Agnel devrait jouer au foot
Justice au singulier - philippe.bilger, 1/08/2013
On a de petites joies. Les vacances, avec ce magnifique soleil, réduisent nos prétentions et nous nous contentons de peu.
Quoique !
La comparaison qui m'est venue à l'esprit, qui se rapporte à la natation et au football est-elle si dérisoire que cela ? Il y a des pépites dans le sport et parfois des champions, à leur insu ou volontairement, nous ouvrent des pistes qui nous entraînent bien au-delà des compétitions, vers la société et ses stimulantes et riches problématiques.
Franck Ribéry, pour le Bayern de Munich, entre sur le terrain, tenant la main d'un enfant qu'il juge trop grand par rapport à lui. Il demande à son coéquipier Thomas Muller de l'échanger avec le sien, ce qui est accepté avec toute l'ironie qu'on devine.
Je n'attendais pas de Ribéry, qui est un formidable joueur, des trésors de réflexion mais je n'imaginais pas chez lui un tel niveau de susceptibilité qui aurait pu le conduire, pour ne pas faire remarquer sa taille moyenne, à écarter de lui un tout jeune rival. Il y a du Sarkozy dans cette attitude ridicule. Celui-ci veillait à planifier la taille de ses auditeurs proches dans les meetings et Ribéry, sans doute stimulé par cet exemple illustre, s'est senti une envie de changement.
Laissons cela : on sait bien que notre Ribéry national pense avec ses pieds. On espère que ses développements seront des démarrages et des passes décisives et ses conclusions des buts.
A Barcelone, alors qu'il était loin d'être le favori du 200 mètres nage libre, Yannick Agnel remporte brillamment la finale dans un temps à peine supérieur à son record et il offre à sa sortie de piscine, au vibrionnesque et polyglotte Nelson Montfort qui ne parle plus seulement mais embrasse à tout va, un propos d'une qualité infiniment rare, pas seulement dans une enceinte sportive mais dans l'espace public. Un sourire éclatant, une langue parfaite, une délicatesse de coeur, rien de vulgaire, aucune faute de français venant écorcher les oreilles et même, plus tard, une élégance de grand seigneur victorieux félicitant, pour les remercier de son triomphe, son ancien entraîneur français pourtant mesquin auparavant avec lui et son actuel "coach" américain.
Miracle, les commentateurs se sont tus.
Ce jeune homme, s'il ne devient pas pourri par les médias, ne le sera jamais par lui-même.
Agnel nous console de Ribéry.
Je n'oublie pas que ce dernier a surgi avec son talent d'une enfance dure et d'épreuves douloureuses et qu'Agnel ne tient pas sa classe de rien ni de personne.
Mais il n'empêche.
Ribéry nous fait craindre notre société. Agnel nous rassure sur elle et devrait jouer au foot.