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Vu de ma selle

Zythom - Blog d'un informaticien expert judiciaire - Zythom, 29/08/2012

J'ai participé ce week-end aux 24h du Mans vélo.
C'est dur, très dur même, surtout pour un débutant comme moi.

Et pourtant, c'est une expérience extraordinaire.

Revenons un peu en arrière dans le temps. Mon beau-frère, passionné de vélo et pratiquant ce sport à un niveau plutôt haut, recrute autour de lui pour constituer une équipe pour les 24h du Mans vélo. Cette compétition admet plusieurs sortes d'équipes: les équipes de 8, de 6, de 4 et de 2. Il est également possible de s'engager seul, ce qui a été le cas du vétéran de l'épreuve, un jeune homme de 83 ans!

Lorsque mon beau-frère m'a contacté, j'ai poliment refusé. Prendre deux fois par jour son vélo pour aller travailler, à raison de 16 km par jour, ne représente pas un entraînement suffisant pour faire une compétition.

Mais il lui manquait un huitième participant pour inscrire son équipe, et il me promettait qu'il ne me tiendrait pas rigueur de la faiblesse de mon niveau dans ce sport. J'ai donc accepté.

Ma première inquiétude est venu lors de l'examen médical avec mon médecin référent et néanmoins ami. Son air surpris et ses questions inquiètes m'ont mis la puce à l'oreille. "Non, mais sans blague, tu vas VRAIMENT participer à une course de vélo de 24h?!". Mon état de santé étant malgré tout encore bon, il signa à regret un certificat d'aptitude à la compétition sportive.

Ma deuxième inquiétude est venue du fait que mon beau-frère (et coach) m'a prévenu qu'il fallait que je trouve un vélo pour cette compétition.

"Mais mon vélo de ville ne suffit pas?"
"Non, mais tu rigoles! Avec tes sacoches, tes trois vitesses et un poids de 15 kg... Non, non, il te faut un vélo de compétition. Je vois avec les six autres participants s'ils peuvent te prêter un vélo."

Après quelques échanges, l'un des participants accepte de partager son vélo avec moi. Il suffira juste qu'on ne fasse pas de relais ensemble, pour avoir le temps de modifier les réglages, en particulier de la hauteur de selle.

Ma troisième source d'inquiétude est venue lorsqu'autour de la table, pendant une réunion préparatoire à l'épreuve, les membres de l'équipe ont commencé à parler de pulsations cardiaques.

"Oui, moi dans la montée du col du Ventoux, mon cardio ne monte pas à plus de 160."
"Ah bon, moi j'ai du mal à dépasser les 150"
Moi: "mais c'est quoi un cardio?"
Tous en chœur: "un appareil à mesurer les pulsations du cœur!!"

Me voici donc en train d'arpenter les rayons de Décathlon à la recherche d'un cardiofréquencemètre pour vélo. Je tombe sur un vendeur connaissant bien l'univers du vélo et à qui j'explique mon problème. Il me trouve un cardio adapté à mon besoin, mais semble affolé par ma démarche:
"Vous n'êtes jamais monté sur un vélo de course?"
"Non."
"Mais vous savez si les pédales sont de type automatique?"
"Oui, d'ailleurs mon copain m'a demandé d'acheter des chaussures avec des cales. Regardez, il m'a envoyé des photos sur mon téléphone."
"Oui, ok je vois, on en a en rayon. Mais, vous n'allez pas les essayer avant la compétition?"
"Non, car je découvrirai le vélo samedi prochain, pendant la compétition"
"Ah, parce qu'en plus la compétition à lieu samedi prochain!!??"

Sur les conseils éclairés (et inquiets) du vendeur, je suis donc ressorti de chez Décathlon avec:
- un cardiofréquencemètre (Polar CS100), 
- un cuissard renforcé spécial fesses sensibles,
- une paire de chaussures avec des cales pour pédales automatiques,
- et une paire de pédale automatique à mettre sur mon vélo de ville pour m'exercer toute la semaine.

Je suis donc aller travailler plusieurs fois avec mon vélo de ville transformé en vélo de compétition, manquant me casser la figure à chaque arrêt, pour cause de pieds attachés aux pédales. J'ai ainsi appris à retirer d'un coup sec les cales des pédales automatiques, et à ramasser sur la route mon cardiofréquencemètre malencontreusement déclipsé en appuyant sur les touches tout en pédalant...

