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France Télévisions condamnée pour complicité de violation d'un réseau de distribution sélective

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - François Ponthieu, Claire Bonfante, 21/02/2014

La société COTY produit et commercialise des produits cosmétiques et de parfumerie de luxe, principalement sous licence, à destination de différents distributeurs, notamment en France et en Europe. En vue de préserver l’image de marque et de luxe attachée aux produits commercialisés sous ces marques, elle a organisé, en France et en Europe, la distribution de ses produits dans le cadre de réseaux de distribution sélective, au travers notamment de la conclusion d’un contrat de distributeur agréé.
Une certaine société MARVALE, de droit américain immatriculée dans l’Etat du Delaware, célèbre paradis fiscal dans lequel il est loisible à un non résident américain de domicilier sa société alors même que cette dernière a une activité à l’étranger, tel qu’en France, a violé le réseau de distribution sélective de COTY en proposant à la vente sur Internet des produits de COTY à des prix réduits jusqu’à 70%.

Ce site Internet avait même été présenté sur France 2 dans le cadre des émissions de télévision « Télé matin » et « C’est au programme ».

A la suite de ces deux émissions, dans lesquelles les mérites du site ont été très largement développés, le site a été saturé pendant plusieurs jours, et la plupart des produits de luxe commercialisés sont apparus comme étant indisponibles.

Or, la vente par des distributeurs non agréés, en parfaite connaissance de l’existence d’un réseau de distribution sélective, de produits protégés, sans justifier d’un accord du fabricant, est constitutive de faits de concurrence déloyale.

COTY a donc assigné MARVALE, mais aussi FRANCE TELEVISIONS qui, en vantant largement les mérites d’un site organisant des opérations illégales, a également commis une faute.

COTY a d’abord apporté la preuve de la validité de son réseau en produisant ses contrats de licences, mais aussi plusieurs copies de contrats de distributeur agréé signés désignant toutes les marques litigieuses qui ont été commercialisées sur le site.

On sait que le droit communautaire définit la distribution sélective comme :

« Un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés ».

La validité de principe des accords de distribution sélective a été consacrée par le règlement d’exemption de la Commission n°2790/99, et désormais par le Règlement CE n° 330/2010, à certaines conditions (qu’il est sans intérêt de reprendre ici).

Si les fautes imputables à MARVALE ont été assez simples à établir, MARVALE ayant à l’évidence violé le réseau de distribution sélective de COTY, il n’en était pas de même pour les fautes imputables à FRANCE TELEVISIONS, à laquelle étaient reprochées différentes pratiques illicites : notamment marques d’appel (dans un arrêt rendu le 19 mars 2008, la cour d’appel de Paris ( CA Paris RG 07/2506 ) rappelle que “la pratique dite de la marque d’appel est constituée lorsqu’un distributeur annonce à la vente des produits d’une marque alors qu’il en détient un nombre d’exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle, afin d’attirer cette dernière et de lui proposer des produits d’une autre marque” .), et faute de négligence pour avoir développé l’audience d’un site Internet illicite, ce qu’elle ne pouvait ignorer du fait de sa qualité de professionnelle et de de l’attention nécessaire qu’elle doit porter au respect à l’antenne des règles de droit.

Par jugement du 23 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a fait droit aux demandes de COTY et en conséquence condamné MARVALE et FRANCE TELEVISIONS aux mesures suivantes :

- paiement par Marvale de la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,
- paiement par FRANCE TELEVISIONS d’une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,
- diverses mesures de publications du jugement, notamment sur le site Internet de France Télévision sous astreinte de 500 € par jour de retard.

Cette décision est donc très intéressante, en ce qu’elle impose à tous les professionnels de la communication des obligations strictes avant la diffusion de leurs émissions.



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