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Flic Blues

Justice au singulier - philippe.bilger, 10/02/2013

Pour guérir ce flic blues, il faudra bien plus qu'un grand ministre de l'Intérieur.

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Une étude sur le management et le stress au travail dans la police fait apparaître des résultats préoccupants mais guère étonnants. Ils sont d'autant plus à prendre au sérieux qu'ils résultent de la consultation de 6000 gardiens de la paix et gradés (Le Figaro).

Je voudrais mettre en exergue trois enseignements qui, sans battre en brèche la passion du service public chez la plupart des fonctionnaires de police, révèlent les limites et les obstacles auxquels ils doivent se confronter au quotidien.

D'abord, pas de véritable respect ni considération pour la hiérarchie policière. Ce n'est pas pour me surprendre, tant, dans des institutions de pouvoir et d'autorité, la responsabilité essentielle de la médiocrité et des dérives qui peuvent être constatées tient au manque de fiabilité, de courage et d'enthousiasme des chefs. Ceux-ci pensent généralement à leur carrière avant de veiller à l'excellence de ce qu'ils ont la charge de diriger. L'exemple ne venant pas d'eux sauf exceptions, leur légitimité ne pèse pas lourd.

Ensuite, la dénonciation des lourdeurs bureaucratiques qui, de fait, au cours des années, n'ont cessé de s'aggraver. On a confondu l'Etat de droit et les garanties procédurales avec l'amas de papier. La police est tellement empêtrée dans un formalisme qui ne protège pas mais entrave et retarde, qu'elle ne se consacre plus à l'essentiel qui est la recherche, l'enquête, l'établissement des preuves. L'action est peu ou prou étouffée par la précaution.

Enfin, comme il est naturel pour un corps qui attaqué de toutes parts s'est replié sur lui-même, il se sent assiégé, incompris et humilié. Il cible dans l'ordre les médias, la justice et les citoyens. Ce constat amer n'est pas faux même si l'opinion publique est probablement souvent égarée dans son appréciation de la police à cause de l'antagonisme entre cette dernière et un certain nombre de magistrats et de la représentation partiale, par les journalistes, des affaires où des fonctionnaires de police ont été impliqués.

Pour les juges et les procureurs, la police a forcément les mains sales quand eux, n'ayant pas de mains pour paraphraser Sartre à propos de Camus, auraient toujours l'esprit propre.

Pour les médias, systématiquement, une présomption de culpabilité pèse sur les policiers dont le concours est requis quand cela va mal et qui pour le reste sont vilipendés par principe : on leur donne trop rarement raison dans les gazettes prétendument informées. Ils interviennent trop tôt, trop tard, maladroitement, violemment : une catastrophe permanente!

La parole n'est donnée qu'à ceux qui détestent la police. Il est chic de la salir, vulgaire de la défendre. Personne ne se demande si aux qualités qu'on réclame d'un policier, beaucoup de citoyens seraient capables d'exercer ce beau métier de sauvegarde de la tranquillité publique.

Gardiens de la paix, pourtant, quelle splendide mission prise à la lettre !

Pour guérir ce flic blues, il faudra bien plus qu'un grand ministre de l'Intérieur.


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