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Société anonyme sportive professionnelle et société sportive constituée sous forme de société anonyme, quelles différences ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - François Klein et Eve Derouesné, 6/03/2012

La loi n°2012-158 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits de sportifs a été publiée au Journal Officiel du 2 février dernier. Attendue par de nombreux acteurs du monde sportif, s’agit-il d’une simple évolution ou d’une réforme pour rien ?
Le contexte
Depuis de nombreuses années, les règles spécifiques applicables aux sociétés sportives font débat. Elles seraient notamment à l’origine d’un défaut de compétitivité des clubs professionnels du fait des contraintes qu’elles posent. Ainsi, l’une des recommandations du rapport, intitulé « Accroître la compétitivité des clubs de football professionnels français », rendu par Eric Besson en novembre 2008 était de : « Rapprocher les statuts des sociétés sportives du droit commun tout en maintenant le lien avec le monde associatif ».

Un avant projet de loi soumis fin 2009 par le ministère de la santé et des sports au mouvement sportif avait tenté de traduire cette recommandation.

Finalement abandonné, c’est par le truchement d’un amendement parlementaire proposé au Sénat à l’occasion de l’examen du projet de loi visant à renforcer l’éthique sportive que le débat a ressurgi au printemps 2011 et a abouti à une réforme après adoption du texte par le Sénat le 30 mai 2011 (malgré l’avis défavorable du gouvernement sur cet amendement) puis par l’Assemblée Nationale le 18 janvier 2012.

Nature et étendue de la réforme
La société sportive peut dorénavant prendre la forme d’une société à responsabilité limitée, d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée.

Ces trois formes ne se substituent pas mais viennent compléter les formes précédemment autorisées et qui demeurent, à savoir la SARL ne comprenant qu’un associé, la société anonyme à objet sportif (SAOS) et la société anonyme sportive professionnelle (SASP).

Ce sont donc six formes sociétales qui sont désormais possibles pour régir une société sportive.

Mais quelle est la différence entre une SASP et une SA, société sportive ?

La constitution d’une société dans le domaine du sport passait par l’obligation d’adopter des statuts conformes aux statuts-types dont les termes avaient été fixés par un décret du 16 février 2001 (D 2001-149 – jamais actualisé) et codifiés à l’annexe I-1 de l’article R. 122-4 du code du sport.

Cette obsolescence trouve son origine dans le fait que deux évolutions législatives successives adoptées en 2001 et 2004 codifiées dans le code du sport n’ont jamais été prises en compte à l’échelon réglementaire et donc jamais mises en œuvre par une modification des statuts-type.

Reste que cela pouvait se régler par une simple modification par décret.

Au risque d’être à contre-courant, il ne nous apparait pas que l’obligation de respecter des statuts-type constitue en soi un facteur de rigidité. Tout dépend du contenu et donc des contraintes traduites dans ces statuts-type.

A cet égard, le rapport Besson précité relevait 4 conséquences/contraintes qui résultaient, selon lui, des statuts-type :
- l’obligation d’organiser ses relations avec l’association sportive dans le cadre d’une convention ;
- l’obligation de compter au minimum sept associés fondateurs dont l’association sportive ;
- l’obligation d’obtenir l’agrément du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à la majorité des 2/3 pour la cession des actions des SASP ;
- l’interdiction pour une personne privée, actionnaire d’une SASP de consentir un prêt à une autre société sportive ni de cautionner les engagements d’une autre société sportive.

De ces 4 contraintes, peu sont en réalité imputables aux statuts-type mais résultent de dispositions législatives autonomes. Or, si la loi a fait sauter l’obligation de respecter des statuts-type, elle n’a pas pour l’essentiel pas modifié ces contraintes.

Dans le détail
L’obligation d’une convention avec l’association sportive résulte de l’article L.122-14 du code du sport qui demeure. En outre, les SA ou SAS, sociétés sportives seront toujours constituées par une association sportive et seront, elles, aussi assujetties à l’obligation de conclusion d’une convention avec cette dernière.

Les statuts-type de SASP n’imposaient aucun nombre minimal d’associés fondateurs mais effectivement imposaient que l’association sportive soit actionnaire fondateur (le nombre minimal de sept associés est propre à toute société anonyme en application de l’article L. 225-1 du code de commerce. En outre, concrètement, comme dans une SASP, dans une SA (société sportive), l’association sportive sera toujours au minimum un actionnaire fondateur et en tirera des droits spécifiques qui demeureront indépendamment du maintien et de l’importance de sa participation au capital.

A l’inverse, effectivement, la contrainte relative aux modalités d’obtention d’agrément du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à une majorité qualifiée résultait bien des statuts-type et ne s’imposera donc pas aux nouvelles SA (société sportive).

Enfin, l’interdiction pour une personne privée, actionnaire d’une société sportive, d’accorder un prêt ou de consentir un cautionnement à une autre société sportive ne résulte pas des statuts-types mais d’une disposition législative, l’article L. 122-9 du code du sport. La création des ces nouvelles catégories de sociétés sportives n’a eu aucune incidence puisque le législateur a maintenu l’article L.122-9 en le modifiant toutefois pour limiter cette interdiction de prêt ou de cautionnement à la personne privée « qui contrôle de manière exclusive ou conjointe une société sportive ou exerce sur elle une influence notable ».

Selon les auteurs de cette initiative législative, la coexistence de la SA et de la SASP se justifie, par la nécessité de ne pas contraindre les sociétés sportives existantes à modifier leurs statuts. A notre sens, le problème aurait pu se régler différemment et donc sans créer la SA, société sportive :
- en supprimant les statuts-type et,
- en définissant la SASP comme une société anonyme constituée conformément aux dispositions du code du commerce et soumises aux dispositions complémentaires fixées dans le code du sport.

Et il ne faudrait pas déduire de cette réforme que les statuts-type sont regrettés des auteurs du présent article. Tel n’est pas le propos.

Celui-ci est plutôt de souligner que, s’il ne faut pas minimiser les effets contraignants et dissuasifs de l’existence de statuts-type, leur affranchissement ne devrait pas conduire à un sursaut de compétitivité pour les clubs. En effet, la difficulté est bien ailleurs : elle réside dans la relation entre l’association et la société sportive que les nouvelles dispositions législatives laissent intactes.

A cet égard, il faut relever que la société sportive constituée en société anonyme devra toujours être constituée par l’association et – même si celle-ci pourra ne plus en être actionnaire à terme, elle demeurera toujours titulaire d’un droit de regard sur la gestion de la société par application des dispositions de l’article L. 122-17 du code du sport.

Ainsi, l’association sera destinataire des délibérations des organes dirigeants de la société, aura la possibilité d’exercer les actions prévues aux articles L.225-30 à L.225-232 du code de commerce, c’est-à-dire de demander la récusation du commissaire aux comptes et de faire nommer un expert de gestion ou encore droit de poser des aux organes de gestion (questions à deux reprises dans l’année).

Si le maintien d’une relation entre l’association et la société sportive peut avoir encore un sens, elle mérite d’être pour le moins repensée. Elle est incontestablement subie par les sociétés sportives et sa conclusion peut devenir un instrument de pression. Cette obligation de conclure une convention met la société sportive dans une situation de dépendance. La fin de cette dépendance et la réorganisation des relations entre l’association et la société sportive (notamment en décorellant l’usage du numéro d’affiliation de l’existence d’une convention) constitue le chantier de la véritable réforme.


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