Notre-Dame, tenez bon !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 15/04/2019
Le coeur de la France brûle.
Immense tristesse, intense désespoir pour ceux qui croient, pour ceux qui ne croient pas.
Pour les Français et pour tous nos amis étrangers.
Le président de la République a raison : une part de nous meurt dans cet incendie dont on ne connaît pas encore les causes.
Au moment où je rédige ce billet, j'apprends que nos héroïques pompiers considèrent avec prudence avoir sauvé les tours et la structure et annoncent que le processus de refroidissement va commencer et qu'il durera plusieurs heures.
Les dégâts sont immenses.
On commencera à reconstruire comme il y a des siècles on a construit ce miracle d'édifice, de foi et de croyance en l'avenir.
Demain, plus tard, il sera temps de se pencher sur les raisons de circulation qui ont empêché par exemple les services d'arriver dans les meilleurs délais.
Il ne sera pas inutile non plus de s'interroger sur le dispositif mis en place pour protéger notre cathédrale.
Des travaux étaient effectués : départ des ouvriers à 17 heures 30 et alerte incendie à 18 heures 30. A 18 heures 50 : le feu.
Le président de la République qui devait intervenir solennellement à 20 heures durant vingt minutes, face à cette tragédie nationale à la fois sacrée et profane, a évidemment reporté son discours.
Sans prétendre exagérément interpréter les signes du destin ou ceux de la transcendance, je relève une nouvelle fois que l'union de notre pays se fera quelques heures, quelques jours à cause d'un désastre. Comme s'il nous fallait le pire, le comble de l'effroi - notre identité et notre Histoire s'en allant en fumée et en cendres - pour retrouver une harmonie si sombre et si sidérée.
Plus gravement, au moment même où l'espoir politique, la lutte partisane, les clivages et les antagonismes, les colères et le ressentiment battaient leur plein, où les Gilets jaunes prétendaient ne rien attendre, quand la République divisée se battait et s'opposait, je ne peux pas m'empêcher de voir comme un étrange signal, un avertissement incroyable, une incitation forte, dans cette dévastation qui, toutes tendances mêlées, nous rassemble, nous remet tendus vers le même désir - sauver Notre-Dame de Paris - alors que chacun, par ailleurs, a ses songes, ses hostilités et ses parti pris.
Cette journée épouvantable ne nous transmet-elle pas un message ? Qu'il y a une hiérarchie des malheurs, qu'on peut ne pas s'accorder sans se haïr et que sans doute la politique n'est pas tout. Qu'il faut également savoir se servir de la démocratie comme d'un remède plutôt que pour un excitant.
Je maintiens.
Un discours présidentiel annulé, le coeur de la France ravagé, meurtri mais sauvé. Une désunion qui a trop duré, une unité absolue.
Quelle est la leçon ?