Hollande dans les choux : La V° République fait une pause
Actualités du droit - Gilles Devers, 15/04/2013
Avec Hollande asphyxié, à 25% dans les sondages, nous n’avons pas encore changé de constitution,... mais presque ! Le pouvoir confisqué par un homme, soit les modèles de De Gaulle, Mitterrand, Chirac et Sarko, ce n’est plus d’actualité. Le pouvoir se déplace vers l’Assemblée Nationale. Nouveau et intéressant.
La donnée essentielle, c’est l’affaiblissement du Président de la République, à une vitesse inconnue. Et la cause n’est pas l’affaire Cahuzac elle-même. C’est certes une affaire sérieuse, mais la République a connu pire qu’un ministre ayant fraudé le fisc ! Le problème est qu’elle atteint un président devenu vulnérable. Un peu comme un malade affaibli qui plonge dans un état grave à la moindre infection.
Le pays est exaspéré par ce gouvernement qui renie ses engagements, taxe à tout va, et ne donne d’autre sens à l’effort que l’adoration du 3% et de l’équilibre budgétaire. Pas le moindre souffle politique pour créer l’adhésion autour de son action, et en plus cette action n’est pas probante : avec la croissance révisée à 0, les 3% ne sont pas pour demain, et la courbe du chômage ne sera pas inversée. Politiquement, ça se payera cash.
S’ajoute le manque d’autorité du patron de la gochmole, ponctuée par la scène pitoyable de Cahuzac lui affirmant les yeux dans les yeux qu’il n’a pas de compte en Suisse...
L’expérience a montré que l’avenir politique n’est jamais écrit, mais à ce jour, tous à Gauche se projettent dans le remplacement de Hollande en 2017. (A commencer par ce freluquet de Montebourpif, mais qui n’a d’existence que médiatique). Le PS, c’est de nombreux élus, et d’encore plus nombreux salariés dans les cabinets et les collectivités locales. Bref, des gens qui ne misent pas sur les perdants. Tout ce petit monde est aux aguets.
A repasser le film de ces derniers jours, je crois vraiment que l’évènement marquant est l’interview de Bartolone au Figaro de mercredi, doublée d’un service après-vente le lendemain. C’est du jamais vu.
A midi, le président de la République fait une déclaration solennelle, à la sortie du conseil des ministres, pour annoncer la publication du patrimoine des élus, la fin du cumul député-avocat et le maintien strict de la politique des 3%, toute alternative étant qualifiée de non sérieuse.
A 20 heures, Le Figaro publie une interview de Bartolone qui contredit Hollande sur ces trois points.
Sur la publication des patrimoines, c’est cinglant : « La dérive individuelle de M. Cahuzac ne doit pas déboucher sur une culpabilité collective. Je mets en garde contre toute initiative qui viendrait alimenter le populisme. Déclarer, contrôler, sanctionner, c'est de la transparence. Rendre public, c'est du voyeurisme. L'émotion d'un moment ne doit pas aboutir à ce que les députés soient jetés en pâture. La France compte des milliers d'élus. Des gens modestes, honnêtes, qui travaillent parfois bénévolement, font des sacrifices. Ne leur faisons pas payer la faillite morale d'un homme. Le Parlement aura à dire son mot sur ce texte ».
Bartolone rappelle qu’il a fait du vrai ménage : diminution des frais de mission, transparence sur la réserve parlementaire, certification des comptes par la Cour des comptes, gel du budget pour cinq ans, travail sur les lobbys… Alors, pour la publication des patrimoines, ce qui n’aurait rien changé à l’affaire Cahuzac, c’est « parle à ma main... »
Bartolone refuse la mesure brutale de l’interdiction du non cumul entre le mandat parlementaire et certaines professions, rappelle qu’un travail a été confié Madame Noëlle Lenoir, la déontologue de l'Assemblée, et souligne qu’un compromis devra être trouvé si on ne veut pas que tous les députés soient des fonctionnaires. Nickel.
Enfin, il conteste le dogme des 3%, affirmant que « les Français ont besoin de savoir à quoi servent leurs efforts », et que l’expérience d’autres pays montre que cette politique approfondit la crise.
Alors, que vaut la parole du président de la République quand elle est aussitôt contestée par le président de l’Assemblée Nationale ? Où est le fameux chef de l’Etat clé de voûte des institutions ? Où est la dérive du pouvoir personnel qui vidait l’Assemblée de ses prérogatives ?
Hollande, en état de grande faiblesse, a choisi de jouer l’opinion, favorable à la publication des patrimoines, contre les élus, et cette recherche d’un avantage immédiat va durablement le fragiliser.
Bartolone s’est levé face à Hollande comme protecteur des parlementaires et des responsables locaux, soit l’essentiel du monde politique dirigeant. De Gauche et de Droite.
Il est également en pointe dans le combat contre les prêts toxiques de Dexia, et a obtenu pour son conseil général de Seine-Saint-Denis un jugement du tribunal de Nanterre annulant le taux d’emprunt. Si cette décision est confirmée en appel, ce sera un ardoise de 10 milliards d'euros pour les banques concernées, dont au moins 6 milliards pour l'Etat... qui a nationalisé la branche française de Dexia, rebaptisée Société de financement local (Sfil). Les élus locaux apprécient.
Bartolone, en s’assurant l’appui des élus, est en train de prendre un poids politique considérable. Ce proche de Fabius et Aubry n’agirait pas ainsi sans leur appui, et Hollande le sait très bien. Fabius est un boss dans le gouvernement, et on est loin du temps où la politique étrangère était le domaine réservé du chef d’Etat. Impopulaire, il sait qu’il ne peut être au premier poste, mais pour créer les rapports de forces, c’est un maître. Aubry n’attend que de revenir dans le jeu, mais elle n’a pas trop le tempérament d’être leader. Si Hollande est marginalisé, ses groupies sattelisées et Bartolone premier ministre, elle accepterait de revenir au gouvernement, c’est sûr.
Les atouts de Hollande sont bien faibles, face à ces éléphants du PS qui l’ont toujours méprisé et qui cultivent des relais puissants dans le parti, ce que Hollande n’a jamais su faire.
Ayrault est inaudible, et Désir a fini de se carboniser en lançant tout seul son idée de référendum. Celui qui compte au PS est le numéro 2, Guillaume Bachelay, député Seine-Maritime, un proche lui aussi de Fabius et Aubry. Ajoutez Cambadélis, qui s’ennuie et cherche comment occuper ses journées. De quoi faire une équipe solide, enfin.
Le grand rendez-vous aura lieu devant l’Assemblée pour le vote de la loi sur la publication des patrimoines. Si Bartolone tient bon, Hollande deviendra un président de la IV° République. Ce sera Hollande-Coty.