Un président radio mais actif ?
Justice au Singulier - philippe.bilger, 5/01/2015
Dès 7 heures du matin, j'ai écouté, sur France Inter, notre président.
Enfin, ce qu'il en restait au cours de ces deux heures avec de multiples interruptions dont toutes n'étaient pas nécessaires. Quitte à inviter François Hollande, on aurait pu lui laisser place nette, ce qui n'a pas été le cas et n'a pas été pour rien dans l'impression d'un dialogue décousu, fragmenté et, pour tout dire, décevant.
Mais le président de la République y a mis du sien. J'ai beau avoir tenté, avec le plus d'objectivité possible, de prendre la mesure de ses réponses, il a continué à m'apparaître, sur le fond, comme une personnalité intelligente, explicative, aimablement pédagogique, rarement désarçonnée - sauf une fois, on y reviendra - mais peu crédible dans ses engagements, guère convaincant dans son volontarisme et mal à l'aise pour justifier l'évolution de sa politique.
Certes il sait être à l'écoute des journalistes comme des auditeurs, il domine son énervement, il ne maltraite pas ses contradicteurs comme, parfois, son prédécesseur. Mais après ?
J'ai trop insisté sur la forme et la courtoisie en politique pour ne pas le créditer de cette urbanité républicaine mais cette dernière n'a de sens que si elle civilise un discours lui-même argumenté, cohérent, riche d'un avenir déjà programmé et intégré. Un discours rassurant non pas par des formulations vagues et généreuses mais grâce à l'affirmation claire de desseins et d'actions dont le citoyen aurait déjà dû constater la traduction dans le réel.
Denis Pingaud estime que les frémissements dans les sondages, qui sont tout de même très légers, seraient motivés par ce comportement patient et respectueux, par ses visites réussies dans la France profonde. Il me semble plutôt qu'outre les circonstances économiques extrinsèques qui les expliquent au moins partiellement, le retour de Nicolas Sarkozy, en ressoudant la gauche et en vivifiant un antisarkozysme de droite, les a principalement suscités (Libération).
Nous avons un président de la parole politique, morale et vertueuse mais celle-ci, aussi exemplaire qu'elle prétende être, ne tiendra jamais lieu de cet irremplaçable et singulier lien entre les Français et leur président : une parole qui est crue parce qu'elle a déjà démontré et qui donc apparaîtra comme un prélude à l'action de demain. Le futur semble hors de portée parce que le présent étouffe et n'offre pas d'issue.
Cette incarnation opératoire, on l'attend toujours.
Le seul moment où on a senti une minime irritation du président, et c'est symptomatique, provient du rappel par Thomas Legrand d'une affirmation durant sa campagne, selon laquelle il y avait évidemment plusieurs chemins possibles. Dont acte. Mais pourquoi prétend-il alors aujourd'hui qu'un seul est valable, le sien, alors que par ailleurs, nous promettant que cela marchera, il est incapable de nous dire pourquoi cela n'a pas marché depuis 2012, sauf à recourir, une fois de plus, au poids de l'héritage ?
Sa gêne vient du fait qu'il a pris un sens interdit et que par orgueil et idéologie, il se refuse à l'admettre. Le courage de son aveu social-démocrate n'a pas eu d'effets magiques : le réel n'a pas encore pris sa carte politique !
Peut-être convient-il d'admettre, à la décharge du président, qu'il s'inscrit dans un mouvement plus général qui met moins en cause la corruption des politiciens que leur impuissance. C'est ce que Frédéric Dabi a souligné et qui est très signifiant dans les récentes enquêtes d'opinion.
Cette impuissance, malgré la qualité technique de ses réponses et de ses commentaires, il l'a tristement manifestée sur France Inter.
Je continue à penser cependant que le tacticien François Hollande dispose encore de munitions dans sa besace mais le président, lui, malgré ce qu'il cherche à nous faire accroire, est sur une mauvaise pente.
Un président radio, certes, mais pas actif.