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Les questions laissées en suspens par la décision du Conseil Constitutionnel du 20 avril 2012 relative à la taxe sur les spectacles

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesné et Aymeric Gaultier, 9/05/2012

Dans un précédent article, nous sommes revenus sur la décision du conseil constitutionnel du 20 avril dernier relative à la taxe sur les spectacles mais deux interrogations étaient restées en suspend.
1- La notion de différence de situation et la licéité de la liste ministérielle
En droit, il est implacable de considérer que le principe d’égalité est inefficace lorsqu’il est établi une différence de situation (raisonnement retenu par le Conseil Constitutionnel).

Encore faut-il, d’une part, qu’il y ait bien une différence de situation appréciable entre les disciplines sportives en cause reposant sur des critères objectifs et rationnels et, d’autre part, que la différence de situation justifie une différence de régime dans de telles proportions.

A cet égard, l’on peut se demander si l’arrêté du 27 mai 2005 franchirait aujourd’hui sans difficultés un examen contentieux (dans l’hypothèse d’une demande d’abrogation de l’arrêté qui serait refusée et dont le juge administratif serait saisi par la voie du recours en excès de pouvoir).

L’article 126F de l’annexe IV du code général des impôts liste en effet les différentes disciplines sportives exonérées . Cette exonération constitue un soutien économique justifiée par la nécessité de soutenir des disciplines peu pratiquées ou moins connues et, donc consécutivement à faible rentabilité en termes de recettes de billetterie.

Pour reprendre l’expression utilisée par le commentateur officiel de la décision du conseil constitutionnel, les disciplines exonérées sont les disciplines sportives « dont la qualité première n’est pas d’attirer les foules ».

D’une part, le caractère éminemment subjectif de cette donnée frappe et l’on pourrait tenter de l’objectiver en fixant des critères définis et quantifiés – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

D’autre part, au-delà même de cette imprécision, la question de la caducité de cette liste est posée.

Les pratiques sportives évoluent, se diversifient et leur popularité aussi de sorte que la question de l’adéquation de cette liste avec la réalité de 2012 est soulevée. L’évolution des comportements des spectateurs et leur ouverture vers d’autres disciplines sportives est patente : l’on en veut pour preuve la création de nombreuses arénas sportives ou la bonne couverture médiatique de certaines des disciplines concernées par l’arrêté.

Aujourd’hui, en l’état de la liste, les disciplines comme l’athlétisme, le handball, le judo, la natation ou le volley-ball sont toujours exonérées lorsque des disciplines comme le basket-ball, le tennis, le golf ou encore le rugby ne le sont pas

2- L’éventuelle altération du libre jeu de la concurrence
Certes, il s’agit d’exonérations qui ne peuvent bénéficier aux sociétés sportives que pour autant que la délibération exonère toutes les réunions sportives se déroulant sur le territoire de la commune quelle que soit la discipline sportive concernée.

Il y a toutefois quelque chose qui interpelle à considérer que les entreprises concurrentes qui se situent sur un même secteur (par exemple le championnat de Ligue 1) puissent bénéficier d’un environnement fiscal si différent qui va grever leur budget significativement.

La décision d’exonération de la taxe sur les spectacles prise par la collectivité a un effet équivalent à celui d’une subvention (régime auxquelles les sociétés sportives ne sont pas éligibles) et, qui au regard des montants en jeu, peut avoir une influence significative sur l’état de la concurrence entre les clubs dont le lieu de déroulement d’une partie de leurs rencontres sportives n’est pas laissée à leur libre appréciation et dépend de leur localisation (problématique des matchs à domicile pour lesquels les fédérations françaises sportives posent des obligations plus ou moins strictes).

Une exonération fiscale peut constituer une aide d’Etat et la Commission Européenne a rappelé que le domaine du sport n’est pas épargné par cette règlementation.

Au surplus, la Commission considère que les subventions allouées aux clubs professionnels peuvent soulever des problèmes de compatibilité avec les règles européennes d’aides d’Etat et que l’application des règles d’aides d’Etat est une garantie efficace pour « établir une situation équitable et garantir que les Etats ou les municipalités qui sont les plus désireux ou les plus à même d’allouer des subventions à leurs clubs ne perturbent pas la concurrence loyale. »

Dès lors, la décision du Conseil Constitutionnel ne met pas un terme au débat sur la licéité de la taxe sur les spectacles.


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