Rohani et Hollande : Quel avenir ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 11/11/2015
La diplomatie, ce sont les relations d’Etat à Etat, les sourires sans la sympathie, et la diplomatie compte surtout quand les Etats ne sont pas d’accord entre eux. De ce point de vue, la visite du président Hassan Rohani à Paris, ce week-end, ce sera un grand moment tant il existe entre les points de vue français et iraniens des désaccords majeurs, reposant sur des conceptions fondamentalement différentes du droit international.
Le président iranien, à l'approche de cette visite, a donné une interview à Europe 1 et France 2, et sur deux questions au cœur de la politique étrangère française, il développe – sans surprise – le point de vue iranien, mais avec une assurance qui devient un défi à Hollande.
D’abord, Israël
C’est le point de vue établi de l’Iran, mais à trois jours d’une réception officielle à l’Elysée, ça pèse.
«Nous pensons que toutes les personnes qui étaient d'origine palestinienne et qui sont en errance à l'étranger doivent pouvoir tous revenir sur leurs terres. Il faut qu'il y ait des élections publiques sous la supervision des Nations unies et, quels qu'en soient les résultats, nous les accepterons ». Invité à préciser sa pensée, M. Rohani a déclaré qu'il ne parlait pas de deux États (un israélien et un palestinien), mais « d'un seul ».
« Nous disons que tout le monde doit se réunir pour voter sur l'ensemble du territoire palestinien tel qu'il était dans ses frontières d'avant 1948. Nous disons que tous les juifs, tous les musulmans, tous les chrétiens et toutes les personnes qui sont originaires de la Palestine et qui sont en errance doivent pouvoir revenir en Palestine ».
Interrogé sur la légitimité d’Israël, Rohani poursuit : « L'État actuel d'Israël n'est pas légitime. C'est pourquoi nous n'avons pas de relations avec eux car nous ne considérons pas cet État comme légitime ».
Un chef d’Etat sera donc reçu à l’Elysée, après cette déclaration, et la réitérera manifestement si un journaliste lui pose la question.
Ensuite, la Syrie
La politique française est bien connue : la nécessité inconditionnelle du départ de Bachar El-Assad.
Là encore, Rohani défend la ligne de l'Iran, mais les termes choisis s’adressent à Hollande :
« Je pense que nous devons changer la manière de poser la question, ce n'est pas une question de personnes mais du peuple syrien, il est question de stabilité et de sécurité. Certaines personnes essaient de détourner le débat, nous devons éradiquer le terrorisme en Syrie ».
« Pensez-vous qu'on puisse lutter contre le terrorisme sans un état légitime à Damas? Quel pays peut lutter contre le terrorisme sans un état fort ? On n'a pas le droit de décider pour un pays qui doit être candidat et qui ne doit pas l'être, c'est au peuple syrien de décider ».
Alors, Hollande ?
Hollande,…et la classe politique ? Car il y a en France un large consensus sur ces questions. Et bien hier, aucun écho ou presque, alors que si un citoyen français se risquait à tenir de tels propos sur Israël, ce serait la correctionnelle.
Donc, on suivra à la loupe la rencontre entre Rohani et Hollande. Bien sûr, Hollande défendra ses choix politiques, … et ses analyses juridiques. Avec comme alliés-pivots Israël et l’Arabie-saoudite, et rejetant la Russie, la Turquie, l’Iran et la Syrie.
Tout le problème est que les rapports de force ont profondément changé au Proche-Orient. Il ne reste rien des discours ambitieux d’Obama, qui désormais laisse filer. La Russie et l’Iran tiennent la corde pour résoudre la crise syrienne, et toute la région va s’en trouver transformée. Alors un clash avec l’Iran, pourquoi pas, mais quels moyens se donne la France garder un poids politique au Proche-Orient ?