Kerviel: bras de fer entre le parquet et le juge de l’application des peines
Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 1/08/2014
Le parquet du tribunal de grande instance d'Evry (Essonne) a fait appel, vendredi 1er août, de la décision du juge d'application des peines, qui accordait à Jérôme Kerviel la libération conditionnelle qu'il a sollicitée, comme la loi l'y autorise.
A bien lire la décision du juge, on mesure le bras de fer qui l'oppose au parquet sur le cas de l'ex trader, condamné à cinq ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis pour abus de confiance, faux et introduction frauduleuse de données informatiques, et qui est actuellement détenu à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.
Plaidoyer contre réquisitoire, le juge a en effet pris soin de répondre à chacun des arguments du parquet qui s'oppose à cet aménagement de peine.
La récidive: contrairement au parquet qui soutient que Jérôme Kerviel présente "un risque de récidive compte tenu de son positionnement" et "conteste sa responsabilité sur les faits", le juge observe que l'ex trader "ne conteste pas sa responsabilité mais prétend que les faits pour lesquels il a été condamné étaient parfaitement connus par son employeur". "Ce positionnement est cohérent, relève le juge, et ne peut en aucun cas s'analyser comme une dénégation de la responsabilité pénale de l'intéressé qui reste pleine et entière". Il ajoute que Jérôme Kerviel "s'est livré lui-même et n'a jamais tenté de se dérober à la mise en oeuvre des décisions" consécutives à sa condamnation. Pour le juge, "il ne peut donc être invoqué, pour s'opposer au projet de M. Kerviel son positionnement", d'autant que l'ex trader est primo délinquant. "Son parcours en détention est exemplaire" et "le risque de récidive est nul", estime-t-il.
Les garanties de représentation et le projet professionnel: là encore, la décision du juge d'application des peines s'oppose fermement au parquet, qui met en doute la réalité des éléments apportés par Jérôme Kerviel à l'appui de sa demande. Le juge considère que les garanties présentées sont tout à fait "crédibles", que le détenu "remplit toutes les conditions d'un aménagement de peine et qu'il n'y a aucune raison de s'opposer à sa demande qui doit lui permettre de se réinsérer dans les plus brefs délais."
Il propose en conséquence son placement sous surveillance électronique (le bracelet), "la mesure d'aménagement de peine devant permettre au condamné de se réinsérer sans ajouter d'entraves inutiles." "Les faits pour lesquels Jérôme Kerviel a été condamné ont fait l'objet d'une médiatisation intense, dont il a résulté une surexposition de l'intéressé attentatoire à sa vie privée et familiale", observe en conclusion le juge.
L'appel du parquet étant suspensif, Jérôme Kerviel reste incarcéré. La cour d'appel de Paris doit se prononcer dans un délai de deux mois.