Sarko… Rêves d’argent, et réalité des dettes
Actualités du droit - Gilles Devers, 4/07/2013
Le Conseil constitutionnel, présidé par le vieux chiraquien Jean-Louis Debré, a donc épargné à nos finances publiques le paiement de 11 millions d’euros, en rejetant le compte de campagne de Sarko-le-Cramoisi. L’UMP va se débrouiller pour trouver les sous, mais sinon c’est pour la poche de Sarko : 150 conférences à 100 000 dollars, et en réalité le double car il faut inclure les charges et impôts. Sarko est tricard.
Allo, Roland Dumas?
Le compte de campagne de l’endetteur forcené avait été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), et Sarko avait fait appel. Le dépassement se situe à 2,1% du total autorisé, et l’UMP hurle que le Conseil aurait du être indulgent : sauf que la loi, votée par l’UMP, n’a pas prévu ce genre d’indulgence.
Le Conseil constitutionnel n’avait aucune marge de manœuvre, maintenant que l’on sait, grâce aux juges d’instruction, à quel point Dumas Roland avait magouillé pour valider le compte de campagne de Balladur de 1995, et alors que la justice enquête sur ce compte et celui de Sarko 2007. Le Conseil étant doté de l’instinct de survie, la surprise est du niveau zéro.
Ça, c’est la vision politique. Mais comme il s’agit aussi d’une décision de justice, il faut la lire pour apprécier s’il s’agit de l’application la loi, ou d’une injustice suprême propre à faire pleurer Monsieur La Plume (dans la pénombre).
La procédure
Le débat a été sérieux.
Après l’appel de Sarko-le-Cramoisi, la CNCCFP a remis six mémoires en défense, les 21 février, 9 et 30 avril, 29 mai, 4 et 11 juin 2013, et par Sarko-le-Cramoisi autant, les 20 mars, 19 avril, 24 mai, 4, 27 et 28 juin 2013. Soit deux mémoires après l’audience du 18 juin 2013 : le Conseil est trop bon.
Ne se satisfaisant pas de ces excellents écrits, le Conseil a fait sa petite enquête, et il a interrogé :
- Christian Frémont, ancien directeur du cabinet de Sarko-le-Cramoisi,
- Sylvie Hubac, directrice du cabinet de Sarko-le-Cramoisi,
- Bernard Carayon, maire de Lavaur,
- Jean-François Copé, président de l’UMP,
- Henri Proglio, président directeur général d'EDF (sûrement parce qu’il est au courant),
- Dominique Duhamel, président du directoire de la société Parc du Futuroscope,
- Hubert Falco, maire de Toulon,
- Pierre Giacometti, président de la SAS Giacometti-Péron,
- Patrick Buisson, président de la SARL Publi-Opinion, et conseiller de Sarko-le-Cramoisi,
- Jean-Marc Ayrault, directeur de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes
La méthode de jugement
Pour financer sa brillante défaite, Sarko-le-Cramoisi avait un budget d’un peu plus de 21 millions d’euros.
Pour savoir si le compte est bon, on applique les articles L. 52-12 et L. 52-4 du code électoral, et c’est assez simple : le compte de campagne doit retracer l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par le candidat ou pour son compte pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection. Donc, le juge procède à un pointage, ce n’est pas plus compliqué.
Ce qu’a jugé le Conseil constitutionnel
Le Conseil s’est tout d’abord montré critique vis-à-vis de la CNCCFP, réintégrant dans le compte de campagne quelques dépenses. Mon excellent confrère Philippe Blanchetier n’a pas plaidé pour rien… Ont été réintégrées des dépenses concernant des réunions publiques tenues par Monsieur La Plume (dans la profondeur des ténèbres), des frais d’impression d’un tract et une part minime des frais de sondages. S’agissant des déplacements présidentiels critiqués par le PS comme étant en fait des déplacements de la campagne électorale, le Conseil a été bienveillant pour la plupart, sauf pour le meeting de Toulon sur la sécurité, qui était totalement cornaqué par l’UMP.
En fait, tout s’est joué sur le meeting de Villepinte.
Le meeting de Villepinte du 11 mars 2012, lancement de la présidentielle, a coûté 3 042 355 euros. Or, Sarko-le-Cramoisi n’a inscrit à son compte de campagne que 1 538 037 euros, correspondant à 50,4 % de ce montant, le reste étant à la charge de l’UMP. Motif : le matin s’était tenu un conseil national extraordinaire de l’UMP consacré à la préparation des élections législatives.
Ouah, la blague… Ce conseil avait duré moins d’une heure et avait intéressé au maximum 5 000 personnes, alors que le meeting de l’après-midi, le show de Sarko et de Depardiou, avait réuni plus de 50 000 personnes. Assez rigolo pour justifier un partage par moitié, mais la suite est encore mieux.
Le Conseil a demandé à Sarko et à l’UMP de produire l’importante documentation liée la réunion du matin, mais il n’a été produit aucun document « établissant que les thèmes abordés et les interventions avaient alors trait aux élections législatives et non à l'élection présidentielle ». Et l’UMP a été dans l’impossibilité de justifier des dépenses de ce conseil national extraordinaire… Sarko-le-Cramoisi a dit le coût moyen d'organisation d'un conseil national de l'UMP serait de l'ordre de 800 000 euros, mais sans le moindre justificatif… Ont été ainsi réintégrées 80 % des dépenses d'organisation et 95 % des dépenses de transport.
Au total, le Conseil a réintégré 1 669 930 euros, ce qui fait exploser le compte : 22 975 118 euros de dépenses et 23 094 932 euros de recettes. C’est plié.
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Il reste juste deux remarques.
Sarko-le-Cramoisi annonce qu’il démissionne du Conseil constitutionnel - ce qui ne veut rien dire car c’est du fait de la Constitution qu’il est membre à vie - et il annonce qu’il va reprendre du service. Les mecs de l’UMP sont-ils assez givrés pour se ranger derrière celui qui leur a fait perdre toutes les élections, a ruiné l'UMP et a fait disparaitre la frontière avec le FN ? A suivre.
Les juges d’instruction qui enquêtent sur les financements de 1995 et de 2012 seront très intéressés de découvrir la souplesse comptable du mec… alors qu’il cherche à obtenir du Trésor public le versement de 11 millions d’euros !
A part ça, l’UMP, qui croule sous les dettes, nous gratifiera demain de savantes déclarations sur ce vilain gouvernement qui ne sait pas tenir son budget. Sans parler de nos amis grecs…