ne disent pas assez le murissement, ce fruit de la vie qui peut être belle et bonne, malgré tout.

« Refuser la libération conditionnelle, que la loi autorise à certaines conditions, c’est maintenir le coupable et la victime enfermés dans un même passé. Permettre à un prisonnier qui en a le droit de quitter une prison, c’est permettre que le fleuve aille à la mer.

« Mesdames, je ne vous connais pas.

« Il est probable que nous ne partagions pas les mêmes idées, peut-être pas toutes les mêmes valeurs.

« J’ai néanmoins la conviction, comme homme et comme citoyen, qu’il faut que des personnes telles que vous jouent le rôle d’accueil que vous vous apprêtez à jouer, si la Cour de Cassation le permet.

« Tenez bon ».

A la communauté de Clarisses, à Joël Van Cauter, un immense merci.


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