Le mariage gay d'un Marocain et d'un Français
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/10/2013
Le mariage pour tous,… c’était le mariage pour presque tous, car le ministère de la justice entendait préserver, au titre des bonnes relations entre Etats, la force de conventions bilatérales posant pour principe que la loi relative au mariage applicable est celle du pays d’origine… loi qui ne connait pas le mariage gay. En cause, onze Etats : Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Tunisie, Algérie, Laos et Cambodge.
Une fois la loi votée, le 23 avril, le ministère avait publié une circulaire, le 29 mai 2013, pour souligner que ces conventions internationales devaient être respectées. Ah, ah...
Alors, que vaut une circulaire ? Pas grand-chose… On passe son temps à le répéter, et en voici un bel exemple. Mais l’obstacle de ces conventions, lui, ne sera pas si simple à franchir.
L’affaire se jouait à Chambéry, avec la demande de mariage d’un Français et d’un Marocain. Dominique et Mohamed avaient fait les formalités, mais le procureur de la République a tout bloqué par une opposition à mariage. Là, c’est l’effet, le seul, de la circulaire : les consignes données par le ministère s’imposent par voie hiérarchique, et le Parquet étant sous l’autorité du garde des Sceaux, le procureur a appliqué la circulaire.
Les futurs époux ont alors formé un recours devant le tribunal de grande instance, et la, patatras… le tribunal a écarté et la loi, et la convention franco-marocaine.
Pour le tribunal de Chambéry, depuis la publication de la loi, « deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'Etat sur le territoire duquel elle a son domicile le permet ». Alors, la convention n’a pas disparu, mais ses dispositions ne peuvent pas être appliquées en droit interne si elles heurtent « l’ordre public international français ». En clair, le droit interne accepte de prendre en compte des dispositions de régimes juridiques étrangers, à condition de ne pas remettre en cause le cœur du système, ce fameux « ordre public international français »,... dont vous vous doutez bien que le contenu et les limites sont toujours l’objet de débats délicats.
Le tribunal a constaté que la loi avait posé un principe clair, sans exception, et que les exceptions prévues par une circulaire pouvaient circuler. La loi a donc « implicitement mais nécessairement modifié l'ordre public international français » et cela « justifie l'éviction de l'article 5 de la convention franco-marocaine ». Sous-entendu, le tribunal applique la loi, et il aurait statué différemment si la loi - toute orientée vers l'égalité - avait fait référence à ces conventions.
Le parquet peut faire appel, et on devait le savoir aujourd’hui. Le débat reste assez ouvert car ces conventions sont globalement appliquées. Elles ont une force supérieure à la loi, sous réserve de l'appréciation cet « ordre public international français », et pour ce faire, il faut aussi tenir compte d’autres textes internationaux, dont la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui interdit toute forme de discrimination. Pas simple…
Alors, appel ou pas appel ?
En toute logique, le parquet devait faire appel. S’abstenir, ce serait dire que la circulaire ministérielle ne vaut plus rien… et cet abandon en rase campagne serait de nature à fâcher les Etats en cause. Et puis, tôt ou tard, le problème réapparaîtra, alors il serait préférable que les recours soient formés, et bien sûr jusque devant la Cour de cassation, voire la Cour eulérienne des Droits de l’Homme.
L’autre solution, la plus nette, serait que le ministère des affaires étrangères prennent attache avec tous ces pays amis, pour leur expliquer que le mariage pour tous,... c’est pour tous ! Mais c’est bizarre, notre Fafa qui il y a quelques jours voulait partir en guerre contre le méchant dictateur, je le sens soudain un peu mou du genou pour ces histoires de cœur…