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Au procès de Marcel Guillot, le tabou de l’intimité des personnes âgées

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 27/03/2014

Voilà bientôt deux heures que les experts psychiatres et psychologues se succèdent à la barre, jeudi 27 mars, pour tenter d’éclairer la cour et les jurés sur les raisons qui ont pu soudain faire basculer la vie de Marcel Guillot, … Continuer la lecture

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Voilà bientôt deux heures que les experts psychiatres et psychologues se succèdent à la barre, jeudi 27 mars, pour tenter d’éclairer la cour et les jurés sur les raisons qui ont pu soudain faire basculer la vie de Marcel Guillot, 93 ans, accusé d'avoir tué son amie Nicole El Dib, de dix ans sa cadette. Plus ils parlent et plus le mystère résiste. Comme s'il butait sur un mystère plus grand encore, celui de l'intimité des personnes très âgées et des désirs qui peuvent les animer. Même la cour d'assises, ce lieu sans pudeur, renâcle à s'y engager.

Le président Patrice Bresciani se tourne vers l'accusé.

- Nicole, vous l’aimiez bien ?

- Oui, c’était une bonne amie.      

- Vous aviez des…sentiments pour elle ?

Il ne prononce pas le mot désir mais, dans la salle d’audience, chacun traduit.

Marcel Guillot hausse les épaules.

- Oh, je voulais pas me marier. J’aime autant vivre seul. Mais on a toujours été bien ensemble.

Doucement, le président l’amène à évoquer ce moment où, après quelques semaines passées dans la villa de son amie, à l’automne 2011, Marcel Guillot s’est senti « éconduit », « renvoyé comme un ballot ».

- Au moment de partir, elle m’a dit…Elle m'a dit: si tu reviens me voir, je ne te recevrai pas.

Les sanglots ont jailli d’un coup. Des grosses larmes d'homme blessé coulant sur le visage d'un très vieil accusé.

Cette phrase, Marcel Guillot n'a cessé de la ruminer. Il l'avait en tête lorsque dans la nuit du 6 au 7 décembre 2011, il a parcouru en voiture les 200 kilomètres qui séparaient son pavillon de Bobigny de la villa de Nicole El Dib, à Saint-Gilles, dans la Marne, pour lui demander des "explications" et lui "foutre une rompée". Le corps de l'octogénaire, roué de coups, sera retrouvé le lendemain dans le ruisseau qui traverse la propriété.

- Je voulais savoir pourquoi elle avait dit ça, répète obstinément Marcel Guillot. 

Il ajoute, un ton plus bas.

Enfin, j'ai ma petite idée. 

- C'est quoi votre idée? lui demande le président

Marcel Guillot hésite.

- Ben, je peux pas trop dire. C'est peut-être pas ça...

Il dit quand même. Evoque une scène d'intimité un matin, dans la salle de bains de la villa.

- J'ai voulu la caresser un peu, c'est tout. Moi, j'avais pensé...

Marcel Guillot sanglote à nouveau. Au banc des parties civiles, la fille de la victime entourée de son mari et de ses trois fils, se cache le visage dans les mains. Son avocat, Me Jean-Marie Job, s'approche de l'accusé et lui met sous le nez les photos du visage tuméfié de Nicole El Dib.

Vous la reconnaissez?

Marcel Guillot détourne le regard.

C'est pas elle. 

Il ajoute, comme s'il se parlait à lui-même.

C'est bien dommage qu'elle soit pas là. Elle voulait venir à l'île d'Oléron. Je lui avais dit que j'irais la chercher à la gare de la Rochelle. Peut-être même qu'en ce moment, on serait à la Réunion ou à l'île Maurice. Oui, oui, elle m'avait dit qu'elle avait envie d'y aller. 

 

 

 

 

 


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