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Une nouvelle année, mais vraiment !

Justice au singulier - philippe.bilger, 24/12/2012

Je propose à la télévision de ne plus nous ennuyer, au moins sur ce plan. Ce n'est pas parce qu'elle n'a rien à montrer durant les vacances de Noël qu'elle a le droit de faire des redondances, des pléonasmes, des redites.

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La fin de chaque année m'angoisse.

Ce n'est pas de vieillir qui, la prochaine s'annonçant, m'inquiète.

Ce n'est pas non plus l'avenir, ses mystères, son inventivité dangereuse, qui me font peur. J'ai hâte au contraire de découvrir les terres inconnues du temps.

Ce qui m'insupporte concerne, imperturbable, lancinant, fidèle, épuisant, inutile, le rappel télévisuel de tout ce qui s'est déroulé durant l'année écoulée. On n'y coupera pas, on n'y coupe jamais. J'ai la nausée, rien qu'à l'idée de ce qui nous sera imposé. Après l'avoir vécu, lu, regardé, écouté, il faudra le revivre. Le meilleur peut-être mais surtout le pire. Les drames, les tragédies, les faits divers, les polémiques, les visages honnis, les morts et les survivants, l'histoire du monde comme la vie hexagonale.

Il est déjà tellement difficile de prendre de plein fouet l'immédiateté, l'urgence, l'incroyable fraîcheur de l'humanité, le hasard, les aléas, de goûter la saveur de la vie à la première bouchée, d'adopter l'attitude juste face à l'imprévisible, à l'imprévu. Les êtres neufs, les choses vierges, le présent dans la fulgurance de l'instant : ils n'ennuient pas, ils surgissent du néant pour s'évanouir à peine incarnés. Ils n'ont pas le loisir de se perdre dans les longueurs.

Il faudra tout revoir. On va nous lasser, nous accabler avec ce qui aura été, il y a quelques semaines, il y a quelques mois, il y a un an, un instantané spontané et qui sera devenu un passé choisi, sélectionné, distingué, consacré, glacé.

Ce besoin maladif, pour la télévision, de ne pas nous laisser nous projeter dans le futur, de nous contraindre à cette démarche de crabe, de nous emplir d'ombres et de nostalgie alors que nous voudrions n'être habités que par des espérances.

Absurdité comme s'il était essentiel de nous obliger, avant que le nouveau nous saisisse, à empoigner à nouveau de l'ancien. On diffère nos aurores.

Il n'est pourtant pas impoli de quitter une année sans éprouver rien d'autre que de l'allégresse, de la joie ou de la gravité devant la suivante qui pointe déjà son visage.

Je n'ai pas envie de regarder derrière moi. Nous avons trop à faire devant.

Je propose à la télévision de ne plus nous ennuyer, au moins sur ce plan. Ce n'est pas parce qu'elle n'a rien à montrer durant les vacances de Noël qu'elle a le droit de faire des redondances, des pléonasmes, des redites.

Une nouvelle année, mais vraiment!


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