Quelques jours plus tard, je retrouve mes amis sur le circuit des 24h du Mans vélo, le circuit Bugatti.

Mon ami me prête son vélo, je fais quelques tours de roue pour comprendre le fonctionnement du guidon, des vitesses, des pédales et tester l'inconfort de la selle. C'est la première fois que je m'assois sur un vélo de compétition.

Samedi 15h: départ de la course.
Je suis debout sur le muret des stands avec le reste de l'équipe pour encourager le premier de notre groupe à prendre la piste (et le départ façon "Le Mans"). Le départ se déroule dans une ambiance électrique, tant la tension est forte sur les coureurs.

Les tours se succèdent, puis le premier relais.
Je commence à stresser puisque je suis le troisième coureur.
Il est 17h30, c'est mon tour.
Je suis sur la piste des stands, mon prédécesseur me transmet la puce de chronométrage, je l'attache à la cheville, je clipse mes pieds sur les pédales. C'est parti !

Le circuit Bugatti fait 4,185 km. Il possède une montée de 600 m de 3,5% à 7%, et une descente de 1000 m à 2%. Sa coupe topographique est disponible ici.

Je pars sur un train d'enfer, réalisant un temps qui restera la référence dans l'équipe jusqu'à l'entrée en piste des vrais sportifs (dont mon beau-frère). Évidement, je m'épuise vite et mes chronos augmentent sensiblement à chaque tour. Le vent est terrible, avec des rafales à 30km/h. Mon cardio indique 170, je suis dans le rouge. Le coach avance mon relais avant que je n'arrive à des temps où j'irais plus vite à pied...  J'ai tenu jusqu'à 19h, soit 1h30 de course, 9 tours soit 37,7km sans être trop ridicule.

Mais je termine hagard et avec un mal au c*l terrible, malgré mon cuissard à couche intégrée...

J'encourage ensuite le reste de l'équipe, à chaque relais et j'attends avec un peu d'appréhension le deuxième relais que je dois faire, celui de 3h du matin...

Dimanche 3h du matin: dernier relais pour moi.
Je n'ai pas dormi. Je remonte sur le vélo et donne tout ce que j'ai pendant une heure. Une des heures les plus longues depuis longtemps. C'est la première fois que je roule sur un circuit de compétition la nuit. Le vent est tombé, mais j'ai appris à essayer de prendre la roue d'un coureur. C'est difficile et je suis souvent trop loin, trop à droite ou trop à gauche. Sans compter les virages.
Je suis doublé par des pelotons TGV qui m'évitent avec grâce.
Je peine à suivre des coureurs qui font les 24h en solo...
Je prends quand même un réel plaisir à foncer dans la descente, à gérer les trajectoires dans les virages, à faire l'effort d'attraper un groupe pour m'y abriter. Malgré mon niveau, je cherche la vitesse.

Le vélo de compétition, c'est magique!

Mais encore une fois, j'ai du mal à gérer l'effort, j'en fait trop dans les premiers tours. J'ai beaucoup de mal aussi à gérer la douleur, je suis trop douillet. Comme je n'arrive pas à "faire la danseuse" sur le vélo par peur de tomber (pieds attachés, toussa...), j'ai très mal aux fesses...
Je passe le relais à 4h du matin, épuisé.
6 tours en une heure, soit 25,11 km.
Je pars me coucher pour une toute petite nuit.

Dimanche 15h: l'arrivée.
C'est à la fois une satisfaction de voir mon beau-frère franchir la ligne d'arrivée sans encombre, de savoir que nous avons tous contribué à arriver jusqu'au bout sans casse. Mais c'est aussi un soulagement, car nous allons pouvoir rentrer et DORMIR.

Nous ne sommes pas arrivés les derniers de notre catégorie, grâce aux deux "gros bras" de l'équipe et notre classement au général est plutôt flatteur pour mon niveau (nous sommes dans les 5/6e), même s'il est vrai que ce sont surtout des "solos" derrière nous.

J'ai pris un réel plaisir à participer à une vraie compétition cycliste, à côtoyer des professionnels du vélo. Même si c'est très impressionnant de les voir me doubler à vive allure et à quelques cm de mon guidon.

Je ne suis pas devenu un passionné de vélo plus qu'avant, mais je comprends mieux maintenant les efforts que ce sport demande.

Et j'en ai appris un peu plus sur mes limites.


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