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Le président : pour l'Europe ou contre le RN ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 10/05/2019

Cette étrange attitude n'autorise-t-elle pas cette interrogation provocatrice ? Le président se bat-il plus contre le RN que contre l'Europe ? Avec sa tactique il risque de perdre sur les deux fronts.

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Mon alternative n'est pas de pure forme.

Après avoir entendu Nathalie Loiseau se vanter d'être un barrage contre l'extrême droite puis se taire après la polémique sur son affiliation étudiante, le président de la République a décidé de reprendre le flambeau mais il le fait d'une manière qui surprend comme s'il avait lui-même intégré la probabilité d'une défaite de la liste de LREM.

En effet, sinon, à quoi rimerait ce volontarisme affiché qui l'a conduit à déclarer : "je mettrai toute mon énergie pour que le RN ne soit pas en tête" ? Ajoutant que lui était "patriote français et européen" quand le RN était "nationaliste".

On avait bien compris que s'il ne joue pas absolument son avenir politique avec l'élection européenne du 26 mai, il y attache toutefois une importance considérable puisqu'elle sera un marqueur officiel de l'estime et de la confiance démocratiques qu'on lui porte, au-delà de la fronde durable des Gilets jaunes, qui peut laisser croire à une désaffection profonde alors qu'elle est seulement indicative et fragmentaire.

S'investissant dans la campagne européenne avec une implication qui n'a jamais été celle de ses prédécesseurs, quels qu'aient été les enjeux, il va naturellement être comptable d'une issue défavorable et, dans sa logique d'opposante principale et exclusivement ciblée, Marine Le Pen en tire cette conclusion "gaulliste" quand elle affirme que le président qualifié de "chef de parti", s'il est défait, devra partir.

Peut-on à la fois s'approprier une élection et ne pas assumer ses conséquences ? Cette question est une clause de style puisqu'on sait évidemment qu'Emmanuel Macron demeurera sans s'attarder sur sa légitimité qui sera encore davantage mise à mal au cas où sa liste serait à la deuxième place.

Je rejoins le président Larcher qui s'est étonné du véritable meeting qu'Emmanuel Macron a tenu en Roumanie. Comme si le président, perdant ses repères et gangrené par le doute, avait des comportements qui dérogeaient à ce que son esprit républicain lui aurait fait refuser hier (Le Figaro).

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Après avoir changé de ton sur la "lèpre" qu'auraient été certains populismes - autre nom pour des démocraties sans doute autoritaires mais validées par leur peuple - parce que le président s'était rendu compte qu'en ne cessant de les accabler, il leur donnait du lustre, Emmanuel Macron semble s'être rabattu sur notre "populisme" national que serait le RN.

Cette manoeuvre et cette insistance risquent d'être contre-productives.

D'abord l'élection européenne, avec son abstention probablement importante, est sans doute celle qui correspond le mieux à la dénonciation que le RN se plaît à formuler et à ressasser contre tous les dévoiements de l'esprit européen, selon lui, et à la dépossession qui en résulterait pour notre pays.

Ensuite nous ne sommes plus au second tour de l'élection présidentielle en 2017 et l'aura que diffusait alors le candidat Macron a été largement dégradée par le parcours contrasté du président durant ces deux premières années.

Enfin - c'est le plus important -, le président accentue ainsi une tendance fâcheuse de la politique française qui, tout en traitant avec un grand mépris républicain le RN et en tenant pour excessives ou indignes ses solutions, ne cesse de se situer par rapport à lui. Le RN n'a même plus besoin de prouver qu'il est le centre du débat public puisque ses adversaires le font pour lui. Il est dispensé d'avoir à imposer sa vision européenne puisque le président, s'il la récuse absolument, ne se fixe pour objectif que de la battre en brèche. Cette obsession, qui se souhaite belle et démocratique, a pour finalité perverse de projeter un encens paradoxal sur ce qu'on prétend combattre au premier chef.

Surtout Emmanuel Macron est-il si peu assuré de la cohérence et de la qualité de son propre projet, si peu confiant dans le soutien qu'il espère de ses alliés européens, qu'il se sente contraint, dans la campagne qui peine sur sa fin, de le reléguer au profit d'un combat singulier contre le RN ?

D'autant plus que le passé récent a été loin de démontrer une influence française déterminante sur ses partenaires européens, notamment l'Allemagne.

Cette étrange attitude n'autorise-t-elle pas cette interrogation provocatrice ?

Le président se bat-il plus contre le RN que contre l'Europe ?

Avec sa tactique il risque de perdre sur les deux fronts.


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