Sunshine : ces 245 millions d’euros que les laboratoires pharmaceutiques veulent cacher
Regards Citoyens - teymour, 17/03/2015
Suite au scandale du médiator, les parlementaires et le ministre Bertrand étaient décidés : il fallait la « transparence totale » sur les liens d’intérêts entre laboratoires pharmaceutiques et médecins. Repas, congrès, cadeaux, contrats… tout serait rendu public afin de limiter ces relations troubles qui avaient tant coûté à des centaines de patients ainsi qu’à la collectivité.
Quatre ans plus tard, le lobbying de l’industrie pharmaceutique pour limiter l’impact de cette réforme a été très efficace : suite à une circulaire signée par Marisol Touraine, les contrats, liens les plus lucratifs pour les praticiens de santé, sont rendus publics mais sans mention des montants… Quant à la publication, tout est fait pour la contraindre : alors qu’elle a opté pour une large diffusion des noms des médecins lorsque cela arrange l’industrie (qualifiant cette publicité de « corollaire de l’obligation de transparence »), la CNIL a décidé que les relations d’intérêts entre laboratoires et praticiens de santé devaient être publiées de manière « confidentielle ». Elle a donc imposé le recours à des technologies, notamment de type captcha, pour empêcher l’indexation par les moteurs de recherche et plus généralement la réutilisation de ces données, pourtant voulues d’intérêt général par le législateur.
Outre un accès éclaté à une partie des déclarations sur les sites respectifs des laboratoires et ceux des Ordres, le ministère a finalement ouvert un portail unique permettant à l’industrie de déclarer ses dépenses et aux citoyens de consulter les cadeaux et contrats. Mais ce site se revèle de piètre qualité et les données présentées y sont incomplètes. On n’y retrouve pas les informations publiées par les Ordres, le site est très lent, la navigation fastidieuse et des fonctionnalités ont petit à petit disparu : alors qu’il était possible de rechercher les praticiens par code postal uniquement ou d’avoir la liste de tous les laboratoires concernés, ces fonctionnalités ont récemment disparu. La Direction Générale de la Santé a même fait pression sur un citoyen pour qu’il cesse de travailler sur les données Sunshine.
Nous republions donc aujourd’hui 2 780 553 cadeaux et contrats liant l’industrie pharmaceutique à des médecins, pharmaciens, dentistes, infirmiers ou sages-femmes entre janvier 2012 et juin 2014. Même si nous contestons l’analyse de la CNIL, nous nous sommes pliés à sa décision et avons anonymisé l’intégralité de ces données : il restera donc impossible de faire la lumière sur les nombreux médecins qui touchent des dizaines de milliers d’euros de cadeaux et signent des dizaines de contrats avec l’industrie pharmaceutique, ou de leur permettre de s’en expliquer.
Afin d’offrir une première exploration de ces données, nous avons également développé quelques premières visualisations. Au vu de la richesse de ces informations, de nombreuses autres réutilisations sont imaginables et devraient permettre de mieux comprendre les impacts de ces liens d’intérêts sur le système de santé français. En republiant le tout en Open Data, nous invitons donc chercheurs, décideurs publics, journalistes, informaticiens et citoyens à s’approprier cette base de données. Alors que les parlementaires commencent cette semaine l’examen de la loi Santé, nous leur suggérons d’imposer clairement au Ministère et aux laboratoires de rendre publiques en Open Data les données collectées afin que toute la transparence soit faite sur les cadeaux et les contrats de l’industrie pharmaceutique.
des cadeaux et contrats de l’industrie pharmaceutique