Accords compétitivité emplois et projet de loi « Warsmann » : quel avenir pour le régime du temps de travail ?
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch et Weena Laigle, 14/02/2012
Le 29 janvier dernier, le Président de la République a annoncé la prochaine mise en œuvre des « accords compétitivité-emplois » inspirés du modèle allemand.
A ce titre, il a été laissé le soin aux partenaires sociaux d’en négocier les modalités dans un délai de 2 mois à compter du 17 février prochain, délai durant lequel le gouvernent s’est engagé à ne pas légiférer.
D’où l’ire des syndicats après le vote en seconde lecture par l'Assemblée Nationale le 31 janvier 2012, soit deux jours après l’annonce présidentielle, d'une disposition visant à imposer au salarié la mise en place de la "modulation" de la durée de travail.
En effet, les syndicats ont rapidement relevé qu’apparaissait d’ores et déjà une difficulté puisque l’article 40 du projet de loi déposé dès le 28 juillet 2011 plus communément dénommé, « projet de loi Warsmann », restreignait, selon eux, leur liberté de négociation.
Les syndicats exigent donc que ce projet de loi soit retiré.
Pourquoi une telle réaction ?
Cet article 40 interfère-t-il réellement sur le champ de négociation des accords compétitivité emploi ?
I. Accords compétitivité emploi : de quoi s’agit-il ?
Les accords compétitivité emplois autoriseraient les entreprises à augmenter la durée du travail des salariés au-delà de la durée légale sans majoration pour heures supplémentaires ou à l’inverse à diminuer leur durée du travail en diminuant corrélativement leur rémunération. En contrepartie, l’entreprise devrait prendre des engagements en termes de garantie d’emplois (sur un an ou plusieurs années) et de pérennité de l’activité.
II. Dans quelles conditions ces accords pourront-t-il être mis en œuvre ?
Selon les règles applicables à ce jour, ces accords, qui, selon une terminologie en vogue, sont qualifiés de « donnant-donnant », devront, pour être applicables, être signés :
- par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;
- et à l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli dans ce scrutin la majorité, ce qui signifie plus de 50 % des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants.
Il est à noter qu’étant donné la spécificité de ces accords et surtout des conséquences qu’ils emportent, certains auteurs *(1) suggèrent que soit fixée une majorité d’engagement renforcée à 50 % c'est-à-dire que pour être applicables ces accords devront être signés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés et vont même jusqu’à attribuer un droit de veto au comité d’entreprise (comme c’est d’ailleurs le cas en Allemagne).
*(1) J. Barthélémy & G. Cette in les Cahiers du DRH n°181 du 01/11/2011 Quelle articulation entre contrat de travail et accord collectif ?
- par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;
- et à l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli dans ce scrutin la majorité, ce qui signifie plus de 50 % des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants.
Il est à noter qu’étant donné la spécificité de ces accords et surtout des conséquences qu’ils emportent, certains auteurs *(1) suggèrent que soit fixée une majorité d’engagement renforcée à 50 % c'est-à-dire que pour être applicables ces accords devront être signés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés et vont même jusqu’à attribuer un droit de veto au comité d’entreprise (comme c’est d’ailleurs le cas en Allemagne).
*(1) J. Barthélémy & G. Cette in les Cahiers du DRH n°181 du 01/11/2011 Quelle articulation entre contrat de travail et accord collectif ?
III. Quelles sont les conséquences de ce type d’accord sur l’état actuel du droit du travail ?
Actuellement l’employeur ne peut imposer au salarié qu’une diminution de la durée du travail par accord collectif mais ne peut imposer de diminution corrélative de la rémunération (article L.1222-7 du code du travail).
De façon générale, la jurisprudence considère que toute modification portant sur un élément essentiel du contrat de travail (durée du travail et salaire notamment) est subordonnée à l’accord préalable du salarié.
Le salarié a donc un droit légitime à refuser la modification unilatérale de sa durée de travail et/ou de sa rémunération et ne peut être licencié pour ce refus (à la différence du changement de ses conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur).
La spécificité de ces accords compétitivité emploi tient dans le fait qu’une fois conclus, l’entreprise pourra imposer au salarié une hausse (sans augmentation de salaire) ou une baisse de la durée du travail (avec diminution de salaire) sans son accord, en contrepartie du maintien de son emploi sur une ou plusieurs années.
En d’autres termes, l’entreprise est autorisée à contourner (à tout le moins temporairement, si l’on se réfère au modèle allemand), les règles relatives à la durée du travail et à la modification du contrat de travail afin d’adapter sa production aux circonstances.
Les partenaires sociaux vont donc devoir déterminer non seulement si les modalités actuelles de négociation peuvent être retenues pour ce type d’accord mais aussi quel en sera le contenu a minima.
L’article 40 du projet loi de Warsmann vient-il interférer avec le champ de négociation des accords compétitivité emploi ?
De façon générale, la jurisprudence considère que toute modification portant sur un élément essentiel du contrat de travail (durée du travail et salaire notamment) est subordonnée à l’accord préalable du salarié.
Le salarié a donc un droit légitime à refuser la modification unilatérale de sa durée de travail et/ou de sa rémunération et ne peut être licencié pour ce refus (à la différence du changement de ses conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l’employeur).
La spécificité de ces accords compétitivité emploi tient dans le fait qu’une fois conclus, l’entreprise pourra imposer au salarié une hausse (sans augmentation de salaire) ou une baisse de la durée du travail (avec diminution de salaire) sans son accord, en contrepartie du maintien de son emploi sur une ou plusieurs années.
