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L'apaisement ne se décrète pas !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 22/10/2015

Ce n'est pas son discours sur l'apaisement qu'il faut donc reprocher à François Hollande. Mais d'avoir placé la France, pour des raisons économiques, sociales, judiciaires et culturelles, sur une pente contredisant absolument et violemment son verbe de paix et la paix rarement battue en brèche - malheureusement, c'est là qu'il est le meilleur ! - de son verbe.

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Que nous avait-il promis lors de sa campagne de 2012 ?

De placer son quinquennat sous le triple signe de la jeunesse, de la justice et du rassemblement, si je me souviens bien.

Pour la jeunesse, c'est un fiasco. Pour la justice, c'est Christiane Taubira. Et c'est manqué pour le rassemblement.

Pourtant, sur ce dernier registre, toutes les chances semblaient être de son côté après un quinquennat dont la caractéristique principale n'avait pas été le calme et la concorde.

Il faut admettre que depuis plus de trois ans maintenant, l'unité est moins que jamais au rendez-vous et que notre France est écartelée entre les multiples communautarismes qu'on a favorisés par faiblesse ou par cynisme. Et elle perd pied.

Je ne peux souscrire à l'appréciation de Razzy Hammadi qui affirme contre l'évidence qu'elle ne "s'embrase pas mais qu'il y a au contraire de l'espoir". Sa lucidité fiscale est plus vive que sa perspicacité sociale (Boulevard Voltaire).

Il serait trop facile de se moquer de ce président de la République qui contre vents et marées prêche l'apaisement en espérant que cette nouvelle scie de sa campagne à venir sera opératoire. Il conviendrait pour cela, au regard même de sa tactique, que partout où il passe, il n'y ait pas des démonstrations éclatantes de rejet, des manifestations quelquefois grossières d'hostilité et, plus généralement, un climat de moins en moins républicain et de plus en plus chaotique et rebelle.

Rien à voir, en tout cas, avec la paix, avec la volonté d'apaisement. Cette manière de se bercer de mots en souhaitant que la réalité leur ressemble devient à force pathétique. Elle révèle plus l'aveuglement que la constance et la résistance.

Je ne suspecte pas le pouvoir de mauvaise foi mais l'apaisement, contrairement à ce qu'il croit, ne se décrète pas.

Face à Moirans, Aiton, Montargis, Air France, aux protestations collectives des policiers et des surveillants de prison, à celle des avocats hier, le gouvernement en est réduit à user d'une palette qui oscille entre le rappel de l'autorité de l'Etat et de sa fermeté, l'impuissance et la démagogie. Les crises qu'il doit affronter, qu'il est incapable de résoudre et que dans le meilleur des cas il colmate, démontrent que cette tranquillité démocratique, dont le président de la République serait le vecteur, est un voeu pieux et en l'occurrence absurde (Le Figaro).

Cette promesse lancinante de tous les présidents d'avoir en charge le destin de tous les Français conduit à s'interroger sur la notion de paix elle-même. Même en République, la politique est un combat et le simple fait d'une opposition, aussi courtoise qu'elle pourrait être, et d'une majorité, aussi consensuelle qu'elle cherche à se prétendre, crée naturellement une atmosphère conflictuelle. La paix n'est qu'une lutte dans les règles.

Le président de la République élu au suffrage universel, malgré son souci apparent d'harmonie entre tous les Français, ne peut absolument pas sacrifier l'inévitable hégémonie que son statut lui octroie et s'abstenir de mettre son énergie au soutien de sa cause partisane, qui fracture le pays au lieu de le rassembler.

C'est une question de philosophe politique. Comment concilier une démarche d'apaisement avec la partialité obligatoire de l'action politique ?

On pourrait rêver d'une pratique présidentielle qui, malgré son élection et en dépit de ses adversaires, tenterait de mettre en oeuvre quelques réformes fondamentales, consensuelles, dans un climat d'union nationale, avec un dialogue et des échanges gouvernés par la préoccupation du seul bien public et l'exclusive volonté de dégager des solutions acceptables par tous. A l'évidence c'est une illusion, une utopie.

Même un Charles de Gaulle, qui bénéficiait d'une légitimité historique, s'est retrouvé, après 1958 dans un contexte et des antagonismes qui l'ont conduit, malgré son obstination à être au-dessus, à se plonger dedans et, quoi qu'il en ait, à se dégrader parfois en homme politique ordinaire.

Faut-il aller jusqu'à la triste conclusion que l'immobilisme, pour un président, est probablement une voie, peut-être la plus fiable, pour apaiser ?

Jacques Chirac, lors de son second mandat, a joué le rôle de "grand sage", de "président arbitre dispensateur de leçons démocratiques" et je ne doute pas de sa volupté à se complaire dans une telle posture. Et de sa sincérité. Mais la rançon a été l'atonie, l'insignifiance opératoire de sa seconde séquence présidentielle.

François Mitterrand, autrement plus habile et roué, n'a pas été loin, à un certain moment de sa présidence, de cette aptitude à l'apaisement et presque de sa réalité. Parce que la conjonction de son être physique souffrant et de son intelligence à la dialectique souple l'avaient mis en retrait des joutes dévastatrices pour l'unité du pays, dont il était obsédé.

Ce n'est pas son discours sur l'apaisement qu'il faut donc reprocher à François Hollande.

Mais d'avoir placé la France, à cause de raisons économiques, sociales, judiciaires et culturelles, sur une pente contredisant absolument et violemment son verbe de paix et la paix rarement battue en brèche - il est alors, malheureusement, à son meilleur ! - de son verbe.


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