Thierry Mariani doit-il être excommunié ?

Un véritable tsunami. Forcément quelque chose de grave, de tragique ?

Non, simplement un tweet de Thierry Mariani.

On lit : "L'Afrique n'a pas attendu l'Occident pour pratiquer l'esclavage" et "déculpabilisation".

Il se rapporte à l'enlèvement le 14 avril par le groupe islamiste armé Boko Haram - qui signifie "l'éducation moderne est un péché" -, de plus de 200 lycéennes, la plupart chrétiennes, dans le nord-est du Nigeria. Son chef, musulman fanatique, affirmant agir au nom d'Allah qui aurait autorisé l'esclavage au nom de l'Islam, a l'intention de vendre ses jeunes otages sur les marchés en vue de mariages forcés, en en gardant quelques-unes comme esclaves (Le Monde, Boulevard Voltaire, Le Figaro, Le Parisien).

Cette ignominie a suscité un émoi international, une indignation collective et une mobilisation proposant une aide opératoire au Nigeria pour l'aider à retrouver et à libérer ces nombreuses jeunes filles.

On s'étonne que cette odieuse entreprise bouleverse plus notre monde que par exemple les massacres en Syrie ? Mais ceux-ci, pour être atroces et avec une responsabilité sinon partagée du moins pas exclusive, relèvent d'une guerre civile à laquelle on peut prêter, en forçant le trait, un caractère vaguement politique. Alors que pour Boko Haram et ces jeunes lycéennes arrachées à leurs dortoirs, c'est l'ensemble de l'humanité qui se sent atteint et offensé. Le coeur de tous est meurtri, au-delà des convictions partisanes (i-Télé).

Thierry Mariani pense-t-il autre chose que ce que je viens d'énoncer ? Certainement pas. Je suis persuadé qu'il n'est pas moins indigné que les indignés sincères d'aujourd'hui et encore plus que les indignés professionnels qui, à force d'en abuser, ont fait perdre à ce sentiment si puissant sa vigueur et sa nécessaire rareté. Sauf à estimer qu'à chaque seconde, il convient dans notre univers de pousser des hauts cris.

Ce qu'on peut reprocher sans mauvaise foi à son tweet, c'est d'abord le tweet lui-même. Je suis mal placé pour lui en faire grief mais je crois tout de même que sur de telles tragédies, ou bien on se contente d'un commentaire comme d'un pléonasme de l'émotion ou bien, si on souhaite aborder autre chose à partir d'elles, on use d'un autre moyen de communication. Le tweet et ses 140 signes ne sont pas faits pour une analyse qui sera forcément sommaire et risquée.

Quant au fond de son tweet, on confond, dans l'opprobre médiatico-politique qui est déversé sur lui, son inadaptation avec sa vérité.

Qui peut contester aujourd'hui, depuis que certaines scandaleuses polémiques ont en vain cherché à altérer l'honneur et l'intégrité de l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, que la traite orientale a été plus intense que la traite atlantique et que, pour la première, les commanditaires étaient des Arabes et les exécutants des Africains ? Thierry Mariani, en bref, n'entend pas autre chose et si je ne partage pas sa conclusion de "déculpabilisation", car une horreur n'efface pas l'autre, on peut cependant comprendre ce qu'il cherche à signifier.

On en revient à sa seule faute qui a été, confronté à cet épouvantable enlèvement, d'emprunter un chemin de traverse, même dans la vérité, qui donnait l'impression qu'il oubliait l'essentiel, le gravissime du moment. Il n'aurait pas dû, certes, mais cette inadaptation, cette maladroite dérive sont-elles de nature à justifier le tintamarre feint ou sincère qui les a suivies ?

Le député Yann Galut, que par ailleurs j'estime, n'en a-t-il pas trop fait avec une déclaration mettant ce malencontreux tweet au niveau d'une affaire d'Etat ou d'un problème de morale publique ? A quel titre Jean-Christophe Cambadélis se permet-il d'enjoindre à l'UMP de semoncer Thierry Mariani ? Le PS n'a-t-il pas suffisamment à contrôler en son sein ?

Malheureusement Jean-François Copé a cédé et déclaré qu'il regrettait "profondément" le tweet de Thierry Mariani. Si seulement il ne s'était pas précipité ! Son appréciation ajoute une repentance inutile à une intervention seulement inadaptée de Thierry Mariani.

Celui-ci ne doit pas être excommunié.

Que de tempêtes artificielles et démesurées pour faire oublier, de nos jours, par l'hypertrophie du dérisoire, la faillite, trop souvent, de l'important !