En d’autres termes, l’entreprise est autorisée à contourner (à tout le moins temporairement, si l’on se réfère au modèle allemand), les règles relatives à la durée du travail et à la modification du contrat de travail afin d’adapter sa production aux circonstances.
Les partenaires sociaux vont donc devoir déterminer non seulement si les modalités actuelles de négociation peuvent être retenues pour ce type d’accord mais aussi quel en sera le contenu a minima.
L’article 40 du projet loi de Warsmann vient-il interférer avec le champ de négociation des accords compétitivité emploi ?
IV. Que propose l’article 40 du projet de loi ?
Cet article vise à introduire une nouvelle disposition dans la partie du code du travail relative à la modulation du temps de travail (changement des horaires de travail sur tout ou partie de l’année).
L’entreprise serait autorisée, par accord collectif, à imposer au salarié une modulation de son temps de travail, c'est-à-dire à travailler tantôt 40 heures par semaine et tantôt 25 heures par semaine, de façon à ce que sur une semaine ou sur une année (suivant le cadre retenu dans l’accord d’entreprise pour la modulation), les périodes hautes et basses d’activité se compensent, de sorte qu’en principe, la durée du travail ne serait pas impactée.
L’entreprise serait autorisée, par accord collectif, à imposer au salarié une modulation de son temps de travail, c'est-à-dire à travailler tantôt 40 heures par semaine et tantôt 25 heures par semaine, de façon à ce que sur une semaine ou sur une année (suivant le cadre retenu dans l’accord d’entreprise pour la modulation), les périodes hautes et basses d’activité se compensent, de sorte qu’en principe, la durée du travail ne serait pas impactée.
V. Pourquoi cette proposition de loi alors que la modulation du temps de travail semblait ressortir des conditions de travail c'est-à-dire des thématiques non soumise à l’accord préalable du salarié ?
La jurisprudence considérait traditionnellement qu’une nouvelle répartition du travail sur la journée ne constituait pas une modification du contrat de travail , ce qui voulait dire que l’employeur, pouvait, en principe, changer les horaires sans l’accord préalable du salarié.
De même, la répartition sur la semaine pouvait également être modifiée sans que cela s’analyse nécessairement comme une modification d’un élément essentiel du contrat de travail. Ainsi, en l'absence de clause contractuelle excluant le travail du samedi, l'employeur pouvait contraindre le salarié à travailler le samedi.
La Cour de cassation a toutefois nuancé ces principes pour en revenir à l’accord préalable du salarié dès lors que ces
« changements » d’horaires ont un impact sur la vie personnelle du salarié.
Raison pour laquelle la Haute juridiction a jugé récemment que l’instauration d’une modulation du temps de travail constituait une modification du contrat de travail requérant en conséquence l’accord préalable du salarié.
En effet, même si cette variation des horaires de travail n’impacte pas la durée du travail, ce changement de rythme peut avoir des conséquences sur la vie personnelle du salarié.
C’est précisément pour mettre un coup d’arrêt à cette jurisprudence que, le projet de loi Warsmann précise, dans son article 40, que « la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail ».
En droit, le champ de la négociation qui va s’ouvrir sur les modalités de mise en œuvre des accords compétitivité emploi est objectivement bien plus large que celui visé par l’article 40 précité.
Les organisations syndicales contestent, néanmoins, sur le plan des principes, le maintien d’une disposition législative assouplissant l’organisation de la durée du travail, au moment précis où il leur est demandé d’ouvrir des négociations à ce sujet.
La première réunion entre les partenaires sociaux portant sur la négociation des accords compétitivité emploi devant avoir lieu le 17 février prochain, il est fort probable que les syndicats persistent à exiger le retrait de cet article 40 avant de commencer les négociations.
Rappelons que les sénateurs devront analyser ce projet de loi le 20 février prochain.
A suivre…
De même, la répartition sur la semaine pouvait également être modifiée sans que cela s’analyse nécessairement comme une modification d’un élément essentiel du contrat de travail. Ainsi, en l'absence de clause contractuelle excluant le travail du samedi, l'employeur pouvait contraindre le salarié à travailler le samedi.
La Cour de cassation a toutefois nuancé ces principes pour en revenir à l’accord préalable du salarié dès lors que ces
« changements » d’horaires ont un impact sur la vie personnelle du salarié.
Raison pour laquelle la Haute juridiction a jugé récemment que l’instauration d’une modulation du temps de travail constituait une modification du contrat de travail requérant en conséquence l’accord préalable du salarié.
En effet, même si cette variation des horaires de travail n’impacte pas la durée du travail, ce changement de rythme peut avoir des conséquences sur la vie personnelle du salarié.
C’est précisément pour mettre un coup d’arrêt à cette jurisprudence que, le projet de loi Warsmann précise, dans son article 40, que « la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail ».
En droit, le champ de la négociation qui va s’ouvrir sur les modalités de mise en œuvre des accords compétitivité emploi est objectivement bien plus large que celui visé par l’article 40 précité.
Les organisations syndicales contestent, néanmoins, sur le plan des principes, le maintien d’une disposition législative assouplissant l’organisation de la durée du travail, au moment précis où il leur est demandé d’ouvrir des négociations à ce sujet.
La première réunion entre les partenaires sociaux portant sur la négociation des accords compétitivité emploi devant avoir lieu le 17 février prochain, il est fort probable que les syndicats persistent à exiger le retrait de cet article 40 avant de commencer les négociations.
Rappelons que les sénateurs devront analyser ce projet de loi le 20 février prochain.
A suivre…