Kerviel récompensé
Justice au singulier - philippe.bilger, 26/10/2012
Jérôme Kerviel condamné à deux reprises pour de graves infractions.
Des dommages intérêts d'un montant considérable alloués à la Société Générale qui se déclare prête à négocier (Le Parisien, Le Monde).
Une stratégie de défense erratique pour des familiers de la justice et de la psychologie des juges.
Un mélange de vulgarité médiatique et de provocation judiciaire.
Se montrer certes mais pour ne rien démontrer ensuite. Avoir tenté de faire de la banque la coupable exclusive au lieu d'incriminer son comportement pour s'efforcer d'atténuer la sanction et la réparation a représenté une erreur capitale.
Rien de pire, pour des avocats et un prévenu, que de se faire passer, côté cour et côté société, pour plus importants que les magistrats en charge des audiences. C'est un syndrome bien français : il n'est pas un citoyen plus ou moins éclairé qui ne s'estime plus au fait de l'affaire que ceux qui par fonction en maîtrisent tous les ressorts. En matière de justice, l'impérialisme de l'ignorance ne cesse pas de pourrir l'esprit public.
La page étincelante de Stéphane Durand-Souffland sur l'arrêt de condamnation, sur Jérôme Kerviel et sur Me Koubbi, en dit long, pourtant, sur tout ce qu'il n'aurait pas fallu faire (Le Figaro).
C'est sans doute au nom de cet immense gâchis et de cette culpabilité sanctionnée à deux reprises sans faiblesse ni aveuglement - un pourvoi en cassation a été formé - qu'on a décidé d'inviter Jérôme Kerviel au journal télévisé de 20 heures sur France 2.
En majesté.
Dans quelle démocratie se trouve-t-on quand un média confronté à des règles éthiques et déontologiques prend le parti de les ignorer en invoquant le droit d'informer, qui n'a jamais été en République la prime à l'indécence ?
Il est paradoxal et choquant que le service public ait oublié que la lumière ne doit pas être posée n'importe quand sur n'importe quelle tête.
Kerviel a été récompensé. Etait-ce bien nécessaire ?