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Le confinement c'est une vie !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 24/03/2020

Je mesure à quel point cette période éprouvante pour tant de Français ne m'a pas imposé un retour sur moi-même - la tarte à la crème de beaucoup de psychologues et de psychiatres aujourd'hui ! - car je m'étais jamais détourné de l'examen vigilant et souvent amer de mes tréfonds mais m'a confirmé que j'étais fait pour une existence en chambre avec quelques liens d'élection qui attendront la renaissance pour se poursuivre et s'approfondir. J'ai presque honte de cet aveu : le confinement c'est une vie !

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Il arrive que dans une quotidienneté tranquille on dise par plaisanterie : "c'est pas une vie" !

J'ose soutenir, par antiphrase, que le confinement c'est une vie !

Je n'aurais pas l'outrecuidance d'écrire un journal du confinement, comme celui de Marie Darrieussecq ou de Leïla Slimani, qui rendrait public chaque jour ce dont je peux jouir et bénéficier par rapport à tant d'autres. Mais en revanche un billet sur les ombres collectives, sociales et humaines du confinement et sa lumière intime, personnelle, pourquoi pas ?

Tous les soirs, alors que j'ai toujours détesté les rituels obligatoires et démagogiques, je suis à ma fenêtre à 20 heures et j'applaudis du fond du coeur le personnel médical, médecins, infirmiers, soignants, tous ceux auxquels l'irremplaçable Jean-Jacques Goldman a magnifiquement rendu hommage en détournant le texte de l'une de ses plus belles chansons. J'ai conscience que mon geste est dérisoire mais je l'accomplis puisqu'on m'a assuré que tous ces héros du quotidien, quelle que soit leur fonction, y étaient sensibles (Huffington Post).

Mes applaudissements ne m'empêchent pas de prendre de plein fouet, comme tous mes concitoyens, les tragédies qui ne cessent de s'amplifier, cette multitude de morts dans une quasi-solitude à l'hôpital ou dans les EHPAD, ces malades dans un état grave et qui pour certains heureusement seront sauvés, mais aussi ces personnes en bonne santé, jeunes ou moins jeunes, qui sortiront de l'hôpital guéries.

Cette compassion, pour paraître abstraite puisqu'on ne connaît pas les êtres qui disparaissent, souffrent et espèrent, n'en est pas moins tout à fait authentique parce que même le coeur le plus sec a le désir d'apporter à toutes ces détresses familiales la chaleur d'une pensée, la ferveur d'une compassion pour les faire sortir des statistiques et les faire revenir dans l'humain.

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Je tenais à ces précautions pour ne pas encourir le reproche d'indélicatesse au sujet de ce post. Car je n'ai jamais mieux ressenti qu'au cours de cette dramatique période à quel point l'inégalité frappait et comme elle rendait plus que supportables certaines existences quand elle en dégradait, brisait d'autres.

Comme elle contraignait presque à sortir de chez soi en certains lieux malgré les interdictions légitimes formulées, et comme au contraire elle confirmait le cocon d'habitations, d'appartements véritables havres de tranquillité et opportunités bénéfiques quoique contraintes.

Comment aussi passer sous silence la chance inouïe de pouvoir continuer à travailler à domicile, pour moi chaque soir aux Vraies Voix et à la matinale du vendredi grâce à la formidable inventivité de Sud Radio, et par FaceTime pour l'Heure des pros sur CNews ? Ce maintien des obligations professionnelles, et en sûreté, donne une vigueur inestimable et suscite un contentement dont à chaque seconde, par comparaison, on mesure le privilège.

En ayant pu même m'offrir le luxe de proposer 30 minutes de formation gratuite par téléphone, chaque matin, au nom de mon Institut de la parole : une générosité qui ne coûte rien est un bonheur de l'âme et une pièce toute petite dans le dispositif de solidarité.

Ce confinement qui autorise quelqu'un de pas très doué pour la vie sociale et les relations non sincèrement et authentiquement choisies, à tenter de penser, à s'abandonner à l'écriture et à la lecture, à multiplier des billets, à écouter de la musique, à voir des films, à transmettre la parole est bienfaisant - activités qui dans tous les cas ont constitué le socle irremplaçable de ma félicité au quotidien ; pour ne pas évoquer la richesse du plus intime.

Je mesure à quel point cette période éprouvante pour tant de Français ne m'a pas imposé un retour sur moi-même - la tarte à la crème de beaucoup de psychologues aujourd'hui ! - car je ne m'étais jamais détourné de l'examen vigilant et souvent amer de mes tréfonds mais m'a confirmé que j'étais fait pour une existence en chambre avec quelques liens d'élection qui attendront la renaissance pour se poursuivre et s'approfondir.

J'ai presque honte de cet aveu : le confinement c'est une vie !


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