Lampedusa : Voyage au bout de l’horreur
Actualités du droit - Gilles Devers, 8/11/2013
La police de Palerme marque des points. Les enquêteurs sont en train de démonter les réseaux mafieux qui organisent les trafics vers Lampedusa. La Direction anti-mafia du Parquet fait un excellent travail, à nouveau, alors que c’est si difficile. De très grands pros. Enzo Nicoli, un officier de police, a été franc : « C’est l’une des rares fois où nous réussissons à arrêter un des chefs de ces organisations criminelles ».
L’enquête concerne la tragédie de début octobre, avec 366 morts, des misérables perdus car ils se trouvaient dans les cales. Juste après les évènements, la police avait arrêté le capitaine du bateau, un Tunisien de 35 ans. Deux autres de ces salopards, un Somalien et un Palestinien, ont été arrêtés hier. Des miliciens libyens sont impliqués. L’arrestation de ces crapules a été rendue possible grâce aux déclarations des survivants.
Les voyages sont encadrés par des miliciens armés, qui abusent de la vulnérabilité des victimes, et c’est l’horreur : enlèvement, rançon, incitation à l'immigration clandestine, traite de personnes et violences sexuelles...
Selon les témoignages de 8 rescapés, un groupe de 130 réfugiés, dont 20 femmes, a subi les pires sévices en juillet dernier avant d’embarquer pour l’Europe. Ils étaient reclus dans un « camp de concentration » à Sebha, dans le désert entre le Soudan et la Libye, a indiqué le procureur Maurizio Scalia.
La Repubblica cite le témoignage d’une jeune Erythréenne de 17 ans : « On nous a pris toutes nos affaires personnelles, y compris les téléphones portables. On était contraints de rester debout toute la journée. Ils nous ont obligés à regarder pendant que nos compagnons étaient torturés, avec des matraques ou des fils électriques ».
Ceux qui se rebellaient étaient attachés « à une corde qui reliait les jambes au cou, ce qui faisait que le moindre mouvement enclenchait un début d’étranglement », a-t-elle précisé.
Les aspirants au voyage étaient rançonnés – entre 3 300 et 3 500 dollars (2 470 à 2 600 euros) par personne – et les femmes qui ne pouvaient pas payer subissaient des violences physiques.
La jeune femme ajoute : « Un soir, un Somalien et deux de ses hommes m’ont contrainte à sortir. Après m’avoir jetée à terre, ils m’ont bloqué les bras et m’ont versé sur la tête de l’essence, ce qui m’a provoqué de fortes brûlures aux cheveux, au visage et aux yeux ». Puis l’un après l’autre, les trois hommes ont abusé d’elle.
Selon le procureur Scalia, « toutes les femmes du camp ont été violées par des Somaliens et des Libyens. Cela nous rappelle les pires moments de l’histoire humaine ».