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Accessibilité des services juridiques en ligne : une première victoire notable pour demanderjustice.com

droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 24/06/2014

Nous évoquions, dans un post du 2 juillet 2013, l'irruption sur le marché de l'accès à des services juridiques en ligne de ce site web controversé dont l'objectif est d'aider grâce à Internet à la résolution des petits litiges de la vie courante dans le cadre de procédures dispensées de ministère d'avocat. Depuis, d'autres sites similaires ont fait leur apparition tels que saisirprudhommes.com ou encore justice-express.com.

A l'instar d'autres professions réglementées qui voient leur tranquille monopole ébranlé par ces nouveaux venus qui usent des technologies de l'information pour  dispenser des services dans des conditions mieux adaptées aux besoins des consommateurs (voir par exemple la problématique des taxis face aux VTC), les professionnels du droit n'ont pas manqué de réagir. C'est ainsi que les créateurs des sites "demanderjustice" et "saisirprudhommes" ont, sur plainte de l’Ordre des avocats de Paris, été cités devant le tribunal correctionnel de Paris par le Ministère Public pour avoir

"sans être régulièrement inscrit au barreau, assisté ou représenté des parties, postulé ou plaidé devant les juridictions ou organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, en l’espèce en mettant en place un site internet intitulé “SaisirPrud’hommes” destiné, moyennant rémunération à mettre en état les dossiers et à en saisir les conseils de Prud’hommes compétents"

 Par jugement du 13 mars 2014, ce tribunal les a toutefois relaxés des fins de la poursuite. La motivation du jugement est la suivante :

"De l’étude du site, il ressort que ce site offre une prestation de services consistant à agréger des renseignements tirés de différents autres sites (parfois du site du ministère de la justice) qu’il propose une mise en forme informatique du remplissage par le plaignant du dossier (comme le proposent de nombreux sites administratifs sur des imprimés Cerfa) ainsi qu’une prestation de services consistant à apposer une signature électronique sur la saisine du tribunal et un envoi postal.

Ainsi ce site remplit la tâche qu’il se fixe en page de garde du site à savoir de permettre à une personne de saisir une juridiction où le ministère d’avocat n’est pas obligatoire sans se déplacer et sans assistance.

D’ailleurs, il ressort de la lecture des ”témoignages” des internautes ayant utilisé ce site qu’ils ont été satisfaits du “service” rendu par le site et non du conseil et de l’assistance fournis.

En conséquence, l’analyse “in concreto” du site permet de conclure que M. O., à travers le site, n’a pas, sans être régulièrement inscrit au barreau assisté ou représenté des parties devant les juridictions ou organismes juridictionnels en mettant en place un site “Demander Justice.com et un autre site “saisir les prud’hommes .com”, destiné moyennant rémunération à réaliser les formalités de saisine de ces juridictions."
Il a été interjeté appel de ce jugement qui n'est donc pas définitif pour l'instant ; il permet toutefois, et en attendant, de conforter la démarche de ces sites et des nombreux autres "sites juridiques low cost" qui fleurissent depuis peu sur Internet. Certains de ces sites n'ont d'ailleurs pas pour objet de court-circuiter les avocats, mais d'optimiser le recours à ces auxiliaires de justice ; voyez par exemple : contact légal, meilleur avocat, divorce discount.

Face à ce mouvement, il est clair que les avocats ne pourront pas rester dans la posture de défense de leur pré carré à coup d'invectives (par exemple en qualifiant systématiquement ces nouveaux sites de "braconniers du droit") et d'actions judiciaires . Il leur faudra impérativement faire évoluer leurs pratiques de manière à ne pas rater le virage des nouvelles technologies comme d'autres secteurs économiques. Les initiatives seront facilitées par l'évolution du droit, tel l'article 13 de la loi Hamon qui dispose :

"Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, l'avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu'à la sollicitation personnalisée."
A rapprocher de l'arrêt du Conseil d’État du 13 décembre 2013 qui légalise le démarchage et la publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes juridiques.

On pourra surveiller également les initiatives de "l'incubateur juridique" créé par le barreau de Paris qui mène une réflexion sur les nouveaux modes d'exercice de la profession d'avocat pour l’adapter aux nouveaux marchés du droit et aux besoins des justiciables.

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