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Lanvin sans eau

Justice au singulier - philippe.bilger, 27/01/2013

Lanvin sans eau. Du pur Lanvin.

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Les opposants au mariage pour tous reçus heureusement, après beaucoup d'hésitation, par le président de la République dans "les communs" de l'Elysée tandis que le même accueillait, dans le salon des ambassadeurs, après un passage par la cour d'honneur, Florence Cassez et ses parents qui avaient droit à un apéritif avec le couple présidentiel (Le Parisien, jdd.fr).

On croit rêver.

Florence Cassez libérée certes mais, pour la France partagée à son sujet, c'est trop de la part de François Hollande nous ayant habitués à plus de républicaine et avisée retenue. Et c'est trop peu pour l'autre cause qui n'était défendue que par une marée humaine honorable et inquiète.

Il me semble que c'est la première indécence de François Hollande, sa première incontestable faute de goût.

L'état où je me trouve, encore tout étourdi par cette surenchère imprudente, me met à l'unisson du passionnant et discutable torrent verbal de Gérard Lanvin qui livre tout ce qu'il a sur le coeur et dans l'esprit (Le Figaro Magazine).

Depuis que Gérard Depardieu est venu occuper une place démesurée dans l'esprit public et l'espace politique, on dirait qu'il a ouvert la voie à une catégorie de personnalités en général peu désireuses de s'exprimer mais qui, à cause des circonstances particulières mêlant la défense d'un "monstre sacré" à la suspicion d'un pouvoir peu apprécié, ont décidé de faire entendre leur voix.

Elles ont du ton, du talent, de la force, de la verdeur et du courage. Il est clair qu'elles ne sont pas nombreuses mais que Gérard Lanvin, d'autant plus écouté, lu et percutant qu'il est rare, est sans doute la plus emblématique. Cet acteur fonde sa réputation sur la cohérence de ses rôles et surtout la coïncidence qu'il tient à assurer entre le profil et le tempérament de ses personnages et l'homme qu'il est, avec ses idées, ses détestations et ses affinités. Il est, sans le vouloir, le chef de file de ces imprécateurs qu'il arrive à l'actualité de faire surgir.

Il ne s'agit pas de le sanctifier parce que tout à coup, dans la tiédeur et la bienséance médiatiques, une parole plus rude, plus abrupte viendrait troubler le jeu et secouer le ronron.

Au cours de cette rencontre avec Clara Géliot, il profère aussi des banalités qui pourtant, parce que la communication du gouvernement socialiste est mal faite, paraissent pourfendre à juste titre des attitudes et des tendances controversées. Ainsi, souligner que "ce n'est pas parce qu'on réussit qu'on n'est pas un mec bien" ne constitue pas une originalité bouleversante mais, aujourd'hui, pare ce poncif d'un parfum sulfureux.

Gérard Lanvin, dans l'entraînement d'une colère de citoyen nourrie plus d'elle-même que de vérité factuelle, se trompe parfois à cause d'un extrémisme qui lui fait du bien mais s'égare. Je ne crois pas qu'on puisse prétendre que "si les gens quittent le territoire français, c'est parce qu'il n'y a plus de libertés ici". Ou, alors, Gérard Lanvin donne un sens tout particulier à "libertés"! La liberté d'attacher la France au cuir de son portefeuille ! Il en est d'autres plus fondamentales qui sont heureusement préservées.

Mais, à côté de propos convenus de soutien à Gérard Depardieu et d'amitiés un tantinet promotionnelles, quel plaisir d'entendre un acteur, contre l'adhésion filandreuse et molle de la plupart de ses collègues à la doxa de gauche, voire d'extrême gauche, qualifier brutalement, sans détour "Jean-Luc Mélenchon de surexcité notoire qui prône le désordre".

Surtout, là où Gérard Lanvin nous offre une lucidité rageuse et décapante de bon aloi, c'est dans l'affirmation qu'"à Paris, on s'affaire pour transformer les quais de Seine en plage mais on ne s'occupe pas des gens qui dorment dans la rue". Il touche juste en mettant en cause les absurdités festives quand les scandales de la misère sont éclatants. La modernité ridicule contre la solidarité nécessaire.

Ne nous leurrons pas. Si j'ai éprouvé le besoin de faire un sort à ce "coup de gueule" de Gérard Lanvin, c'est parce que l'époque est devenue très étique en matière de liberté d'expression. On ne peut négliger ce qui passe à portée de l'esprit et qui est comme un alcool fort au milieu de beaucoup de breuvages insipides. Il faut écouter ces dissidents du quotidien.

Lanvin sans eau. Du pur Lanvin.


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