An II : osons l’enfance ( 530)
Droits des enfants - jprosen, 9/05/2013
L'an II du quinquennat s'ouvre. L'an I aura été, nous dit-on, celui des reformes. Il serait plus exact de dire de certaines réformes! D'autres ont été esquissées, voire nettement repoussées. Il est grand temps, la rone électorale de 2014 approchant, de les aborder frontalement. Tout simplement certaines contraintes juridiques les imposent. En vrac et sans exhaustivité : une vraie politique familiale globale incluant une explicitation des responsabilités sur l'enfant, des réponses judiciaires à la délinquance juvénile adaptées et conformes à notre histoire et à l'ordre international, une meilleure mise en oeuvre de la protection de l'enfance une stratégie de l'accès au droit pour tous, notamment aux plus jeunes, une politique de prévention de la délinquance juvénile, etc. Dans cette perspective (optimiste), je restitue ces jours-ci quelques posts propositionnels qui n'ont pas pris une ride en un an. Hier (post 529), les reponses à la délinquance des plus jeunes, aujourd'hui dans la perspective d'une nouvelle écriture gouvernementale, l'objet de politiques publiques. JPR
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Le sort des enfants de France est globalement favorable. Il suffit d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe au-delà de nos frontières. Déjà tout simplement les conflits armés leurs sont épargnés, et souhaitons durablement, depuis que l’Europe a commencé en 1954 à se construire sur des bases certes plus économiques qu’humaines, mais le résultat est là dont les jeunes générations ne sont peut être pas conscientes. Pour autant, d’année en d’année en année, la fracture sociale se creuse. Il ne s’agit pas tant d’un écart financier qui s’agrandit chômage ou pas, même si cette dimension ne peut pas être niée. Malheur surtout aux enfants dont les familles sont hors des réseaux qui font la richesse moderne ou dont les proches sont incapables d’user du système. La contre-preuve se trouve dans la réussite scolaire des enfants d’enseignants !
C’est un constat banal que de relever que la grande pauvreté se développe avec quelques deux millions d’enfants sur 13 qui vivent sous le seuil de pauvreté européen. C’est un autre constat banal qui découle du premier que de dire que d’entrée de jeu les chances ne sont pas égales. Tout simplement déjà dans l’espérance de vie. Accéder à la santé ce n’est pas seulement pouvoir voir un médecin ; c‘est encore avoir une certaine hygiène de vie, vivre dans un environnement d’une certaine qualité. C’est aussi tout simplement encore plus pour un enfant avoir un cadre de vie sécure, affectivement, mais aussi matériellement. Trop d’enfants en sont privés qui vivent dans des conditions précaires même si souvent les parents font tout pour camoufler au mieux une réalité difficile.
Plus que jamais avec la multiplication des moyens de communication ces inégalités de statut sautent aux yeux de chacun, et déjà des enfants. L’injustice est flagrante source de toutes les frustrations et révoltes, positives comme négatives.
Non seulement les injustices sont criantes, mais l’espoir de les réduire un jour n’éclate pas aux yeux ! Heureusement que tous ces enfants là ne réalisent pas combien est indécente l’attitude de ceux qui ont et rechignent à mettre au pot commun. Sans faire de la politique politicienne, comment ne pas être choqué quand ceux qui ont largement de quoi vivre, se loger, voyager, partir en vacances, dépenser sans réserves pour le simple plaisir, osent s’afficher leurs égoïsmes. Qu’on me démontre en quoi ils risquent d’être privés de quoi que ce soit qui leur soit indispensable ! Pendant ce temps-là le fossé social se creuse. Certains craignent ou espèrent une révolution ; plus sûrement c’est une société de tension permanente qui nous est promise si rien ne change.
Je suis incapable de dire si la machine économique française dans un univers mondialisé redémarrera en 2013 ouvrant de nouvelles possibilités de rééquilibrages sociaux. En revanche l’histoire démontre, y compris l’histoire récente avec notamment les exemples suédois et argentins, que nos pays ont des ressources humaines et matérielles qui peuvent leur permettre de nourrir leurs habitants.
La France, pour ne parler que d’elle, a connu d’autres moments difficiles ne fut-ce qu’au XX° siècle au lendemain des deux grands conflits mondiaux qui l’ont jetés plus bas que terre. Notre niveau de vie n’a strictement rien de comparable avec ce qu’il était dans les années 50 ! Je dis souvent en plaisantant que nos anciens ont su chasser les Allemands de Paris ; on saura surmonter la crise économique ! Là encore, par l‘instinct de survie des forces vives du pays et … quelques bonnes mesures publiques.
Plus que jamais il me semble que les jeunes de ce pays doivent être rassurés, non pas en niant les difficultés, mais en leur montrant qu’il y a toujours le soleil derrière des nuages. Sans les tromper il faut leur donner de l’espoir fondé sur des réalités. Plus que jamais il faut positiver ce qui le mérite. C’est le rôle des adultes, parents, et enseignants notamment qui environnent chaque enfant, mais c‘est aussi la responsabilité de la puissance publique et des media.
Il faut aussi, sinon en finir, du moins limiter l’effet de la spirale consumériste dans laquelle les enfants comme les adultes se sont inscrits avec les vêtements de marque et passant par les MP3, MP4, MP10 et autres portables ! La survie de la planète est ici un levier à utiliser dans la mobilisation des plus jeunes.
