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La primaire, oui, mais sans François Fillon après !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 4/08/2019

De grâce, gardons la primaire. Que chacun ait sa chance et que le meilleur l'emporte. Et qu'il le demeure.

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Ainsi Les Républicains (LR) ont l'intention de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Parce qu'il y a eu la défaite nette de la droite en 2017, il faudrait incriminer la primaire l'ayant précédée et qui avait consacré la victoire éclatante de François Fillon. Alors que, bousculant tous les pronostics, celui-ci avait dominé les débats de ces exercices bien plus démocratiques, au fond, que partisans.

Contrairement à ce que semblent estimer aujourd'hui la plupart des responsables de LR, dont tout récemment Christian Jacob, favori pour l'élection du mois d'octobre, le système de la primaire n'est pas coupable (JDD).

Mais ce qui l'a suivi.

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Certes François Fillon a commencé à flotter dès son triomphe acquis et à rendre difficile l'action de ses soutiens, certes le Canard enchaîné ne lui a pas laissé un délai de grâce mais l'a attaqué sans tarder, certes il a été massacré judiciairement par le PNF et l'instruction avec une étrange précipitation (je fais amende honorable pour ne l'avoir pas alors immédiatement dénoncée) qui a été purement conjoncturelle puisqu'ensuite, comme toujours, la Justice a pris son temps.

Il n'empêche que François Fillon a mis plus que du sien pour réduire à néant l'espérance qu'il avait fait naître et que sa troisième place au premier tour de l'élection présidentielle n'a pas constitué une totale surprise. Pour résumer, il avait été excellent durant la primaire mais médiocre après. Qui pouvait prévoir que cette victoire partisane - et cette déroute pour ses autres rivaux, notamment Alain Juppé et Nicolas Sarkozy - serait suivie par une telle chute personnelle et cet immense gâchis ?

Non, la primaire n'est pas coupable mais ceux, celui qui ont détruit l'avancée et le progrès qu'elle représentait. C'est une solution de facilité que de se tromper dans l'appréciation des responsabilités.

Qu'on veuille bien examiner au contraire ce que la primaire a permis.

D'abord, bien au-delà des militants et des sympathisants, une très vive appétence pour ces joutes télévisuelles qu'il a été de bon ton de critiquer mais qui ont justement permis à certains compétiteurs, surtout François Fillon, d'engranger grâce à leur attitude face à tel ou telle journaliste.

Ensuite, la surprise heureuse d'une totale remise à plat des statuts, des réputations et des prévisions. Ceux qui s'imaginaient installés ont été délogés. L'imprévisibilité a tué la convention.

Sans la primaire, avec un Alain Juppé qui s'imaginait déjà incontestable et vainqueur avant l'heure, aurait-on pu, de manière aussi nette, déceler ses limites avec cette densité roide qui, faisant illusion, lui donnait trop souvent l'excuse de ne savoir rien expliquer parce qu'il lui aurait suffi d'être suffisant ?

Sans la primaire, qui aurait accepté de soutenir que Nicolas Sarkozy aurait mieux fait de s'abstenir et perçu que son talent avait vieilli, qu'il n'était plus celui de la campagne de 2007, celui même de son mandat présidentiel mais celui d'une personnalité ne voulant pas quitter le jeu parce qu'elle se croyait encore indispensable à la droite ?

La primaire a constitué son chant du cygne politique même si aujourd'hui il se flatte d'être le "parrain" de son camp mais avec une complicité trouble, cependant, avec un président qui se régale de nouer des liens si républicains avec cet adversaire apparent !

Sans la primaire, l'intelligence de Bruno Le Maire - indéniable, il n'avait pas besoin de la vanter - et sa myriade de propositions et de mesures auraient-elles révélé leurs faiblesses en le conduisant, lui, à un score désastreux ?

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Surtout, sans la primaire, François Fillon n'aurait pas surgi, tel un miracle, pour une droite revigorée, restaurée et réaffirmée avec un courage intellectuel et une clarté impressionnante. Sans elle, qui aurait conçu une telle surprise possible, qui aurait parié sur cette personnalité qu'on croyait usée par cinq ans sous l'emprise de Nicolas Sarkozy mais qui au contraire a flamboyé à sa manière le temps médiatique qu'il fallait ?

Sans la primaire, en excluant tout ce qui a créé le désastre d'après et qui ne tient pas à la substance de cette dernière, aurait-on pu même deviner que sur un plan général, une droite fière et intelligente - ne s'excusant pas sans cesse de l'être - était opératoire et qu'elle entraînerait un tel plébiscite ?

Sans la primaire, malgré toutes les précautions qui sont prises pour éviter les candidatures intempestives, serait-on assuré de n'être pas privé de telle ou telle personnalité révélant soudain une maîtrise et une compétence que la normalité politique n'avait pas encore mises en lumière ?

Cette volonté partisane de jeter le bébé - la primaire - avec l'eau du bain a pour principal objectif, aussi dissimulé qu'il soit, de redonner une place centrale pour le choix du candidat à l'élection présidentielle aux jeux d'appareil, aux combinaisons et alliances tactiques et intéressées, en sortant peu ou prou le citoyen, directement engagé ou non, de cet intense moment démocratique.

Qu'on ne prétende pas que la primaire ne serait pas d'essence gaulliste parce qu'elle interdirait la confrontation d'un candidat libre avec le peuple ! Alors qu'il n'y a plus de De Gaulle et qu'on sait ce que vaut aujourd'hui cette prétendue spontanéité solitaire entourée par tant de précautions et de connivences préventives !

Le seul contre-exemple est celui d'Emmanuel Macron. Son élection a représenté un objet politique non identifiable. Il a remarquablement exploité un dégagisme surgi avant lui. Mais tout cela a fait long feu, l'ancien monde a si vite repris ses marques.

De grâce, gardons la primaire. Que chacun ait sa chance et que le meilleur l'emporte.

Et qu'il le demeure.


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