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Les pratiques commerciales déloyales , la fin de l’interdiction de la revente à perte ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Claire Bonfante, 17/05/2013

Selon la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), les Etats membres ne peuvent pas prohiber par principe la pratique commerciale de revente à perte, dès lors, du moins, que le texte de loi édictant cette interdiction entre dans le champ d’application de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.
Dans une ordonnance du 7 mars 2013 ( CJUE 7 mars 2013 C-343/12, 6ème ch. « Euronics Belgium CVBA c/ Kamera Express BV, Kamera Express Belgium BVBA » ) , la CJUE s’est prononcée sur la compatibilité d’une législation belge interdisant par principe la pratique de la revente à perte (article 101, paragraphe 1, alinéa 1 de la loi belge du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur ; ci-après désignée la « LPPC ») à la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (ci-après désignée la « Directive »).

A cet effet, la CJUE a opéré un raisonnement en deux temps :

1. La LPPC entre-t-elle dans le champ d’application de la Directive ?

La CJUE rappelle, en effet, que la Directive a pour objet de rapprocher les législations des Etats membres relatives aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs.

Elle en déduit que, afin de pouvoir se prononcer, elle doit préalablement déterminer si l’article 101 de la LPPC poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs.

Sur ce point, la CJUE reprend l’analyse qui a été faite par la juridiction belge de première instance dans le cadre de sa décision de renvoi, laquelle a précisé que l’article 101 de la LPPC peut avoir une incidence sur les relations entre les opérateurs économiques, mais qu’il a pour objectif premier de protéger les consommateurs.

La LPPC relève donc, selon la CJUE, du champ d’application de la Directive.

2. La pratique de la revente à perte est-elle prohibée par la Directive ?

La CJUE rappelle que l’annexe I de la Directive liste, de façon exhaustive, les pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, lesquelles peuvent seules être prohibées par principe par les législations des Etats membres.


La pratique commerciale de revente à perte n’étant pas visée à l’annexe I, la CJUE en déduit que celle-ci ne peut faire l’objet d’une interdiction de principe par le législateur des Etats Membres, et que seule une analyse au cas par cas effectuée par les juges permettra de déterminer si l’opération commerciale en cause revêt ou non un caractère déloyal au regard des critères établis par l’article 5 de la Directive.

La CJUE reprend ainsi le raisonnement qu’elle avait déjà suivi dans ses décisions datant du 23 avril 2009 ( Arrêts C-261/07 et C-299/07 du 23 avril 2009, « VTB-VAB NV c/ Total Belgium » et « Galatea c/ Sanoma Magazines Belgium » ) concernant la compatibilité du droit belge au regard de la Directive, lequel interdisait sauf exceptions, les ventes subordonnées et les ventes avec primes. ( cf Les pratiques commerciales déloyales - C. Bonfante )

Cette décision pourrait donc avoir une incidence sur l’article L. 442-2 du code de commerce français qui interdit par principe, à l’instar du droit belge, la pratique de la revente à perte, ainsi que la publicité y afférente, laquelle interdiction est assortie d’une sanction pénale.

Cependant, il pourrait être invoqué que ce texte de loi, inséré dans le code de commerce, a pour finalité première de préserver les intérêts des opérateurs économiques en situation de concurrence, et non d’assurer la protection des consommateurs ; dès lors, l’article L. 442-2 du code de commerce français ne relèverait pas du champ d’application de la Directive et le raisonnement de la CJUE susvisé ne pourrait s’appliquer.






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