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Un président au jour le jour

Justice au singulier - philippe.bilger, 3/08/2012

Un président au jour le jour : j'aime un président qui voit de près et sait regarder au loin. Je suis navré mais il ne m'a pas trompé dès le premier jour de sa présidence.

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J'entends déjà, à la lecture de ce titre, l'explosion de joie et d'aigreur de ceux qui n'aiment pas François Hollande, sa personnalité, sa politique ou, pour certains encore plus acerbes, ce qui seraient ses hésitations, son absence de politique et sa répugnance à agir.
Ce n'est pas du tout mon propos et je ne partage en rien ce que cette présidence au jour le jour pourrait induire dans la tête des pessimistes. Elle n'est pas davantage, à mon sens,la marque ou la preuve d'une vision réduite, étriquée pour la France et son rôle dans le monde, tout particulièrement en Europe, même si on a le droit de s'interroger sur la rançon possible des remarquables dispositions intellectuelles et de la finesse profonde du président dans l'exercice de sa mission (Le Monde, nouvelobs.com).
La présidence au jour le jour renvoie surtout à ce que j'ai perçu d'emblée, à tort ou à raison, et qui tient à une certaine manière d'appréhender le réel et de composer avec lui. Ce qui était déjà vrai avec le candidat est devenu encore plus éclatant avec le président et pourrait se définir comme une administration souple des choses, une maîtrise subtile des personnes et un lien étroit et convivial avec l'opinion.
Pour bien mesurer la nouveauté de cette approche, force est de comparer - sans se prendre pour cela pour un La Bruyère même au petit pied !- avec le style de gouvernement et d'affirmation de soi de Nicolas Sarkozy.
Même s'il y a eu évidemment, avec quelques traits forcés, une part tactique dans la volonté de FH d'apparaître comme le contraire de son prédécesseur, à partir de la constatation juste que sa personne avec ses manifestations outrancières avait été prioritairement rejetée, il n'en demeure pas moins qu'au-delà, l'un et l'autre sont fondamentalement, pour l'instinct, la psychologie et l'esprit, aux antipodes et que le vrai changement, maintenant, est déjà là.
L'opportunité immédiate de ce post m'a été offerte par une déclaration de François Hollande soulignant qu'il ne prenait pas de "vacances" mais faisait "une pause". Cette précision peut apparaître comme un comble d'hypocrisie si l'on assimile la détente des premières avec le repos de la seconde.
Pour ma part, j'y vois autre chose qui confirme la tendance de notre président à sentir si bien, humer avec tant d'intuition l'air public qu'il devine rapidement ce qui au jour le jour doit être maintenu ou infléchi dans ses discours ou ses actes. Quand il a annoncé son départ pour Hyères en train (et heureusement en 1ère classe), des reproches se sont élevés contre cette halte, en temps de crise, dans un emploi du temps surchargé. Cette polémique est certes injuste et choquante, surtout quand, derrière son apparente et toujours spectaculaire agitation, on compte les multiples jours de détente que NS s'est octroyé (Marianne 2 sous la signature de Juan Sarkofrance). Ce n'est pas l'essentiel, pas plus que l'inanité de ce Secrétaire national de l'UMP qui décidément laisse parler n'importe qui, Geoffroy Didier invitant FH à régler "les frais de son séjour privé" à Brégançon, l'une des résidences officielles des présidents de la République.
Ce qui en revanche est révélateur de la capacité d'adaptation de FH et aussi de sa compréhension à l'égard de ce qui constitue une critique acceptable a été la rectification, la nuance venant gommer le venin des vacances grâce à la neutralité de la pause.
Je pourrais citer une infinité d'exemples démontrant comme François Hollande, depuis son élection, de ses attitudes en public à la gestion du 14 juillet, de ses entretiens impromptus et improvisés avec les journalistes à sa conférence de presse, a pour obsession de répondre à la voix plurielle du peuple, aux attentes qu'il devine, aux espérances qui ne se sont pas dégradées en illusions, de ne pas créer les mêmes déceptions qu'avant, de ne pas attiser le relativisme et même l'hostilité à l'encontre de la chose publique et des politiciens en général. Entre hier et aujourd'hui, sans cesse le président dresse une passerelle qui construit, amende, ajoute, précise ou apaise.
Nicolas Sarkozy, quant à lui, posait, opposait, imposait.
Il lui a fallu cinq ans pour s'excuser auprès de la République de la honte de cette escapade passionnelle et somptuaire au Fouquet's quand le peuple l'attendait et de sa retraite sur un yacht quand il l'avait annoncée dans un monastère.
François Hollande réfléchit, ajuste, partage.
Le pouvoir n'en est pas plus mal exercé pour autant et il ne serait pas paradoxal de soutenir qu'une puissance qui se fait respecter et accepter est une force bien plus considérable que celle qui se présente avec autorité et jouit de son impérium. L'ostentation est un moins et la normalité un plus.
Ce président au jour le jour, qui sur l'établi démocratique corrige, peaufine, invente et travaille, a une vision, j'en suis persuadé, une conception de la France à la fois physique, historique et politique. Je suis sûr qu'il a compris que le mal français était cette communauté nationale que plus aucun destin collectif digne de ce nom n'inspire. Quel pourrait être le rêve d'aujourd'hui et de demain pour notre pays ?
Confondre cette intelligence et cette mesure avec une modération systématique et même de la faiblesse serait une grave erreur. Son seul adversaire de taille - il est redoutable - est le réel qui viendrait troubler ou rendre caduc n'importe quel projet inspiré par n'importe quelle idéologie. Seulement la réalité, et non pas lui-même s'il demeure toujours attentif à ce que des adversaires de bonne foi pourraient trouver à redire à l'excès de scrupule et de délibération qui viendrait interdire l'action, à la création de trop de commissions qui viendrait se substituer à l'engagement de la politique, à une orientation exclusivement socialiste qui viendrait vider de sens le soutien d'une multitude éloignée de tout dogmatisme de droite comme de gauche.
Ce qui est évident sur le plan national l'est tout autant dans le domaine international. Il n'a pas besoin d'un BHL "déçu" qui, aspirant à redevenir de fait ministre des Affaires étrangères, cherche à le titiller comme il a influencé NS (Le Parisien). Après la Libye, la Syrie ? Pour quoi, à supposer qu'il soit concevable d'intervenir militairement ? Des morts, encore davantage de victimes, de sang et de chaos, un livre, l'idolâtrie médiatique par obligation, un autre film nul ?
Un président au jour le jour: j'aime un président qui voit de près et sait regarder au loin.
Je suis navré mais il ne m'a pas trompé dès le premier jour de sa présidence.


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