Réforme de la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d’asile
Planète Juridique - admin, 20/08/2013
Code Lexis-Nexis 2014, C. étrangers, art. R. 732-1 à R. 733-20
Le décret n° 2013-751 du 16 août 2013 modifie la quasi totalité de la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d'asile. Tout en reprenant de nombreux points de la rédaction jusqu’alors en vigueur, il codifie plusieurs éléments de la jurisprudence. Il est entré en application le lendemain de sa publication, à l'exception des dispositions des articles R. 733-6 (modes de dépôt ou de transmission des recours), R. 733-13 (clôture de l'instruction), R. 733-16 (information préalable des parties), R. 733-19 (avis d'audience) et R. 733-25 (lecture du rapport) du code applicables à une date fixée par arrêté du ministre de la justice et du ministre chargé de l'asile, au plus tard le 30 avril 2014. Les des deux premiers alinéas de l'article R. 733-10 (communication du recours à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides) s'appliqueront pour leur part aux recours inscrits aux audiences postérieures au 1er février 2015.
1) Réforme de l’organisation de la Cour: le décret du 16 août 2013 consacre une nouvelle formation solennelle (la « grande formation ») qui remplace la formation de « sections réunies » (C. étrangers, art. R. 732-5). Elle comprendra la formation de jugement saisie du recours complétée par un président et quatre assesseurs (comp. C. étrangers, anc. art. R. 732-5 : « La formation de sections réunies comprend la section saisie du recours et deux autres sections »). Il supprime par ailleurs la possibilité de nommer des rapporteurs en dehors du personnel affecté à la Cour (C. étrangers, anc. art. R. 733-3).
2) Réforme des modalités de dépôt des recours
a) Le décret modifie plusieurs points de l’instruction. Il réforme tout d’abord la faculté ouverte au président de la Cour et aux présidents de formation de statuer par voie d’ordonnance. Jusqu’alors, ces ordonnances portaient sur des hypothèses de désistements, de non lieu à statuer et d’irrecevabilité manifeste non susceptible d’être régularisée. Elles pourront désormais intervenir, en outre, pour des recours ne relevant pas de la compétence de la Cour ou qui ne présentent aucun élément sérieux (C. étrangers, art. R. 733-4). Dans ce dernier cas, le requérant devra avoir été mis en mesure de prendre connaissance des pièces du dossier et l'affaire devra avoir été examiné par un rapporteur. Si le recours est entaché d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la Cour ne pourra le rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité son auteur à le régulariser avec un délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (C. étrangers, art. R. 733-9).
b) Le décret subordonne par ailleurs le dépôt d’un recours à plusieurs contraintes formelles (numérotation des pièces, traduction des pièces en langue étrangère, traduction certifiée pour les actes d'état civil, judiciaires ou de police, certifiée conforme. - C. étrangers, art. R. 733-5). Un arrêté précisera les modalités de transmission par voie électronique (C. étrangers, art. R. 733-6).
c) Le décret fixe enfin un délai de distance d'un mois supplémentaire pour les requérants qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (C. étrangers, art. R. 733-7).
3) Réforme des modalités d’instruction
a) Le décret réforme plusieurs points de l’instruction devant la Cour (C. étrangers, art. R. 733-11, communication avec l’avocat du requérant ; C. étrangers, art. R. 733-12, modalités de communication de l'avis de clôture de l'instruction, de réception du recours, d'audience et de la décision). Il précise notamment que le président de la formation de jugement ou de la Cour fixe la date de clôture de l'instruction. Dans le cas où les parties sont informées deux mois au moins avant l'audience, l'instruction écrite est close dix jours francs avant la date de l'audience (C. étrangers, art. R. 733-13. - comp. C. étrangers, art. R. 733-12, notification sept jours au moins avant l’audience). Dans le cas contraire, l'instruction est close cinq jours francs avant l'audience.
b) Le décret autorise par ailleurs la production de documents après la clôture de l’instruction. Cette faculté n’est jusqu’alors pas ouverte, sauf réouverture de l’instruction (C. étrangers, anc. art. R. 733-13). Désormais, la production des originaux des documents communiqués préalablement en copie demeure recevable jusqu'à la fin de l'audience (C. étrangers, art. R. 733-13).
c) Le décret clarifie enfin la prescription des mesures d'instruction (C. étrangers, art. R. 733-15). En principe, les frais d’expertise seront mis à la charge de la partie perdante, sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'il soit mis à la charge de l'autre partie ou partagés entre les parties.