On peut donc souhaiter et vouloir qu’en 2013 notre pays, et pas seulement ses gouvernements, mais chacun d’entre nous, médias compris, ait le souci du qualitatif et pas seulement du quantitatif. Il ne s’agit pas de nier l’enjeu de l’emploi et du revenu, mais force est d’admettre qu’à court terme le gâteau ne grossira pas plus. Veillons donc à mieux le repartir ; veillons aussi à ne pas laisser se creuser le fossé entre ceux qui risquent le surplus et ceux qui n’ont pas accès au strict nécessaire.
Plus que jamais des politiques sociales s’imposent qui mobilisent professionnels et citoyens actifs, qui mobilisent de l’argent public, mais aussi de l’ingéniosité et de la solidarité.
La famille et l’enfance doivent être des objets explicites de politiques publiques. Il faut mieux identifier les compétences au sein de la sphère publique entre l’Etat et les collectivités locales. Des dynamiques transversales doivent être libérées comme 1982 avec les Opérations d’été en faveur des jeunes des cités où c’est moins l’argent frais versé au pot que le mandat politique qui a soulevé des montagnes. L’Etat, du gouvernement – un ministère de l’enfance est attendu – aux administrations centrales – une délégation interministérielle à l’enfance s’impose - doit se doter des instruments politiques et techniques nécessaires. Le parlement doit parachever la création des délégations à l’enfance dans chaque chambre. J’ose avancer que nous aurions besoin aujourd’hui d’un organisme public et pluri-partenarial de recherche et de vulgarisation des connaissances sur l’enfance et les politiques de l’enfance tel que François Mitterrand l’avait impulsé dans ses 110 propositions.
Mieux l’enfance doit être un point de référence de notre réflexion sociale. Il est révélateur que le débat dit « sur le mariage pour tous » ne tourne qu’autour du droit des homosexuels à adopter et du devenir de l’institution famille. Peu se préoccupent des enfants qu’on s’apprête à fabriquer pour satisfaire telle ou telle attente. Quelle régression ! Quand on ne prend pas prend en otage l’intérêt de l’enfant !. Dans le temps où l’on s’apprête à légiférer pour satisfaire quelques dizaines de milliers d’adultes, on néglige que plus d’un million d’enfants se trouve sans adultes de référence aux responsabilités nettement affirmées. Depuis 15 ans nous sommes nombreux à appeler à une loi qui clarifierait les responsabilités de ceux qui élèvent un enfant sans en être le père ou la mère. Et ce dans l’intérêt des enfants, mais aussi des beaux-pères ou belles-mères, parfois du même sexe que le parent « ‘gardien ». Pour éviter aussi ces enfants qui se retrouvent dans la toute-puissance faute d’avoir été protégés par un cadre rassurant.
Et que dire du sort fait aux familles roms ou aux enfants étrangers isolés mal-traités sur notre territoire faute de courage politique? Que dire de tous ces squats où pullulent nombre d’enfants dans des conditions de vie digne d’un pays en voie de développement ? Et que fait-on de plus pour combattre l’embrigadement de nombreux jeunes dans le business des quartiers dominés par le marché de la drogue ? les mafieux eux savent embaucher et donner du statut aux jeunes. Je n’évoque même pas la nécessité de permettre les compteurs à l’heure s’agissant de la justice pénale des mineurs mise à mal 10 ans durant par une politique à courte vue.
Dans cette période difficile économiquement difficile qui tend les rapports sociaux il faut plus que jamais retrouver du bien commun, du sens commun. Comme effectivement la volonté profonde de bouter les Allemands hors de France qui a permis de réunir dans le même combat des hommes et des femmes de sensibilités très différentes.
L’enfance et le sort des enfants de France peuvent être en 2013 - et au-delà – l’un de ces axes fédérateurs pour notre pays.
Nous n’avons pas à rougir des bases d’où nous partons. Les enfants y trouveront leurs comptes, mais les adultes également. Ainsi promouvoir les droits des enfants dans les établissements scolaires (par exemple la liberté d’expression à travers les fanzines et autres journaux) ne signifie pas donner aux élèves le pouvoir, mais rechercher des attitudes responsables. C’est le meilleur moyen de combattre la violence au sein de l’institution.
En 81, nous avons osé récréer un ministère de la famille. En 82, nous avons osé parler la maltraitance à enfants. En 2013, osons afficher l’enfance comme objet de politique publique. Un débat politique serait utile sur les termes d’une politique POUR promouvoir le bien-être des enfants.(2)
On propose de changer de posture : il ne s’agit pas d’être contre (contre la maltraitance à enfants, contre les pédophiles, contre la délinquance juvénile, contre les abandons d’enfants etc.), mais d’oser enfin avoir des utopies dont découleront des dynamiques. Quels projets a-t-on pour les enfants de ce pays ? Il s’agirait déjà de considérer l’enfant comme une personne et non pas comme un simple objet de désir, voire de plaisir ou comme une petite chose fragile qu’il convient de protéger par compassion. Tout un programme … à retrouver (3).
En 2013, je vous le dis, osons l’enfance !
(1) L’Institut de l’enfance et de la famille, établissement créé en 1984, avant d’être supprimé dans les années 95 par étroitesse d’esprit
(2) C’est la démarche que nous avons avancé dès 2008 à travers un argumentaire pour une loi POUR promouvoir le bien-être des enfants préparé par DEI-France. Document réactualisé en 2012 et tout à fait opérationnel.
(3) De Françoise Dolto à la Convention internationale sur les droits de l’enfant en passant par les travaux du Conseil d’Etat sous la plume de Paul Bouchet (1989) les lectures ne manquent pas