L’homoparentalité en campagne (452)
Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 14/02/2012
Indéniablement de plus en plus d'enfants sont élevés par des adultes du même sexe. Tout logiquement, depuis une ou deux décennies, les personnes homosexuelles revendiquent haut et fort d’être reconnues socialement, et donc juridiquement, comme capables d’élever des enfants. Et ajoutons, pour couper court à tout faux débat, qu'elles le sont.
Mieux, nombre exigent le droit d’être parents, soit par l’adoption classique d’un enfant délaissé, soit par la combinaison du recours aux procréations assistées avec donneur et l’adoption.
Le débat est ouvert. Nul n'ignore aujourd'hui que François Hollande, parmi d'autres, s'est prononcé tant pour le mariage homosexuel que pour l'adoption d'enfants par des coupkes homosexuels ; en revanche, après avoir donné le sentiment d'être favorable, le président sortant-candidat prochain s'y est radicalement déclaré opposé au point de satisfaire Chrintine Boutin qui se "désiste" en sa faveur.
En tout état de cause, par-delà le positionnement clientéliste, ce dossier devient rapidement polémique dans la mesure où se jouent de nombreuses représentations de la famille, sinon des droits de chacun : droit à un enfant ou droit de l’enfant à des parents.
Il n’est donc pas choquant que dans une approche objective du fait familial, avec le souci d’amener les lycéens à réfléchir et à s’interroger, l’Education nationale ait souhaité ne pas passer à côté de cette nouvelle dimension en décidant qu'à partir de septembre 2012 les familles homoparentales seraient étudiées dans les classes de terminales littéraires dans tous les lycées français. (voir mon post 437)
Un fait existe et tout logiquement il appelle à ce que le droit se positionne : légal ou pas légal ? Et bien évidemment, sur ce sujet comme sur d’autres, le sens de l’histoire va dans la reconnaissance de nouvelles libertés. Une dimension moderne essentielle veut en outre que l’on se nourrisse de qui se décide dans des pays voisins. Or certains pays sont ici bien « en avance » sur nous.
Les lois sur la bioéthique n’ont sûrement pas consacré les avancées que certains attendaient. Ainsi l’accès à la procréation assistée reste réservée aux couples hétérosexuels, mariés ou non, ayant une projet d’enfant, mais pas aux couples homosexuels.
Plus largement notre droit ne consacre pas le droit à l’enfant et certainement pas le droit à adopter que revendiquent les couples homosexuels. La Cour de cassation reste ferme sur les principes. Ainsi récemment elle a refusé que puissent être inscrits à l’état-civil français des enfants conçus à l’étranger à à l’initiative de couples homosexuels qui entendaient forcer la main aux autorités françaises au nom de l’intérêt des enfants ainsi conçus.
Pour autant, par une stratégie de petits pas, procédure judiciaire après procédure, des décisions interviennent qui consacrent une certaine reconnaissance de l’homoparentalité. Il y a quelques jours encore une juge aux affaires familiales de Bayonne n’est-elle pas venue reconnaître l’exercice conjoint de l’autorité parentale entre deux femmes homosexuelles pacsées, la mère biologique et juridique acceptant en l’espèce de partager avec sa compagne, dont les qualités humaines sont unanimement saluées, ses droits sur son enfant.
Et pourquoi pas ! Je le repète, des personnes se revendiquant comme homosexuelles peuvent élever dans de bonnes conditions des enfants. Elles peuvent apporter protection, affection, stabilité, cadrage, etc. bref tout ce que l’on souhaite pour un enfant dans les standards occidentaux modernes. Donc tout logiquement, des juges en font le constat et l’actent juridiquement sachant que notre droit ne s’oppose pas à ce qu’une personne qui n’est pas le parent biologique se voit dotée - sans que rien soit définitif- d’attributs de l’autorité parentale. Un juge se prononce, sous couvert d’appel, après que le procureur de la République ait donné son avis.
Peut être faudrait-il que notre droit soit moins restrictif ; en tout cas, il se s'oppose pas à cette co-responsabilité qui répond à une realité. En tout cas, il serait souhaitable qu’il vienne donner un statut aux tierces personnes, quel que soit leur sexe, qui élèvent un enfant sans être pour autant leur géniteur. C’est la question des beaux pères et des belles-mères. Et pourquoi pas, du compagnon ou de la compagne du même sexe du géniteur qui vit avec les enfants.
Il ne s’agit pas de donner à celui-là autre chose que le pouvoir de décider des actes de la vie courante. Sans concurrencer l’autre parent biologique, le père ou la mère juridique.
