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Une Internationale de l'indignation...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 17/08/2015

Comme un caillou jeté par la morale contre le désordre de l'univers.

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Sans tomber dans le cynisme, les immenses catastrophes, les privilèges, les corruptions et les injustices ont au moins un mérite, ce seul avantage : sous toutes les latitudes et dans tous les pays, ils suscitent la révolte et l'indignation et ce qui est réconfortant, c'est l'émergence, de plus en plus fréquente, d'une Internationale du refus et de la revendication. Le monde tout entier ne se laisse plus mener par le bout de la dépendance.

Certes il ne s'agit pas des traumatismes singuliers, ponctuels qui sont traités de manière classique ou, au pire, sont étouffés sans que l'opinion se mobilise.

Si les démocraties sont concernées par ce Collectif qui surgit sans qu'on y prenne garde, il a surtout une importance capitale dans les régimes totalitaires, autoritaires qui ont beau faire peser une chape de plomb, de silence et d'obligatoire acceptation sur les scandales, les misères, les détresses et les inégalités, ils sont cependant de moins en moins armés pour résister à la pression diffuse ou ostensible d'une indignation libérée de ses craintes.

Cette Internationale a cette particularité et cette puissance d'échapper à la contestation politique proprement dite pour se fonder essentiellement sur des exigences ou des détestations purement humaines.

Ce n'est pas le citoyen ni le militant qui interpellent, où que ce soit, les pouvoirs mais la personne brisée, l'être qui a tout perdu, l'homme qui ne supporte plus qu'un puissant qui a violé ne soit pas poursuivi, le groupe qui, victime de désastres contre lesquels on ne réagit pas, ou pas assez vite, ou en les sous-estimant, se dresse contre l'incurie ou l'incompétence - ce sont des multitudes et des humains qui font surgir d'eux la spontanéité d'une opposition qui se fonde sur un sentiment infiniment plus profond que l'adhésion ou le rejet partisan : un dégoût naturel qui naît du caractère au sens propre inadmissible d'une situation si choquante, si obscène que confusément on perçoit que l'Etat même le plus odieux n'oserait pas formellement la valider.

Des exemples multiples de cette Internationale de l'indignation : à la suite des explosions chimiques en Chine et des 144 morts pour l'instant à déplorer, Bachar el Assad qui n'a pas pu ne pas sanctionner un membre de sa famille contrairement à son habitude, les révoltes toujours en Chine quand dans certaines régions des satrapes avaient commis le pire et prétendaient n'être pas inquiétés, la perception qu'en France, il y a des indélicatesses qui ne se font pas et des abus qui ne sont pas tolérables... (Le Figaro, Le Monde). Il n'est même pas besoin de malfaisances grandioses mais d'une quotidienneté banalement indécente à le mesure de ce que nous pouvons imaginer et concevoir.

J'aime passionnément que, contre la maîtrise apparente, les processus officiels, les décrets du Prince ou du dictateur, la patiente et fataliste tolérance de ceux qui se désespèrent ou s'attristent mais baissent les bras, l'esprit et le coeur parce que rien ne serait jamais à sauver, il y ait l'irruption, partout dans le monde, d'une manière suffisamment imprévisible pour n'être pas contrôlée, d'une Internationale qui au fond se contente de proférer, mais avec quelle force, que trop c'est trop.

Comme un caillou jeté par la morale contre le désordre de l'univers.


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