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La question de la conventionnalité du barème d’indemnisation prud’homale instauré par les ordonnances Macron de 2017 divise les Conseils de prud’hommes

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick berjaud, Elena Blot, 3/01/2019

Par jugement du 26 septembre 2018 (1) , le Conseil de prud’hommes du Mans avait rejeté les arguments du demandeur qui soulevait l’inconventionnalité du barème encadrant l’indemnité allouée en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.
Cette fois, c’est devant le Conseil de prud’hommes de Troyes que l’inconventionnalité a été soulevée . (2)

Se basant sur la même argumentation juridique, le demandeur soutenait que cet encadrement des indemnités prud’homales allouées en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse devait être considéré comme contraire à :

- L’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 ;
- L’article 10 de la convention n°158 de l’OIT.

Le jugement du 13 décembre 2018 s’oppose à celui du Conseil de prud’hommes du Mans sur deux points essentiels.

Tout d’abord, le Conseil de prud’hommes de Troyes a jugé que l’article 24 de la Charte sociale européenne était d’applicabilité directe par les justiciables.

Le conseil s’est notamment appuyé sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui considère que les dispositions de la Charte sociale européenne sont directement recevables devant lui, ainsi que sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui a reconnu l’applicabilité directe des articles 5 et 6 de cette même Charte dans de nombreuses décisions.

De plus, là où le Conseil de prud’hommes du Mans avait estimé que le barème Macron n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT puisqu’il est assorti de garanties suffisantes, la juridiction prud’homale de Troyes a au contraire jugé que :

« L’article L.1235-3 du code du travail, en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi.

De plus, ces barèmes ne permettent pas d’être dissuasif pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié. Ces barèmes sécurisent d’avantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables.

Les barèmes prévus à l’article L.1235-3 du code du travail sont donc inconventionnels. »

Le Conseil de prud’hommes de Troyes prend une position parfaitement opposée à celle du Conseil de prud’hommes du Mans, provoquant ainsi une division entre les juridictions prud’homales sur cette question de la conventionalité de l’article L.1235-3 du code du travail.

Une décision de Cour d’appel sera donc la bienvenue, ainsi que de la Cour de cassation qui sera probablement amenée à trancher cette épineuse question.

(1) CPH du Mans, 26 septembre 2018, n°17/00538
(2) CPH de Troyes, 13 décembre 2018, n°18/00036 cf pièce jointe ci dessous


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