Ce statut du tiers pour lequel nous militons depuis trois décennies au moins est toujours en suspend – le chef de l’Etat s’était engagé à le faire voter. Constatons que le projet Morano, au demeurant contestable quand il laisse les parents libres de décider des pouvoirs des beaux-parents quand il faudrait que la loi impose à tous les enfants de France d’obéir à l’adulte avec lequel ils vivent -, n'aura pas vu le jour durant ce quinquennat (voir mes posts sur le sujet).
Ainsi, il ne s’agit pas qu’un enfant puisse avoir deux pères ou deux mères égaux en droit. Dans notre culture juridique on a au mieux un père et une mère qui plus est aujourd'hui, après une longue lutte, égaux en droit. Certes par l’adoption simple on peut avoir deux filiations paternelles ou maternelles dans l'hypothèse où les parents biologiques sont vivants, mais ce filiations ne sont pas égales: l’adoptant ou les adoptants exerce(nt) les droits d’autorité parentale. Il(s) peu(ven)t même donner son (leur) nom à l’enfant, mais la filiation première subsiste.
Tout logiquement la Cour de cassation et le législateur refugié derrière la cour suprême pour ne choquer personne tiennent encore – et à juste titre – à ce qu’un enfant ait au plus une filiation paternelle et une filiation maternelle en référence un peu à l’ordre naturel des choses. En revanche, force est de cnstater que rien n'oblige des parents à établir leur filiation avec un enfant, donc des enfants peuvent être sans filiation du fait du bon vouloir de leurs géniteurs !
Cette position qui permet légalement d'élever un enfant ne satisfait pas les couples homosexuels pour qui l’homoparentalité va jusqu’à la reconnaissance de la filiation sur l'enfant des deux membres du couple par-delà l’exercice des attributs de l’autorité parentale. L’enfant aurait deux pères ou deux mères, et trois s’il y a eu adoption simple. Il suffirait que deux personnes se présentent à la mairie pour reconnaitre un enfant, peu importe qu’ils soient du même sexe !
Instinctivement le corps social n’accepte pas majoritairement de décrocher de la filiation maternelle et de la filiation paternelle. Sans doute un reste d’influence judéo-chrétienne ! Sans doute aussi parce que chacun se dit que si l’on ouvre la boite de pandore en permettant à chacun de faire ce qui lui plait quand il lui plait, c’est la déconstruction du système de filiation et donc de référence qui s’engagera. Plus aucune limite ne pourra être posée. Ainsi quid de l'interdit de l’inceste ?
Benoîtement pour illustrer le propos et faire sourire, pourquoi, si l’on décroche d’une référence paternelle et d’une référence maternelle, se contentrer de deux filiaitons ? Pourquoi trois ou quatre bons amis, équilibrés et s'aipmant à la vie à la mort, ne pourraient-ils pas décider, avec la caution de la loi d’être parents ensemble d' un ou plusieurs enfant ?
Ils seraient co-parents à égalité sans référence à leur sexe. On peut bien acheter un appartement à plusieurs, pourquoi ne pas être parents à plusieurs ? Au nom de quoi interdire à ces gens bien, débordants d’amour, s’aimant et soucieux d’aimer pleinement un enfant , de former un tel projet ?
En d’autres termes, oui à la reconnaissance de responsabilités partagées entre personnes y compris du même sexe élevant un enfant, mais ne touchons pas au fait qu’un enfant ne puisse avoir qu’un père et qu’une mère légaux.
En toute hypothèse de telles évolutions méritent reflexion et déjà l’affirmation de points de repères pour poser le débat. Ainsi j’entends que l’on mette en évidence le droit de tout un chacun à un enfant. Reste à savoir comment on peut « gager » ce droit. Car reconnaitre un droit sans qu’il puisse s’exercer est une escroquerie ! Mais plus important et pour le coup concrétisable est l’affirmation du droit de tout enfant, y compris porteur de handicaps, à des parents qui l’élèvent comme tel. La société peut gager ce droit là ; pas le premier.
Se battre pour les libertés ne signifie pas accepter n’importe quelle évolution au nom du fait qu’il s’agit d’une innovation. Encore moins si pour satisfaire certains on déconstruit tout un système majeur pour une société comme l'est la filiation.
PS. Où il est demontré que les debats de société traversent les champs politiques. Mon positionnement n'est pas référé à une quelconque approche religieuse ; je reste convaincu qu'un enfant n'est pas un objet qui appartiendrait aux adultes. J'entends le désir des adultes; je privilégie le souci des enfants et tel me paraît devoir être la responsabilité des pouvoirs publics