4) Réforme de l’audience
a) Le décret impose à la formation de jugement d’informer informer les parties lorsqu’elle se fonde sur des éléments d'information extérieurs au dossier en retenant des circonstances de fait propres au demandeur d'asile ou spécifiques à son récit (C. étrangers, art. R. 733-16). Il en est de même si elle fonde sa décision sur un moyen soulevé d'office, notamment dans le cas où il apparaît que le demandeur relève d’une clause d'exclusion (Cf. Conv. Genève, 28 juill. 1951, art. 1er, D, E et F et C. étrangers, art. L. 712-2). Un délai est alors fixé aux parties pour déposer leurs observations.
b) Le décret confirme par ailleurs la mise à disposition gratuite d’un traducteur pour assister le requérant à l'audience (C. étrangers, art. R. 733-17). En toute hypothèse, la Cour doit s’assurer de la présence d’un interprète dans la salle où elle siège pendant le déroulement de l’audience.
c) Les modalités d’information de l’avis d'audience ont été précisées. L’avis doit être adressé aux parties trente jours au moins avant l'audience (C. étrangers, art. R. 733-19). En cas d'urgence, le délai de convocation peut être réduit, sans pouvoir être inférieur à sept jours. Dans ce cas, l'instruction est close cinq jours francs avant l'audience. Si le président de la formation de jugement fait droit sur le siège à une demande de report, il peut convoquer à nouveau les parties sans condition de délai.
d) Le décret apporte encore plusieurs précisions sur la police des débats qui relève du président de la formation de jugement (C. étrangers, art. R. 733-24). Il peut rappeler à l’ordre les personnes qui assistent à l'audience. Celles-ci sont tenues d’observer une « attitude digne », de garder le silence, d’approuver ou désapprouver les débats ou, plus largement, de causer quelque désordre. À défaut, le président peut expulser une personne qui n'obtempère pas.
e) Le décret codifie également plusieurs points relatifs à l’organisation du procès (C. étrangers, art. R. 733-25). Selon le décret, le rapporteur donne lecture du rapport « qui analyse l'objet de la demande et les éléments de fait et de droit exposés par les parties » et fait mention des éléments propres à éclairer le débat « sans prendre parti sur le sens de la décision ». Au cours des débats, les principaux éléments du rapport sont si besoin traduits au requérant. Après la lecture du rapport, sauf si le conseil du requérant demande à présenter ses observations, la formation de jugement peut poser aux parties toute question. Elles-mêmes peuvent présenter oralement toute observation propre à éclairer leurs écritures, spécialement lorsqu’elles ont reçu communication d’un mémoire ou des pièces moins de sept jours francs avant la clôture de l'instruction.
f) Le décret définit pour la première fois les conditions de récusation des membres de la Cour (C. étrangers, art. R. 733-27). Ceux-ci peuvent ainsi se déporter s’ils supposent une cause de récusation ou estiment « en conscience devoir s'abstenir ». Ils sont alors remplacés. La récusation est ouverte à une partie par un acte spécial déposé à peine d'irrecevabilité dès qu'elle a connaissance de la cause de la récusation. Cet acte doit intervenir avant la fin de l'audience. Le membre récusé fait alors connaître par écrit son acquiescement ou les motifs pour lesquels il s'y oppose. Si le membre concerné ne peut être remplacé en temps utile, l'affaire est renvoyée. S’il refuse de se déporter, la demande de récusation est examinée par une autre formation.
g) Le décret astreint enfin la décision rendue par la Cour nationale du droit d’asile à plusieurs contraintes qui n’étaient pas formulées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile mais qui s’imposaient en application des principes généraux de procédure (C. étrangers, art. R. 733-30, mentions relatives aux requérants, à la procédure suivie, date d'audience et de lecture). Si le président de la Cour constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter dans le mois et par ordonnance toutes corrections « que la raison commande » (C. étrangers, art. R. 733-33). Cette ordonnance rouvre alors le délai de recours en cassation, sauf si la demande de modification a été formulée par l’une des parties.
5) Voies de recours spéciales
a) Le décret définit la procédure applicable à une demande d'avis au Conseil d’État pour trancher une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges (C. étrangers, art. R. 733-34. - Cf. C. étrangers, art. L. 733-3). Elle doit être adressée au secrétaire du contentieux du Conseil d’État dans les huit jours. Le requérant et l'office sont alors avisés. La question est tranchée selon la procédure définie aux articles R. 113-2 à R. 113-4 du code de justice administrative.
b) Le décret codifie par ailleurs la procédure qui régit le recours en rectification (C. étrangers, art. R. 733-37). Ce recours est jusqu’alors ouvert en dehors de tout cadre écrit (CNDA, 2 juill. 2009, no 636370/0816840, Mme A. épse R. - CE, 15 nov. 1991, no 109921, Ozcifci). Lorsqu'une décision de la Cour nationale du droit d’asile est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut engager un recours en rectification dans le mois qui suit la notification de la décision.
c) Le décret du 16 août 2013 apporte enfin plusieurs précisions sur la procédure d’avis qui intervient lorsque l’expulsion d’un réfugié est envisagé (Cf. Conv. Genève, art. 31, 32 et 33). L'intéressé est convoqué devant une formation collégiale dans un délai maximal de vingt jours. Celle-ci formule un avis motivé sur le maintien ou l'annulation de la mesure dont l'intéressé fait l'objet. Cet avis est transmis sans délai au ministre de l'Intérieur et au ministre chargé de l'asile (C. étrangers, art. R. 733-38 et R. 733-40).