Le président essaie la flatterie démocratique...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 31/12/2019
18 minutes pour les voeux du président de la République (TF1).
C'était long. Comme souvent. Alors que son meilleur discours a été celui, bref, direct, spontané et émouvant, juste devant Notre-Dame de Paris en feu.
On nous avait annoncé le thème des retraites. On l'a eu. Le Premier ministre devra rechercher un compromis en respectant les principes présidentiels : l'universalité et le financement. Bon courage pour le 7 janvier avec des syndicats dont aucun n'aura trouvé une réponse à ses préoccupations, qu'elles soient extrémistes ou mesurées.
On nous avait annoncé le thème de la dépendance. On l'a eu. Un registre compassionnel qui a d'ailleurs imprégné tout le propos présidentiel visant à démontrer que les premiers de cordée étaient loin d'être les seuls à susciter sa bienveillance.
On ne peut pas soutenir, comme Marine Le Pen dans un tweet rageur, que "une fois de plus, rien". C'est injuste sauf à considérer que l'allocution du 31 décembre pouvait être autre chose qu'un défilé de promesses volontaristes et de satisfactions pour l'action passée et les résultats obtenus.
Au-delà de cette structure presque obligatoire, j'ai relevé cependant un changement. Le président a perdu de sa superbe. Sérieux, grave, il n'est plus habité par cette grâce qui donnait l'impression agaçante que tout était facile pour lui et difficile pour les autres.
J'ai ressenti tout au long la volonté systématique, presque pathétique à force, d'engager le peuple français dans le débat, de manifester combien il l'aimait et comptait sur lui. Tactique sans doute mais cette flatterie démocratique révélait qu'on avait abandonné les rêves du nouveau monde, qu'on avait besoin de nous, toutes affaires cessantes, pour colmater les brèches béantes de l'ancien.
Le pouvoir vertical semblait s'abaisser pour se tourner vers la société et au fond, quémandait un soutien, une adhésion dont E. Macron devinait qu'ils ne lui étaient plus acquis par principe, bien au contraire. Il y avait là un président qui s'efforçait de proposer un partage au lieu de cultiver une autarcie impérieuse et régalienne. Faute d'avoir pu, depuis des mois, conquérir l'affection républicaine et respectueuse des citoyens, il les invitait à lui faire la grâce de la lui dispenser.
En même temps, il était surréaliste d'entendre le président rendre hommage, dans son exorde, à toutes ces professions et fonctions révérées par les Français, comme s'il avait oublié les revendications qui avaient été les leurs et allaient continuer en 2020. Il ne suffisait pas de répéter qu'il comprenait "les angoisses et les inquiétudes". Ceux qui l'écoutaient aspiraient à les voir concrètement dissipées.
Discours d'un président revenu de Jupiter.
Va-t-on préférer le Macron apparemment modeste au Macron royal d'avant ? Va-t-on y voir une feinte ou un second souffle ?